Un mois après que l’administration Biden-Harris a décidé de prolonger les activités de l’ISS jusqu’en 2030, la NASA a présenté au Congrès le scénario de fin de vie envisagé pour la station : ses restes seront précipités vers la Terre, dans une partie reculée de l’océan Pacifique, connue sous le nom de Point Nemo, aux coordonnées 48°52 Sud et 123°23 Ouest. Considéré comme le cimetière de l’aéronautique, cet endroit situé au large des côtes chiliennes abrite déjà de nombreux vestiges de vaisseaux ou autres engins spatiaux obsolètes (notamment des restes des stations Mir et Tiangong 1).
Selon le communiqué de la NASA du 31 décembre dernier, le laboratoire de microgravité de l’ISS a déjà accueilli plus de 3000 recherches, menées par plus de 4200 chercheurs à travers le monde. Près de 110 pays et régions ont participé à ces activités. D’autres recherches scientifiques seront donc effectuées pendant près d’une décennie supplémentaire dans ce laboratoire spatial unique en son genre. Mais cette prolongation a également pour but d’assurer « une transition transparente » avec d’autres stations spatiales commerciales à venir.
En effet, au mois de décembre 2021, l’agence spatiale a annoncé qu’elle avait signé des accords financés par la Loi sur l’espace (pour un montant de 415 millions de dollars) avec trois sociétés américaines, pour développer des concepts de stations spatiales en orbite basse. Blue Origin, Nanoracks et Northrop Grumman Systems Corporation ont ainsi été sélectionnées pour développer de nouvelles destinations spatiales « adaptées aux besoins potentiels du gouvernement et du secteur privé », afin de maintenir une présence américaine ininterrompue en orbite terrestre basse. « Nous sommes impatients de partager nos leçons apprises et notre expérience des opérations avec le secteur privé pour les aider à développer des destinations spatiales sûres, fiables et rentables », a déclaré Phil McAlister, directeur de l’espace commercial au siège de la NASA.
Des stations dédiées à la recherche, au développement et au tourisme
Il y a deux ans déjà, la NASA avait sélectionné Axiom Space pour concevoir un module commercial habitable à amarrer à la Station spatiale internationale. De nouveaux acteurs interviennent désormais dans le plan de la NASA visant à ouvrir l’ISS à de nouvelles opportunités commerciales.
La société de Jeff Bezos, Blue Origin, s’est associée à Sierra Space pour développer Orbital Reef, une station spatiale, qui sera exploitée commercialement à partir de la seconde moitié de cette décennie. Selon le communiqué de la NASA, il s’agira d’un « parc d’activités spatiales à usage mixte ». Le projet de Nanoracks, mené en collaboration avec Voyager Space et Lockheed Martin, se nomme Starlab : la NASA le présente comme une « station spatiale commerciale à équipage continu dédiée à la conduite de recherches avancées » ; elle accueillera un parc scientifique dédié notamment aux recherches en biologie, en physique et en science des matériaux et devrait être opérationnelle dès 2027.
La station spatiale de Northrop Grumman aura la capacité de prendre en charge quatre membres d’équipage permanents au départ, mais prévoit d’étendre rapidement cette capacité à huit personnes ou plus. Elle est conçue pour une présence permanente de 15 ans, selon le communiqué de l’entreprise. Et comme ses homologues, sa station sera ouverte à la fois aux activités scientifiques, industrielles et touristiques. L’un de ces projets de station spatiale commerciale sera sélectionné par la NASA pour accueillir ses astronautes.
Des modules vieillissants après 24 ans passés dans l’espace
L’ISS, qui est occupée en permanence depuis l’an 2000, devait initialement cesser ses activités en 2024. La NASA affirme aujourd’hui que la partie dont elle a la charge devrait être structurellement solide au moins jusqu’en 2030. De son côté, la Russie continue d’évaluer la viabilité de sa partie de la station — d’autant plus depuis la découverte d’une importante fissure dans le module Zvezda, qui a entraîné des baisses de pression dans la station ; ce module est sous étroite surveillance depuis 2019.
La Station spatiale internationale est actuellement le plus grand des objets artificiels placés en orbite terrestre. Son assemblage a débuté en 1998, avec le lancement du module russe Zarya, suivi par le lancement du module Unity de la NASA un mois plus tard — l’assemblage complet de la station ne s’est achevé qu’en 2011. Cela fait donc 24 ans maintenant que certains composants de l’ISS sont aux prises avec les conditions hostiles de l’espace. Il est donc temps d’envisager son démantèlement.
D’ici la fin de ses activités, certains des modules de la station pourraient être reconvertis en avant-postes orbitaux pendant la transition. Le rapport de la NASA remis au Congrès présente ainsi un plan pour déplacer progressivement les opérations de l’ISS vers ces nouveaux avant-postes et abaisser peu à peu l’orbite des modules restants au cours de la seconde moitié des années 2020. La désorbitation serait a priori réalisée par des engins spatiaux russes : le rapport évoque notamment trois vaisseaux Progress, éventuellement assistés du vaisseau cargo Cygnus de Northrop Grumman.
Il est prévu qu’un équipage reste à bord de la station pendant les premières phases de la désorbitation, mais les dernières étapes seront exécutées à distance, vers la fin de 2030. À ce moment-là, les équipes au sol dirigeront les restes de la station vers la Terre, où ils s’échoueront au Point Nemo. Dès lors, la NASA sera l’un des principaux clients des exploitants de stations spatiales commerciales : le rapport précise qu’elle prévoit d’acheter « du temps d’équipage » pour au moins deux astronautes par an (voire plus), ce qui lui permettra de poursuivre ses recherches scientifiques en microgravité.