Des chercheurs ont développé un microrobot hybride fonctionnant à la fois par le biais de l’électricité et du magnétisme. Capable de naviguer dans un très large éventail de milieux physiologiques, le dispositif peut identifier, capturer et déplacer une cellule : le tout sans besoin de marquage spécifique. Cette innovation majeure ouvre une nouvelle voie vers l’utilisation de la microrobotique dans de nombreux domaines, allant du diagnostic médical à l’édition génétique, en passant par l’administration ciblée de médicaments.
Au cours des 10 dernières années, la microrobotique a connu de grandes avancées. Récemment, des chercheurs ont développé des microrobots capables de manipuler des cellules. Mesurant environ 10 micromètres de diamètre, ces microdispositifs peuvent s’introduire dans différents environnements biologiques pour saisir, pousser ou palper des cellules grâce à un guidage à distance. Ces minuscules robots se déplacent d’une (micro)région à une autre pour collecter ou livrer des cargaisons de particules. Capables d’agir sur de véritables chantiers à l’échelle microscopique, les microrobots pourraient également être utilisés pour déboucher des artères, colmater des microfissures ou insérer des facteurs de croissance tissulaire.
Pour permettre aux microrobots de se déplacer de manière autonome et optimale, les chercheurs s’inspirent des « micronageurs » biologiques, tels que les bactéries ciliées et les spermatozoïdes. « Il s’agit d’un domaine de recherche innovant qui se développe rapidement, avec une grande variété d’utilisations dans des domaines tels que la médecine et l’environnement, ainsi qu’un outil de recherche », déclare Gilad Yossifon dans un communiqué, professeur à l’école de génie mécanique et au département de génie biomédical de l’Université de Tel-Aviv et directeur de la nouvelle recherche.
La nouvelle étude, parue dans la revue Advanced Science, décrit un microrobot pouvant capturer des cellules sanguines, cancéreuses et des bactéries. Les chercheurs ont démontré qu’il est capable de faire la distinction entre les cellules saines et endommagées par le biais d’une molécule de synthèse ou ayant enclenché un processus apoptotique (mort cellulaire programmée). Après avoir identifié et saisi (in vitro) la cellule ciblée, le microrobot a pu la déplacer de sorte à permettre une analyse extérieure plus approfondie.
Comme ces cellules possèdent des propriétés électriques différentes, le microrobot est capable de les identifier (par type et par état d’intégrité) sans nécessiter de marqueurs spécifiques. Cette innovation est particulièrement importante dans le développement de traitements anticancéreux — que le microrobot pourrait livrer (ou administrer) de manière ciblée.
Un système de propulsion hybride
D’après l’équipe de recherche, un système de propulsion hybride est particulièrement important pour que le microrobot puisse explorer une large gamme d’environnements physiologiques. La plupart des microrobots fonctionnent en effet sur la base d’un mécanisme de propulsion électrique, car cela offre différents avantages tels que le chargement, le transport et le largage homogènes et sélectifs de la cargaison. Cependant, les micromoteurs électriques ne sont pleinement efficaces que dans certains microenvironnements et présentent des limites en dehors de l’application in vitro.
La micropopulsion électrique devient en effet inefficace dans des microenvironnements présentant une conductivité électrique supérieure à 0,3 mS cm-1. « Les microrobots qui fonctionnaient jusqu’à présent sur la base d’un mécanisme de guidage électrique n’étaient pas efficaces dans certains environnements caractérisés par une conductivité électrique relativement élevée, comme un environnement physiologique, où la propulsion électrique est moins efficace », explique Yossifon. Or, la plupart des solutions nécessaires à la survie de notre organisme sont hautement conductrices. Le sérum sanguin possède par exemple une conductivité de 10 à 20 mS cm-1. Ce degré de conductivité équivaut également à celui des milieux de culture utilisés pour les cellules de mammifères.
D’un autre côté, le principal avantage de la propulsion magnétique est sa capacité de fonctionner dans une large gamme de températures et de conductivité, en plus de ne pas nécessiter d’alimentation. De plus, le microrobot peut être dirigé avec précision sans que l’aimant entre directement en contact avec les tissus. Toutefois, un moteur à propulsion magnétique peut subir une démagnétisation sous l’influence de l’hystérésis (un processus selon lequel la magnétisation d’un aimant peut être améliorée ou perdue dans un champ magnétique plus large).
Pour pallier ces problèmes, les chercheurs ont décidé de combiner les deux systèmes de propulsion dans leur nouveau microrobot. « Notre nouveau développement fait progresser considérablement la technologie dans deux aspects principaux : la propulsion hybride et la navigation par deux mécanismes différents – électrique et magnétique », explique Yossifon. D’après ce dernier, la technologie pourra soutenir de nombreux domaines, incluant le diagnostic médical sur cellule unique, l’édition génétique, mais également la possibilité de développer des « laboratoires sur particules » — un microlaboratoire destiné à réaliser des manipulations, dans des environnements uniquement accessibles aux microparticules. Prochainement, les chercheurs espèrent passer aux tests in vivo pour pleinement évaluer l’efficacité de leur dispositif.
Une vidéo présentant le microrobot hybride des chercheurs de l’Université de Tel-Aviv :