Plus puissantes, plus rapides à recharger, plus légères… En comparaison des batteries lithium-ion, les batteries lithium-métal semblent on ne peut plus prometteuses. Pourtant, malgré de nombreuses expérimentations, des obstacles techniques leur barrent encore la route. Une équipe de scientifiques de la Stanford’s School of Earth, Energy & Environmental Sciences a donc décidé de prendre le problème sous un angle plus mathématique.
Si la batterie lithium-métal, proche cousine de la batterie lithium-ion, n’arrive pas encore à lui voler la vedette, c’est notamment à cause des dendrites. Dans une batterie, les dendrites sont de petites excroissances qui se forment par déposition de lithium, lors des cycles de déchargement et de rechargement. Elles peuvent ainsi causer une perte d’efficacité, des surchauffes, ou même des courts-circuits lorsqu’elles se développent suffisamment pour relier l’anode et la cathode (les bornes « + » et « – » d’un circuit). Jusqu’ici, ces fameuses dendrites limitent évidemment le développement commercial des batteries lithium-métal.
De nombreuses expérimentations en laboratoire visent à résoudre ce problème, à divers degrés de réussite. Cette méthode de travail en laboratoire peut cependant être longue à porter ses fruits et les résultats peuvent être difficiles à interpréter, selon les scientifiques. Cette fois-ci, des chercheurs ont donc pris le parti de se concentrer sur l’aspect théorique. Ils ont travaillé sur un modèle mathématique basé sur la physique et la chimie impliquées dans la formation des dendrites. Ils ont présenté leurs résultats dans le Journal of the electrochemical society.
« De très nombreuses recherches sont consacrées à la conception de matériaux et à la vérification expérimentale de systèmes de batteries complexes, et en général, des cadres mathématiques comme celui dirigé par Weiyu ont largement manqué dans cet effort », affirme l’un des co-auteurs de l’étude, Daniel Tartakovsky, professeur d’ingénierie des ressources énergétiques à Stanford, dans un communiqué de l’établissement. Le modèle mathématique créé par les scientifiques a pour but de représenter les mécanismes à l’œuvre dans une batterie lithium-métal, notamment pour ce qui concerne les champs électriques internes et le transport des ions-lithium à travers le matériau de l’électrolyte.
L’objectif est de fournir des indications théoriques à d’autres équipes de chercheurs qui pourraient ainsi mener des expérimentations plus ciblées afin d’augmenter la durée de vie des batteries. « Notre espoir est que d’autres chercheurs puissent utiliser ces conseils de notre étude pour concevoir des dispositifs qui ont les bonnes propriétés et réduire la gamme d’essais et d’erreurs, les variations expérimentales qu’ils doivent faire en laboratoire », a ainsi déclaré Hamdi Tchelepi, également co-auteur de l’étude. Le résultat est une première étude qui donne déjà des pistes d’expérimentation. « Cette étude fournit certains des détails spécifiques sur les conditions dans lesquelles les dendrites peuvent se former, ainsi que sur les voies possibles pour supprimer leur croissance », se réjouit Hamdi Tchelepi.
Matériaux anisotropes, clefs des batteries du futur ?
Le premier modèle fourni par les scientifiques fait ressortir une idée clef : l’utilisation de nouveaux électrolytes, notamment des électrolytes anisotropes, pourrait limiter voire arrêter le développement de dendrites. L’électrolyte est la substance conductrice qui permet aux ions de se déplacer entre les deux électrodes à l’intérieur d’une batterie. Pour mieux comprendre, il faut ensuite se pencher sur la définition de « anisotrope ».
Les matériaux anisotropes sont des matériaux qui présentent des propriétés différentes en fonction de leur « direction ». « Un exemple classique de matériau anisotrope est le bois, qui est plus résistant dans le sens du grain, visible sous forme de lignes dans le bois, par rapport au sens du grain », souligne la Stanford’s School of Earth, Energy & Environmental Sciences. Des électrolytes anisotropes pourraient, selon les mathématiciens, réguler les déplacements des ions de manière à éviter la création de dendrites. Certains cristaux liquides ou gels présentent notamment de telles propriétés, suggèrent les scientifiques.
L’utilisation de matériaux anisotropes pourrait aussi avoir sa place dans l’utilisation de membranes. En effet, l’une des approches utilisées actuellement pour résoudre le problème des dendrites est de placer une membrane pour empêcher les électrodes de se toucher et de se court-circuiter. Des séparateurs avec des pores qui permettent la circulation des ions de manière anisotrope pourraient y trouver leur utilité.
Pour confirmer ces pistes théoriques, il faudra toutefois attendre que d’autres chercheurs s’en saisissent au cours de leurs expérimentations. En attendant, l’équipe de scientifiques travaille à la création d’une représentation virtuelle complète de ce type de batterie. Ce modèle virtuel est appelé « avatar numérique d’un système de batterie ion-métal », ou DABS. « Avec DABS, nous continuerons à faire progresser l’état de l’art pour ces dispositifs de stockage d’énergie prometteurs », affirme Daniel Tartakovsky.