Alors qu’il travaillait dans les champs aurifères du Klondike — une rivière canadienne située à l’ouest du Yukon —, un mineur a découvert une étrange boule de poils brune, qui s’est avérée être un spermophile arctique (Urocitellus parryii) momifié datant de la période glaciaire. Les experts estiment qu’il a vécu il y a environ 30 000 ans et que l’animal, recroquevillé sur lui-même, est sans doute mort pendant son hibernation.
Les spermophiles arctiques sont aujourd’hui couramment observés sur tout le territoire du Yukon. De la famille des sciuridés, ces rongeurs s’apparentent davantage aux écureuils terrestres (marmottes, chiens de prairies, etc.) qu’aux écureuils arboricoles. Ce sont des animaux sociaux, qui vivent en colonies ; ils hibernent pendant les saisons froides (d’octobre à mi-avril), dans des nids souterrains. Plusieurs de ces nids datant de la période glaciaire ont été préservés et il n’est pas rare d’en observer dans cette région. La découverte d’un animal entier et parfaitement conservé est, en revanche, beaucoup plus rare.
C’est un mineur qui a découvert cet animal momifié en 2018. À première vue, il ne s’agissait que d’une étrange boule de fourrure sans intérêt ; mais une observation plus attentive a permis de distinguer les petites pattes et la queue de l’animal. « J’étudie les os tout le temps et c’est excitant, c’est vraiment super. Mais lorsqu’on voit un animal parfaitement préservé, âgé de 30 000 ans, et qu’on peut voir son visage, sa peau, ses poils et tout le reste, c’est tellement viscéral. Cela lui donne vie », a déclaré à CBC Grant Zazula, un paléontologue du gouvernement du Yukon.
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Une structure osseuse complète et en très bon état
Les mineurs de fond trouvent régulièrement des ossements et des fossiles datant de l’ère glaciaire dans les champs aurifères du Klondike. En 2016, c’est une jeune louve momifiée qui a été mise au jour ; la découverte a fait l’objet d’un article publié dans Current Biology en 2020. L’animal avait vécu il y a 57 000 ans environ et était, lui aussi, extrêmement bien conservé : il possédait encore toute sa fourrure, sa peau, ses organes, ainsi que ses os. Plus récemment, ce sont les restes d’un bébé mammouth laineux qui ont été découverts par un mineur alors qu’il creusait le pergélisol.
Le spermophile arctique momifié a fait l’objet de plusieurs analyses depuis sa découverte. Un examen aux rayons X a notamment permis d’avoir un aperçu complet de sa structure osseuse, bien qu’il soit complètement recroquevillé sur lui-même. Les scientifiques ont eu de la chance : les os des animaux momifiés perdent du calcium au fil du temps, ce qui rend généralement les radiographies beaucoup moins nettes.
Les images suggèrent qu’il s’agit d’un très jeune spécimen, qui se trouvait probablement dans sa première année d’hibernation. « Nous avons pu constater qu’il était en très bon état et qu’il était simplement recroquevillé comme s’il dormait », a déclaré la Dre Jess Heath, vétérinaire à Whitehorse, qui a procédé à l’examen. Les causes de sa mort restent en revanche inconnues.
Une espèce qui a survécu à l’ère glaciaire
Après avoir été consciencieusement examinée par les paléontologues, la dépouille du spermophile arctique — provisoirement baptisé « Hester », du nom de l’Hester Creek, où il a été découvert — sera bientôt exposée au Centre d’interprétation de la Béringie du Yukon, à Whitehorse — un centre de recherche et d’exposition dédié à l’histoire de cette région.
Il sera exposé aux côtés d’un putois momifié, âgé de 40 000 ans, découvert lui aussi dans le Yukon dans les années 1980 ; l’animal était si bien conservé que les scientifiques ont pu déterminer quel était son dernier repas en analysant le contenu de son estomac. « Nous voyons souvent de gros animaux comme les mammouths laineux et tout le reste, mais il y a aussi beaucoup à apprendre sur les petites créatures qui vivaient sous les pieds de ces mammouths laineux », a déclaré Grant Zazula.
La Béringie intéresse particulièrement les archéologues et les paléontologues, car ce pont terrestre, qui reliait autrefois la Sibérie et l’Alaska, a joué un rôle crucial dans les migrations de nombreux animaux et humains entre les deux continents.
Le spermophile arctique représente, quant à lui, un intérêt tout particulier, car contrairement aux mammouths ou aux félins à dents de sabre, l’espèce a survécu à l’ère glaciaire et existe encore aujourd’hui. « Les animaux que nous avons ici aujourd’hui sont en fait assez résistants, parce qu’ils ont dû endurer ces nombreux changements dans le passé », souligne Zazula. Ces capacités d’adaptation pourraient préserver l’espèce des impacts liés au changement climatique actuel.
Beaucoup d’autres animaux momifiés seront probablement découverts dans les régions de haute latitude à mesure que la température mondiale continue de croître, entraînant la fonte du pergélisol.