Les cellules du striatum cérébral, jouant un rôle fondamental dans le traitement des prises de décisions et de la perception temporelle, sont recouvertes de longs cils, à l’instar de toutes les cellules cérébrales. Pourtant auparavant considérés comme des vestiges de notre passé primitif, ces cils joueraient un rôle beaucoup plus important qu’on le croyait. Une nouvelle étude a révélé que chez la souris, l’absence de ces cils altère leur perception du temps et du jugement lié à la prise de décision. Cette découverte pourrait révolutionner notre compréhension du fonctionnement du cerveau et constituer une cible thérapeutique potentielle pour des troubles mentaux et neurologiques tels que la maladie de Parkinson, la schizophrénie, le syndrome de Gilles de la Tourette, etc.
La zone de notre cerveau où s’effectue le contrôle de l’impulsivité décisionnelle, l’exécution des mouvements volontaires, la planification temporelle, est le striatum. Cette petite partie située sous le cortex jouerait également un rôle clé dans la gestion de la mémoire de travail ainsi que du maintien de l’attention lors de l’apprentissage. Pour ce faire, elle intègre et traite constamment de nouvelles informations sensorielles environnementales et régule la séquence temporelle des réponses motrices en aval.
Les personnes souffrant de troubles mentaux et neurologiques ont en effet une caractéristique commune : elles subissent toutes un profond déclin de la capacité à s’adapter aux variations environnementales et à intégrer et gérer de nouvelles informations (une fonction en temps normal régulée par le striatum). La conséquence directe étant qu’elles ne parviennent pas à estimer avec précision le bon moment pour le début ou la fin d’une action volontaire (contrairement à une action de réflexe, comme lorsqu’on retire la main au contact d’un objet brûlant par exemple).
« Une performance réussie de la mémoire de travail, de l’attention, de la prise de décision et de la fonction exécutive nécessite un jugement de synchronisation et de timing précis, généralement en une milliseconde à une minute », explique dans un communiqué Amal Alachkar, auteur correspondant de la nouvelle étude et professeur au département des sciences pharmaceutiques à l’Université de Californie à Irvine (États-Unis).
D’un autre côté, beaucoup de cellules dans notre organisme, dont celles du striatum, sont recouvertes de cils. Si certains de ces derniers en mouvement ont pour fonction de déplacer des matériaux à la surface des cellules (comme ceux des cellules pulmonaires), ceux du striatum seraient immobiles et fonctionneraient plutôt comme des sortes de maillons de signalisation, en détectant et véhiculant des signaux électriques.
Cependant, les mécanismes exacts par le biais desquels ces cils interviendraient dans des fonctions cérébrales telles que la régulation du comportement en fonction des stimulus environnementaux, sont encore méconnus. La nouvelle étude, parue dans la revue Springer Link, cherche à comprendre comment les cils du striatum pourraient intervenir dans la régulation de la perception du temps, et peut-être à découvrir de nouvelles cibles pour les traitements contre les déficits comportementaux et divers troubles neurologiques.
« Nos découvertes pourraient révolutionner notre compréhension des fonctions cérébrales et des troubles mentaux dans le contexte de la tâche critique effectuée par ces organites jusque-là méconnus dans la fonction d’horloge centrale du cerveau », estime Alachkar.
Les souris étaient incapables d’intégrer de nouvelles informations
Pour tenter de comprendre le rôle des cils dans les cellules du striatum, les chercheurs de la nouvelle étude ont génétiquement modifié des souris pour que les cellules de leurs striatums cérébraux soient dépourvues de cils. En les soumettant à divers exercices (comme l’orientation dans un labyrinthe ou la reconnaissance de divers lieux et objets), les chercheurs ont alors découvert que les rongeurs génétiquement modifiés n’étaient pas capables d’apprendre de nouvelles tâches motrices, et présentaient des comportements moteurs répétitifs ainsi que des retards dans la prise de décision.
Bien que les souris aient gardé des souvenirs à long terme ainsi que des habiletés motrices acquises au préalable, elles ne pouvaient pas se rappeler assez rapidement de nouvelles informations sur leur environnement (emplacement et orientation).
Par ailleurs, l’on ne sait pas encore non plus si ces résultats sont transposables à l’Homme et si les cils du notre striatum possèdent les mêmes fonctions que ceux des souris. Toutefois, la découverte offre peut-être une nouvelle voie dans la recherche de traitements contre des pathologies affectant le cerveau et le comportement. « Nos résultats peuvent ouvrir de nouvelles voies pour une intervention efficace, grâce à des thérapies ciblées sur les cils », conclut Alachkar .