Alors que l’Islande figurait parmi les rares endroits de la planète à être dépourvus de moustiques, des spécimens vivants ont été observés pour la première fois sur l’île, le réchauffement climatique la rendant désormais plus hospitalière pour les insectes exotiques. Ces moustiques pourraient rapidement proliférer, compte tenu de l’abondance sur place de zones humides propices à leur reproduction. Cette découverte illustre, une fois de plus, la rapidité avec laquelle le réchauffement climatique d’origine anthropique transforme les écosystèmes.
Les moustiques (ou Culicidés) forment une vaste famille d’insectes de l’ordre des Diptères, regroupant de nombreuses espèces qui jouent un rôle essentiel dans la diversité biologique et fonctionnelle des zones humides. Les adultes, mâles comme femelles, contribuent à la pollinisation en se nourrissant du nectar des fleurs. Ils s’inscrivent également dans la chaîne alimentaire de nombreux animaux, tels que les poissons et les amphibiens.
Ils constituent cependant un problème majeur de santé publique, les femelles ayant besoin de sang pour la maturation de leurs œufs. Cela en fait de puissants vecteurs de maladies (paludisme, dengue, chikungunya, Zika, etc.), responsables de centaines de milliers de décès chaque année dans le monde. Contrairement à une idée reçue, les moustiques sont en réalité les animaux les plus mortels de la planète, surpassant de loin les grands prédateurs comme les requins, ou encore les serpents et araignées les plus venimeux et juste devant l’humain.
Les moustiques prospèrent principalement dans les régions tropicales. Toutefois, des espèces exotiques sont désormais recensées dans de nombreuses zones du globe, en raison du réchauffement climatique. Des œufs et des spécimens de moustique égyptien (Aedes aegypti) et de moustique-tigre (Aedes albopictus) ont ainsi été récemment détectés au Royaume-Uni.

Des spécimens ont également été trouvés le mois dernier en Islande, autrefois l’une des rares régions du monde à être totalement dépourvues de moustiques. Bien que l’île abrite de nombreuses zones humides — marais, étangs, tourbières — propices à leur reproduction, son climat demeurait jusqu’ici trop rigoureux pour qu’ils s’y établissent. Mais il s’avère que c’est désormais le cas, conséquence directe de la hausse rapide des températures dans la région.
Une espèce de moustique plus résistante au froid
L’Arctique se réchauffe environ quatre fois plus vite que les autres régions de la planète. Alors que les températures islandaises dépassent rarement les 20 °C au mois de mai, elles ont atteint cette année des niveaux records. Les vagues de chaleur, habituellement limitées à deux ou trois jours, ont perduré dix jours consécutifs dans plusieurs régions du pays. L’île a également connu sa journée la plus chaude jamais enregistrée en mai, avec des températures atteignant 26,6 °C à l’aéroport d’Eglisstaðir.
Ces hausses de températures ont favorisé la migration d’espèces exotiques, tels que des poissons d’eau chaude comme le maquereau, désormais présents dans les eaux islandaises. Les moustiques ont été découverts par Björn Hjaltason, un scientifique citoyen local, sur des cordes utilisées pour la fermentation du vin, habituellement destinées à attirer des papillons de nuit et d’autres insectes nocturnes.
« Le 16 octobre, au crépuscule, j’ai aperçu une mouche étrange sur un ruban de vin rouge », a-t-il raconté sur son groupe Facebook « Insects in Iceland ». « J’ai tout de suite compris ce qui se passait et j’ai rapidement attrapé la mouche. C’était une femelle », a-t-il précisé. Il en a capturé deux autres avant de les envoyer pour analyse à un centre de recherche.
L’entomologiste Matthías Alfreðsson, de l’Institut des sciences naturelles d’Islande, a confirmé ces observations et identifié les spécimens — deux femelles et un mâle — comme appartenant à l’espèce Culiseta annulata. Bien que les températures islandaises restent relativement fraîches, cette espèce se montre plus résistante au froid. Les caves à vin et les granges offriraient des abris suffisamment tempérés pour permettre sa survie.
L’espèce est courante dans certaines régions d’Europe et d’Afrique du Nord, mais on ignore pour le moment comment elle est parvenue jusqu’en Islande. Hjaltason soupçonne qu’elle ait été introduite par des bateaux ou des conteneurs en provenance du port de Grundartangi, situé à environ six kilomètres de la zone de découverte, selon le média islandais Morgunblaðið. Des études complémentaires seront nécessaires pour déterminer si l’espèce s’est durablement implantée dans la région.


