Les dernières avancées en matière d’astronomie gamma ont permis de détecter des rayonnements à ultrahaute énergie (UHE) supérieurs à 1014 électronvolts (eV). Cependant, la véritable nature de leur origine constitue encore aujourd’hui l’une des plus grandes énigmes de l’astrophysique. En analysant l’un d’entre eux, des chercheurs ont peut-être mis en lumière un précieux indice, suite à la découverte d’un étrange nuage moléculaire.
Les rayonnements gamma, dont l’énergie des photons est comprise entre 100 GeV et 100 TeV, sont dits à très haute énergie. Ceux à ultrahaute énergie (UHE) vont au-delà de 100 TeV et pourraient être utilisés pour améliorer notre compréhension de la véritable nature des PeVatrons galactiques. Il s’agit d’accélérateurs naturels, conférant aux particules subatomiques une énergie colossale de l’ordre du pétaélectronvolt (1015 eV).
Une origine énigmatique
La première détection de rayonnement gamma UHE a été effectuée dans la nébuleuse du Crabe. Par la suite, le High Altitude Water Cherenkov Observatory (HAWC) en a rapporté 3 autres. Grâce aux prouesses du Large High Altitude Air Shower Observatory (LHAASO), près de 43 émissions dont l’énergie est supérieure à 100 TeV sont désormais cataloguées.
Malgré leur détection croissante, la véritable nature de leur origine constitue une véritable énigme pour les astronomes. En effet, les particules composant ces rayonnements sont si énergétiques que la plupart des objets astrophysiques ne peuvent les produire. De plus, lorsqu’on observe dans la direction d’où elles proviennent, on ne distingue pas la source. D’autre part, comment ces particules ont-elles pu parvenir jusqu’à nos détecteurs sans perdre leur énergie ? Normalement, en interagissant avec les rayonnements cosmiques diffus, leur énergie devrait considérablement diminuer.
Il a été précédemment suggéré que les pulsars pourraient être d’assez bons candidats, en tant que sources potentielles de rayonnements gamma UHE. Cependant, la plupart de ces objets naissent de l’explosion d’une supernova et sont ainsi entourés d’un épais nuage de matières et de rayonnements très denses. La question est alors de savoir comment les particules UHE pourraient traverser cette barrière sans être détruites, ou sans perdre leur énergie. Bien que des chercheurs estiment que celles qui pourraient s’en échapper pourraient correspondre aux rayonnements gamma UHE, le débat reste ouvert.
Dans l’objectif de décrypter le phénomène, une équipe de l’Université du Maryland et de l’Université technologique du Michigan a analysé LHAASO J2108+5157, détecté près du nuage moléculaire [MML2017]4607 (situé à environ 10 700 années-lumière). « Pour comprendre la nature de ces objets, il est essentiel de suivre les sources de rayons gamma UHE à faible énergie », expliquent les chercheurs dans leur document de prépublication, disponible sur le serveur arXiv.
Un nuage moléculaire influençant l’émission énergétique
De précédentes observations de LHAASO J2108+5157 ont rapporté qu’il n’existait aucun homologue de rayonnements X à proximité immédiate. La source de rayons X la plus proche est RX J2107.3+5202, un système binaire à éclipse distant d’environ 0,3°. D’un autre côté, comme aucun pulsar puissant ou des restes de supernova n’ont été détectés dans son voisinage, il est particulièrement difficile de déterminer son origine. Il a été suggéré que cette mystérieuse source pourrait correspondre soit à un modèle hadronique, soit à un modèle leptonique. Le premier scénario implique que des rayonnements s’échappent d’un ancien résidu de supernova et interagissent avec le nuage moléculaire présent, pour être convertis en rayons gamma UHE. Quant au second scénario, la signature spectrale de type pulsar de 4FGL J2108+5155 le rend également plausible.
Les chercheurs de la nouvelle étude ont réanalysé LHAASO J2108+5157 à l’aide du réseau de télescopes d’imagerie à rayonnement très énergétique (VERITAS) et de l’observatoire HAWC. Confirmant les observations antérieures, leurs résultats ont révélé qu’il n’y a aucune émission significative de rayonnement à proximité. Les limites supérieures des flux différentiels énergétiques étaient à 1, 3,98 et 15,38 TeV. Ces limites excluent le scénario hadronique et suggèrent davantage un modèle leptonique, allant de quelques TeV à plusieurs centaines de TeV.
Cependant, l’équipe de recherche a découvert un nouveau nuage moléculaire à proximité de LHAASO J2108+5157, qui n’a pas été pris en compte dans les précédents calculs. Après analyse, il a été constaté que sa morphologie pourrait fortement être liée à l’énergie émise par LHAASO J2108+5157, jusqu’à 2 GeV. « Cela rend plus probable que les rayons gamma soient produits par le canal hadronique avec des nuages moléculaires comme cible principale des particules de rayons cosmiques accélérées par des PeVatrons non identifiés », concluent les scientifiques. Les futures observations avec le Cherenkov Telescope Array (CTA) et des analyses approfondies des rayonnements X pourront peut-être confirmer les résultats de cette étude.