Voyager 1, l’une des deux sondes spatiales lancées en 1977 pour explorer les confins de notre système solaire, est toujours en fonction. Elle se trouve actuellement à plus de 23 milliards de kilomètres de la Terre et relaie régulièrement de nouvelles données. Mais récemment, l’équipe responsable de la mission a relevé une anomalie : les données de télémétrie de l’engin s’avèrent incohérentes.
Lancée le 5 septembre 1977, la sonde Voyager 1 avait pour mission principale d’explorer les systèmes planétaires de Jupiter et Saturne. Ces quelque 45 années de bons et loyaux services ont permis de réaliser d’énormes avancées scientifiques ; les données relayées par la sonde ont notamment permis d’observer les anneaux de Jupiter pour la première fois, d’éclairer le fonctionnement de sa célèbre Grande Tache rouge ou encore d’en savoir plus sur la structure d’Io et Europe.
L’engin d’exploration a par ailleurs dévoilé la structure exacte des anneaux de Saturne, en confirmant la présence de bandes sombres (surnommées spokes) perpendiculaires aux anneaux et en révélant l’existence d’anneaux supplémentaires. En 1980, alors qu’elle arrivait à proximité de Titan, la sonde a permis d’établir la composition de l’atmosphère de cette lune — et plusieurs autres petites lunes ont par ailleurs été découvertes. Il peut paraître incroyable que les instruments de la sonde fonctionnent toujours après tant d’années. Mais il se pourrait que Voyager 1 montre ses premiers signes de fatigue…
Un problème « normal » après un voyage de 45 ans
La sonde semble fonctionner normalement ; en tout cas, elle reçoit et exécute les commandes envoyées depuis la Terre et à l’inverse, collecte et renvoie comme prévu des données à l’équipe de la mission. Cependant, les données liées au système d’articulation et de contrôle d’attitude (AACS) sont atypiques. Ce système est chargé de contrôler l’orientation de la sonde ; il doit notamment veiller à ce que l’antenne de communication soit toujours pointée vers la Terre. S’il apparaît toujours fonctionnel, les données télémétriques qu’il renvoie sont quant à elles incohérentes.
Le signal renvoyé par la sonde n’est pas affaibli, ce qui suggère que l’antenne est toujours pointée dans la bonne direction. Les scientifiques notent par ailleurs que cette anomalie n’a pas déclenché le système de protection, chargé de basculer l’engin en « mode sécurité » à la moindre défaillance. L’équipe n’a donc à ce jour aucune idée de l’origine du problème et ne sait pas si cela impactera ou non la durée de vie de l’appareil.
« Un tel mystère est normal à ce stade de la mission Voyager », a déclaré Suzanne Dodd, cheffe de projet pour Voyager 1 et 2 au Jet Propulsion Laboratory. En effet, comme le rappelle la scientifique, les deux sondes du programme Voyager ont largement dépassé la durée de fonctionnement initialement prévue (10 ans !). En outre, depuis août 2012, les sondes se trouvent dans l’espace interstellaire et sont donc confrontées à un haut niveau de rayonnement cosmique.
La source de l’anomalie provient soit de l’AACS lui-même, soit d’un autre système impliqué dans la production et l’envoi des données de télémétrie. Si le problème est identifié, il pourrait être résolu en modifiant le logiciel incriminé ou en utilisant un matériel de secours. La distance ne facilite évidemment pas la tâche : il faut actuellement 20 heures et 33 minutes à la lumière pour parcourir les plus de 23 milliards de kilomètres qui nous séparent de la sonde. Les scientifiques doivent donc s’accommoder des 41 heures de latence entre l’envoi de leurs instructions et la réception de la réponse…
Encore trois ans de données à exploiter
À noter que ce n’est pas la première fois que Voyager 1 souffre d’une défaillance technique. En 2014, les ingénieurs de la NASA ont remarqué que les propulseurs de la sonde — qui servent à maintenir son orientation, via de petites impulsions de quelques millisecondes — commençaient à se dégrader. Pour éviter la panne, l’équipe a décidé en 2017 d’allumer quatre autres propulseurs… qui n’avaient pas servi depuis 37 ans ! Et l’opération fut un succès : la sonde a finalement gagné quelques années de vie supplémentaires.
Chacune des sondes Voyager produit environ 4 watts de puissance électrique de moins par an, ce qui limite le nombre de systèmes que l’engin peut faire fonctionner. Ainsi, pour économiser de l’énergie, plusieurs instruments ont d’ores et déjà été volontairement désactivés au fil des années. Les instruments de télédétection, tels que l’interféromètre, le radiomètre infrarouge et le spectromètre UV, ont été mis hors service ; les détecteurs de rayons cosmiques et de particules de faible énergie sont quant à eux toujours actifs.
Voyager 1 est le premier objet fabriqué par l’homme à explorer l’espace interstellaire ; elle s’éloigne du système solaire à une vitesse d’environ 3,6 UA par an. Sa sonde jumelle fait de même depuis fin 2018. Il est prévu qu’elles restent opérationnelles au moins jusqu’en 2025, après quoi, faute d’énergie électrique et de carburant, elles ne seront plus en mesure de collecter et de transmettre des données à la Terre. Jusque-là, les scientifiques tâcheront de tirer parti au maximum des données recueillies par les deux appareils.
Dans environ 40 000 ans, Voyager 1 dérivera à moins de 1,6 année-lumière de Gliese 445, une étoile de la constellation de la Girafe. Au même moment, Voyager 2 passera à environ 1,7 année-lumière de l’étoile Ross 248 et dans environ 296 000 ans (!), elle passera à 4,3 années-lumière de Sirius, l’étoile la plus brillante du ciel après le Soleil.