Des microalgues intelligentes pour transporter les médicaments au cœur des tissus

Une vitesse de nage quasi inchangée malgré un revêtement magnétique.

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Des chercheurs ont mis au point des microrobots biohybrides en modifiant des microalgues à l’aide d’un revêtement magnétique spécialisé. Ces « micro-nageurs » ont conservé presque intégralement leur vitesse de déplacement, même dans des environnements hautement confinés, tandis qu’elle n’a été que légèrement impactée dans des milieux visqueux. Cette technologie ouvre la voie à de nombreuses applications, notamment dans l’administration ciblée de médicaments.

Les microrobots biohybrides suscitent un intérêt croissant en robotique, en raison de leur capacité de propulsion rendue possible par l’intégration d’éléments biologiques. Ils sont modifiés par l’incorporation de divers micro- ou nanomatériaux, ce qui permet un contrôle polyvalent dans des contextes aussi variés que la navigation à l’intérieur des tissus biologiques.

Des ingénieurs ont par exemple conçu des bactéries magnétotactiques capables d’administrer des traitements anticancéreux de manière ciblée. Des spermatozoïdes modifiés et guidés par magnétisme ont également été testés dans des protocoles mini-invasifs de lutte contre l’infertilité. Plus récemment, Chlamydomonas reinhardtii (CR), une microalgue unicellulaire, a attiré l’attention des chercheurs en raison de ses remarquables aptitudes à la nage, de sa sensibilité à la lumière et de sa biocompatibilité.

Dotée de deux flagelles frontaux en forme de fouet, cette cellule peut atteindre une vitesse de 20 à 25 fois sa longueur par seconde. Dépourvue d’activité génotoxique, elle s’avère particulièrement adaptée à des applications en ingénierie tissulaire ou en médecine régénérative. Son autofluorescence, conjuguée à un temps de prolifération relativement long, la distingue des autres cellules employées dans la microrobotique hybride.

Toutefois, si le contrôle magnétique s’impose comme la méthode de guidage la plus répandue, son application aux microalgues reste limitée par plusieurs facteurs. On ignorait notamment comment l’ajout de particules ou de revêtements magnétiques pouvait influer sur leurs capacités de nage — surtout dans des milieux confinés, à l’image des microvaisseaux biologiques. Par ailleurs, un faible rendement de biohybridation pouvait nuire à la contrôlabilité de l’ensemble de l’essaim.

Une équipe de l’Institut Max Planck pour les systèmes intelligents (MPI-IS), à Stuttgart (Allemagne), a développé une méthode permettant aux microalgues de conserver leur mobilité malgré l’ajout d’un revêtement magnétique. « Notre vision est d’utiliser ces microrobots dans des environnements complexes, de taille réduite et très confinés, comme ceux que l’on trouve dans nos tissus », expliquent les chercheurs dans un communiqué.

«« Nos résultats ouvrent la voie à des applications telles que l’administration ciblée de médicaments, offrant une solution biocompatible pour les traitements médicaux, avec un potentiel prometteur pour de futures innovations en biomédecine et au-delà », ajoutent-ils. Les résultats de leurs travaux sont publiés dans la revue spécialisée Matter.

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Résumé graphique de l’étude. © Akolpoglu et al.

Une vitesse de déplacement quasi inchangée

Les chercheurs allemands ont entrepris de fonctionnaliser la surface des cellules de microalgue en y incorporant un matériau magnétique, de manière à permettre un contrôle externe de leur trajectoire. Pour cela, les cellules ont été recouvertes d’une fine couche de chitosane — un polymère naturel favorisant l’adhérence — combinée à des nanoparticules magnétiques. Le guidage est assuré par un champ magnétique généré par un système de bobines et d’aimants permanents.

La biohybridation a atteint un rendement de 95,9 % (neuf cellules sur dix) en quelques minutes seulement. Pour évaluer leurs performances de nage, les chercheurs ont testé les microrobots dans un liquide de faible viscosité, proche de celle de l’eau, puis dans un autre milieu dont la consistance s’apparente au mucus. Ils ont également été guidés à travers un réseau tridimensionnel de microcylindres, simulant un environnement confiné d’un diamètre environ trois fois supérieur à celui des cellules.

Les microrobots ont conservé presque intégralement leur vitesse malgré la charge supplémentaire. Ils évoluaient à grande vitesse dans l’eau, avec une moyenne de 115 micromètres par seconde, soit environ 11,5 fois la longueur de leur corps par seconde — un score nettement supérieur aux précédents modèles biohybrides conçus à base de microalgues. À titre de comparaison, un nageur olympique atteint généralement une vitesse d’environ 1,4 fois sa propre longueur par seconde.

Un haut potentiel de navigation dans les espaces confinés

Les expériences ont également montré que les robots parvenaient à naviguer dans les microcanaux en fonction de leur diamètre et du guidage magnétique appliqué. Sans ce dernier, ils restaient généralement bloqués et revenaient en arrière vers leur point d’entrée. Avec un champ magnétique dirigé, ils parvenaient à progresser même dans les canaux les plus étroits. « Le guidage magnétique a aidé les biohybrides à s’aligner dans la direction du champ, révélant un véritable potentiel pour la navigation en milieux confinés – à la manière d’un petit GPS », explique Birgül Akolpoglu, co-auteure principale de l’étude.

En revanche, dans les milieux plus visqueux, la vitesse de déplacement des microrobots a été réduite. Les micro-nageurs ont enregistré une diminution moyenne de 1 à 2 longueurs de corps par seconde, et leur trajectoire tendait à devenir sinueuse, marquée par des mouvements en zigzag. Pour Saadet Fatma Baltaci, également co-autrice de l’étude, « cela montre comment un réglage précis de la viscosité et de l’alignement magnétique peut optimiser la navigation des microrobots dans des environnements complexes ».

Cette capacité de contrôle s’avère cruciale dans les milieux biologiques, où structure et viscosité peuvent fortement varier. Au-delà de la biomédecine, ces microrobots pourraient également être mobilisés pour la surveillance de l’environnement, des opérations de nettoyage industriel, ou encore pour mieux comprendre les mécanismes fondamentaux de la locomotion à l’échelle microscopique.

Vidéo de présentation de l’étude :

Source : Matter
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