Dans le cadre du projet « Sustainable Flight Demonstrator » de l’Agence spatiale, Boeing va collaborer avec la NASA pour construire et tester un avion de ligne équipé de nouvelles technologies, y compris un nouveau type d’aile, qui sera plus économe en carburant et générera beaucoup moins d’émissions polluantes que les avions à fuselage étroit les plus efficaces à ce jour.
Cet avion sera notamment équipé de la Transonic Truss-Braced Wing (TTBW), soit une aile transsonique à armature en treillis. Ces ailes extra-longues et fines, renforcées par des haubans, offrent une plus grande portance et une moindre traînée par rapport aux avions actuels à ailes basses (positionnées plus bas que le fuselage) ; cette configuration permet en outre d’accueillir des systèmes de propulsion avancés, plus volumineux, qui sont aujourd’hui limités par le manque d’espace sous l’aile, précise Boeing dans un communiqué.
Ce type d’aile, combiné aux progrès attendus en matière de systèmes de propulsion, de matériaux et d’architecture des systèmes, pourrait réduire la consommation de carburant et les émissions des avions monocouloirs jusqu’à 30% par rapport aux avions actuels ! « Les technologies démontrées et testées serviront de base aux conceptions futures et pourraient conduire à des gains révolutionnaires en matière d’aérodynamique et de rendement énergétique », résume Boeing.
Une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre
Les avions à fuselage étroit (dits aussi « monocouloirs ») sont des avions de ligne dont la cabine ne mesure généralement pas plus de quatre mètres de large ; celle-ci ne comporte qu’un seul couloir. Ce sont des avions de courts et moyens courriers. En raison de leur utilisation intensive, ils sont responsables de près de la moitié des émissions de l’aviation mondiale. La combustion du kérosène produit principalement du dioxyde de carbone, auquel s’ajoutent d’autres polluants (des oxydes d’azote, des suies ou des sulfates).
L’objectif du projet Sustainable Flight Demonstrator (SFD) est de développer des technologies révolutionnaires et durables pour aider l’industrie de l’aviation civile à atteindre des émissions nettes de carbone nulles d’ici 2050 — l’un des objectifs environnementaux énoncés dans le plan d’action climatique de l’aviation américaine de la Maison Blanche.
Une économie de carburant de 30% serait phénoménale. Pour comparaison, avec la technologie AeroSHARK — un film appliqué sur le fuselage, qui reproduit la peau hydrodynamique des requins et réduit ainsi la traînée aérodynamique — la compagnie aérienne Swiss affirme qu’elle réalisera des économies de carburant d’environ 1,1% ; en 2022, elle a équipé 12 Boeing 777 de ce film. Si le pourcentage paraît dérisoire, cela équivaut tout de même à plus de 4800 tonnes de carburant en moins chaque année !
À l’origine, la TTBW a été conçue pour voler à des vitesses de Mach 0,70 à 0,75 (soit 835 à 895 km/h) ; Boeing estimait alors que des avions de ligne équipés de ces ailes renforcées pourraient consommer 50% moins de carburant qu’un avion ordinaire. Puis, en 2019, le constructeur a dévoilé une nouvelle version de cette aile, offrant une efficacité aérodynamique sans précédent et capable de voler à Mach 0,8 (955 km/h) — soit la vitesse de nombreux avions de ligne actuels.
Des avions « nouvelle génération » dès la prochaine décennie
Pour cet avion de démonstration, Boeing utilisera des éléments de véhicules existants et les intégrera à des composants entièrement nouveaux. L’aile transsonique à treillis est le fruit de plus d’une décennie de recherches et développements, soutenus par la NASA, Boeing et ses partenaires industriels. Boeing a notamment procédé à des essais approfondis en soufflerie à petite échelle et à une modélisation numérique pour faire progresser la conception de la TTBW. Il est temps de réaliser et de tester un prototype grandeur nature.
Sur sept ans, la NASA investira 425 millions de dollars dans le développement de cet avion de démonstration, tandis que Boeing et ses partenaires industriels injecteront environ 725 millions de dollars. Le constructeur a déjà consacré près de 110 millions à ses recherches préliminaires sur l’aviation durable. Dans le cadre de l’accord, l’agence spatiale apportera également son expertise technique et ses installations.
« Notre objectif est que le partenariat de la NASA avec Boeing pour produire et tester un démonstrateur à grande échelle contribue à créer de futurs avions de ligne commerciaux plus économes en carburant, avec des avantages pour l’environnement, l’industrie de l’aviation commerciale et les passagers du monde entier », a déclaré l’administrateur de la NASA, Bill Nelson, ajoutant que si les tests se déroulent bien, la prochaine génération d’avions monocouloirs pourrait entrer en service au cours de la prochaine décennie.
Avant cela, quelques défis technologiques restent à résoudre. La taille des ailes, pour commencer, pourrait poser quelques difficultés vis-à-vis des dimensions des terminaux et hangars d’aéroports actuels. En 2019, Boeing avait toutefois évoqué des ailes « repliables » d’environ 52 mètres. En outre, les ailes sont si minces que les réservoirs de carburant devront peut-être être finalement réintégrés dans le fuselage (même si le constructeur affirme pour le moment que les ailes montées en hauteur libèrent la place nécessaire aux systèmes de propulsion) — ce qui entraînerait moins de place pour les passagers.