Les mécanismes biomoléculaires régissant la photosynthèse sont encore aujourd’hui en partie méconnus. Des chercheurs auraient cependant enfin percé le mystère de certains processus clés en révélant des détails inédits, dont un mécanisme majeur impliquant l’interaction photonique et la formation de l’oxygène chez les plantes. Le décryptage de ce phénomène pourrait mener à de grandes avancées dans la production de bioénergie.
La photosynthèse permet aux végétaux de réguler le cycle du carbone atmosphérique et d’intégrer cet élément dans la constitution des êtres vivants. Ce processus complexe, vieux d’environ 3,8 milliards d’années, a marqué un tournant majeur dans l’évolution des organismes et dans leur adaptation aux changements environnementaux survenus au fil des ères géologiques.
Ce processus biophysique et biochimique complexe permet aux organismes chlorophylliens de synthétiser des molécules organiques à partir de la lumière du soleil, du CO2 contenu dans l’air, de l’eau et des minéraux présents dans le sol. Ces réactions sont à l’origine de la majeure partie des molécules constituant la chaîne alimentaire et la biomasse de la planète.
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La première phase de la photosynthèse consiste en une réaction photochimique fugace, durant seulement quelques millisecondes. Au cours de cette phase, la lumière visible est captée par la chlorophylle contenue dans les chloroplastes, puis est transmise à un complexe protéines-pigments qui la convertit en énergie électrique, puis chimique. Plus précisément, quatre photons frappent consécutivement le chloroplaste pour enclencher la photosynthèse, en activant un complexe protéique appelé photosystème II (PSII). Ce dernier est composé d’un groupe d’atomes de manganèse, d’oxyde de calcium et de nombreux autres cofacteurs, induisant le processus de catalyse permettant de séparer l’oxygène de l’eau. Cette division de l’eau en électrons, en protons et en oxygène moléculaire par la lumière, est l’étape initiale du processus de conversion de l’énergie solaire en énergie chimique.
Toutefois, les mécanismes moléculaires exacts enclenchés après la réception du quatrième photon demeurent méconnus. « La formation de l’oxygène moléculaire commence à partir d’un état avec quatre ‘trous d’électrons’ accumulés, qui a été postulé il y a un demi-siècle et reste largement non caractérisé. Nous résolvons ici cette étape clé de la photosynthèse dans la formation de l’oxygène et son rôle mécaniste crucial », écrivent les chercheurs dans l’une des deux études décrivant la découverte.
Publiées dans la revue Nature, elles apportent des indices précieux sur ce qui se déroule exactement au cours de ce processus (à partir de la réception du quatrième photon) et répondent peut-être à une question cruciale que les scientifiques se posent depuis plusieurs décennies. Les recherches ont été menées par des équipes du Lawrence Berkeley National Laboratory en Californie et de l’Université libre de Berlin.
Un mécanisme inédit d’échange de protons
Pour observer ce qui se passe lorsque les chloroplastes réceptionnent le quatrième photon, les chercheurs ont utilisé des impulsions de rayons X à haute énergie. Des molécules extraites de cyanobactéries ont été disposées sur un tapis roulant, de sorte à être exposées à la lumière visible et recevoir les photons nécessaires à la photosynthèse. En parallèle, l’observation aux rayons X a permis de capturer les changements s’opérant au niveau des atomes, au cours du processus.
Après avoir été frappé par le quatrième photon, le PSII décompose très rapidement les molécules d’eau — en seulement quelques femtosecondes. Malgré le délai, le dispositif à rayons X est parvenu à capturer le moment entre la séparation des atomes composant l’eau (l’hydrogène et l’oxygène) et la formation de la molécule d’oxygène (le dioxygène) potentiellement destinée à être libérée dans l’atmosphère.
Il faut cependant noter que les images capturées entre les deux étapes n’étaient pas suffisamment nettes pour discerner la configuration exacte des atomes d’oxygène. Néanmoins, la disposition de certaines molécules du PSII autour de ces derniers indiquait qu’un processus avait été entamé pour former de nouvelles structures moléculaires à base d’oxygène. Au cours de cette phase, les atomes d’oxygène ne semblent ni liés à l’hydrogène ni rassemblés pour former une plus grande molécule à base d’oxygène. D’après les chercheurs, au cours de l’expérience, ils se seraient brièvement liés à une partie du PSII, une étape démontrée en laboratoire pour la première fois.
Complétant cette étude, les chercheurs de Berlin ont observé ce processus de séparation de l’eau par le biais de la lumière infrarouge. Pour ce faire, l’expérience a été effectuée en isolant le PSII de 40 kilogrammes d’épinards frais. Lorsque le complexe recevait le rayonnement infrarouge, chaque variation de longueur d’onde était associée à une liaison atomique spécifique. Ces mesures ont été combinées avec celles issues de simulations informatiques, reproduisant la façon dont les électrons et les protons se déplacent durant la photosynthèse. Par la suite, une nouvelle étape où trois protons sont échangés contre un électron entre les atomes d’oxygène et le PSII a été mise au jour. Des observations aux rayons X auraient d’ailleurs indiqué que ce mouvement de protons pouvait se produire deux fois, à la fin du processus de fragmentation de l’eau.
Prochainement, les équipes de recherche comptent développer des dispositifs à rayons X et infrarouges plus puissants, afin d’étudier plus en détail ces étapes nouvellement identifiées. À terme, ces recherches pourraient permettre de développer des systèmes plus efficaces pour la production de bioénergie, pour une économie plus durable et respectueuse de l’environnement.