Le 3 février 2022, la société Starlink a lancé un groupe de 49 satellites en orbite terrestre basse pour agrandir sa constellation. C’était sans compter la météo spatiale : quelques jours auparavant a eu lieu une éruption solaire de classe M, accompagnée d’une éjection de masse coronale, qui a entraîné la perte de 39 de ces satellites. Un groupe de chercheurs du Goddard Space Flight Center de la NASA et de la Catholic University of America explique de quelle manière cette tempête a endommagé une bonne partie de la flotte.
Depuis mai 2019, qui marque le début du déploiement de la constellation, Starlink envoie régulièrement de nouvelles flottes de satellites en orbite basse pour agrandir sa constellation, qui devrait, à terme, se composer de quelque 30 000 satellites de télécommunications. Le 3 février 2022, 49 unités supplémentaires ont donc décollé du Centre spatial Kennedy, en Floride, à bord d’une fusée Falcon 9. Quelques jours auparavant, le 29 janvier, le Soleil a émis une éruption de classe M1 accompagnée d’une éjection de masse coronale (EMC) — annoncées par Spaceweather dans son bulletin du 31 janvier, qui précise qu’une grande tache solaire, qui s’est développée extrêmement rapidement, est à l’origine de cette éruption.
« L’éruption de longue durée a duré plus de 4 heures, ce qui a donné beaucoup de puissance à l’éjection de masse coronale », ont souligné les spécialistes. Ces particules solaires à grande vitesse étaient malheureusement orientées vers la Terre. Les satellites orientés vers le Soleil ont pu observer le déplacement du nuage magnétique, en particulier le satellite d’observation STEREO-A de la NASA, dédié à l’étude des EMC. Le 1er février, le nuage a heurté la magnétosphère terrestre, créant une vague de splendides aurores boréales au niveau du cercle arctique. Mais il a aussi eu de lourdes conséquences matérielles pour Starlink.
Un réchauffement entraînant un phénomène de traînée
Le Soleil émet en permanence un flux de particules chargées (ions et électrons) appelé « vent solaire ». Ce flux varie en densité, en vitesse et en température, en fonction de l’activité solaire. Lorsque le Soleil est très actif, il peut émettre de puissantes éruptions (de classes M et X), susceptibles de générer une EMC — un faisceau de lignes de champ magnétique noyées dans un plasma chaud, s’éloignant du Soleil à une vitesse extrêmement élevée (jusqu’à 3000 km/s) ; ce nuage peut mettre 24 heures ou plus (selon sa vitesse) pour atteindre la Terre et causer une tempête géomagnétique provoquant de vives aurores polaires.
En décembre 2019, nous sommes entrés dans le 25e cycle solaire ; son activité ne fait qu’augmenter depuis, le maximum étant prévu pour juillet 2025. Quand l’activité du Soleil s’intensifie, les EMC sont de plus en plus fréquentes ; autour du maximum solaire, il peut y en avoir plusieurs par jour. Si elles atteignent la Terre, elles peuvent créer de magnifiques aurores polaires, mais aussi entraîner des perturbations des satellites commerciaux, voire des pannes d’électricité au sol dans les cas les plus extrêmes.
En effet, lorsqu’une tempête géomagnétique survient, elle crée d’intenses courants électriques circulant entre la Terre et l’espace, des « courants induits géomagnétiquement ». Ceux-ci peuvent court-circuiter les lignes électriques et les réseaux, ce qui peut entraîner la mise hors service de toutes les technologies terrestres.
Un autre effet secondaire de la météorologie spatiale pouvant affecter les satellites est le réchauffement de la thermosphère — la couche de l’atmosphère comprise entre la mésosphère et l’exosphère (soit entre 100 et 600 km d’altitude environ). Ce réchauffement peut momentanément augmenter la densité de la haute atmosphère, provoquant un phénomène appelé « traînée atmosphérique » — l’atmosphère étant plus épaisse, tout ce qui s’y déplace tend à ralentir. Les satellites de Starlink en ont subi les conséquences.
Un nuage magnétique renforcé par le vent solaire
Les chercheurs qui ont examiné les caractéristiques de l’événement solaire du 29 janvier 2022 évoquent une « tempête géomagnétique de force modérée », causée par une CME du halo de vitesse modérée (environ 690 km/s) provenant d’une région active située dans le quadrant nord-est du Soleil. « L’éruption a été marquée par une éruption M1.1, qui a commencé à 22:45 UT, a culminé à 23:32 UT le 29 janvier et s’est terminée à 00:24 UT le jour suivant. La CME s’est transformée en un nuage magnétique », résument-ils dans leur article de pré-impression.
L’orage géomagnétique a été provoqué par une forte composante sud du nuage magnétique, stimulée par un courant de vent solaire à grande vitesse qui suivait ce dernier, précisent les chercheurs. La météo spatiale n’a toutefois pas vraiment inquiété Starlink, qui a maintenu son lancement malgré les avertissements liés à l’activité solaire. Affectés par la traînée atmosphérique, la plupart des satellites se sont rapidement désorbités, puis ont été détruits lors de leur descente. Cette perte a coûté des millions de dollars à la société.
Les sociétés de satellites sont habituellement plus attentives aux rapports émanant d’organismes tels que le Space Weather Prediction Center. Si elles sont prévenues suffisamment à l’avance, elles peuvent prendre des mesures pour protéger leurs équipements. De même, les astronautes à bord de l’ISS peuvent se mettre à l’abri jusqu’à ce que la tempête passe, tandis que les compagnies d’électricité peuvent également prendre les mesures nécessaires pour limiter les dommages en cas d’événement violent, rappelle Universe Today.
Les physiciens solaires continuent d’étudier attentivement ces éruptions solaires dans le but de mettre au point un système de prévision infaillible. À l’heure actuelle, plusieurs satellites d’observation surveillent attentivement le Soleil et envoient des notifications dès qu’une éruption se produit — ce qui nous donne quelques heures pour prendre les mesures adéquates.