Selon la théorie dominante actuelle, s’il y avait d’autres univers, ils n’abriteraient probablement pas de vie. Mais à présent, une équipe internationale de chercheurs a démontré que le multivers est plus hospitalier que nous le pensions auparavant. L’hypothèse du multivers ‑ dans laquelle notre univers observable n’est qu’un parmi de nombreux autres univers –, est une solution proposée pour expliquer notamment le mystère de la dualité onde-corpuscule, la superposition des états quantiques ou encore l’énigme du principe anthropique.
Nous ne savons pas vraiment ce qu’est l’énergie noire (ou énergie sombre) : il s’agit entre autre du nom donné à la « force » qui conduit à l’expansion de l’univers, qui, contrairement à tout ce que nous observons, accélère avec le temps au lieu de ralentir. L’énergie noire constitue environ 70% de l’univers, et c’est bien ça le problème. En effet, les théories actuelles sur l’origine de l’univers prédisent qu’il devrait y avoir beaucoup plus d’énergie noire que cela.
Mais les scientifiques prédisent aussi que s’il y avait plus d’énergie noire que la faible quantité actuellement déductible, l’univers se développerait si vite que la matière se diluerait avant même de pouvoir former des étoiles, des planètes ou encore des galaxies. Ce qui signifie que nous n’existerions pas.
C’est là qu’intervient le multivers : cette théorie suggère qu’il y a beaucoup d’univers en dehors du nôtre, chacun avec une proportion d’énergie sombre différente. C’est une explication très soignée (voire trop soignée selon certains scientifiques), impliquant un raisonnement circulaire, sans aucune preuve d’observation, et techniquement impossible à tester.
Mais nous pouvons faire des tests sur notre propre univers. Et c’est exactement ce que les chercheurs ont fait : « Le multivers a été pensé pour expliquer la valeur observée de l’énergie sombre comme une loterie – nous avons un ticket potentiellement gagnant et vivons dans l’univers qui forme de belles galaxies, qui permettent la vie telle que nous la connaissons », explique le chercheur Luke Barnes, de l’université Western Sydney en Australie. « Notre travail montre que notre ticket a l’air un peu trop chanceux, pour ainsi dire. C’est un problème pour le multivers, un casse-tête subsiste », ajoute-t-il.
Dirigée par le physicien Jaime Salcido de l’Université de Durham au Royaume-Uni, l’équipe a créé de vastes et complexes simulations de l’univers en ajustant la quantité d’énergie noire, en s’appuyant sur le projet EAGLE (Evolution et Assemblage des Galaxies et de leurs Environnements), l’un des environnements de simulation de l’univers les plus réalistes.
Les chercheurs ont constaté qu’augmenter (ou diminuer) la quantité d’énergie sombre dans notre univers, même jusqu’à quelques centaines de fois la quantité observée, n’aurait qu’un impact minime sur la formation des étoiles et des planètes. « Pour de nombreux physiciens, la quantité inexpliquée mais apparemment spéciale d’énergie sombre dans notre univers, est un casse-tête très frustrant », a déclaré Salcido. « Nos simulations ont démontré que, même si l’énergie sombre était présente en quantité beaucoup plus importante dans l’univers, ou s’il y en avait bien moins, alors elle n’aurait dans tous les cas qu’un effet minime sur la formation des étoiles et des planètes, soulevant la possibilité que la vie puisse exister dans tout le multivers », a-t-il ajouté.
Cela soulève également un autre problème : si nous n’avons pas besoin du multivers pour expliquer notre existence, est-ce encore une théorie plausible ? Les chercheurs pensent que la réponse à l’énigme de l’énergie sombre réside dans quelque chose que nous n’avons pas encore compris. « La formation des étoiles dans un univers est une bataille entre l’attraction de la gravité et la répulsion de l’énergie noire », a expliqué le physicien Richard Bower, de l’Université de Durham.
« Nous avons découvert grâce à nos simulations, que d’autres univers avec beaucoup plus d’énergie sombre que le nôtre, peuvent très bien former des étoiles. Alors pourquoi une telle quantité insignifiante d’énergie sombre dans notre univers ? Je pense que nous devrions chercher une nouvelle loi de la physique pour expliquer cette propriété étrange de notre univers, et la théorie du multivers n’apporte pas grand-chose pour sauver l’inconfort des physiciens », a-t-il ajouté.