La gravité, expliquée de façon simple par Newton puis quelques siècles plus tard de façon plus complète par Einstein, possèderait également une nature quantique. La théorie de la relativité d’Einstein, présentant l’espace-temps comme un « tissu modelable » dessinant la force de gravitation, ne suffirait donc pas à expliquer toutes les facettes de cette mécanique naturelle si fascinante. Depuis peu, une équipe de chercheurs se penche sur l’étude des ondes gravitationnelles — générées par la collision de trous noirs ou d’étoiles à neutrons — dans l’espoir de détecter et prouver la composante quantique de la gravité.
La question de savoir comment la gravité et la mécanique quantique s’accordent est l’un des plus grands axes de recherche de la physique depuis des décennies. La façon dont les fluctuations quantiques affectent les ondes gravitationnelles (des ondulations de l’espace-temps causées par le mouvement et la collision d’objets massifs) pourrait procurer aux physiciens un moyen de résoudre ce mystère.
La gravité est le seul domaine de la physique qui ne s’inscrit pas actuellement dans une compréhension mécanique quantique de l’univers. « Notre théorie physique fondamentale est actuellement incohérente : elle est composée de deux parties qui ne vont pas ensemble », explique Carlo Rovelli, de l’université d’Aix-Marseille, en France, qui n’a pas participé à ces travaux. « Pour avoir une image cohérente du monde, nous devons combiner les deux moitiés ».
Gravitons : leur effet pourrait être détectable dans les ondes gravitationnelles
De nombreux travaux théoriques ont été consacrés à ce problème, mais les observations et les expériences n’ont pas encore permis de le résoudre. Cela est dû principalement au fait que les niveaux d’énergie auxquels les effets quantiques sur le comportement de la gravité seraient apparents sont extraordinairement élevés. Ces niveaux d’énergie élevés se retrouvent notamment dans les événements astronomiques qui produisent des ondes gravitationnelles.
Les ondes produites par les champs quantiques, comme la lumière, sont par nature à la fois des ondes et des particules. Donc, si les champs gravitationnels sont effectivement des champs quantiques, les ondes gravitationnelles devraient également se comporter comme des particules. Ces particules hypothétiques sont appelées gravitons.
Maulik Parikh, de l’université d’État de l’Arizona, et ses collègues, ont calculé que l’existence de gravitons pourrait créer des perturbations dans les signaux des ondes gravitationnelles. Ils ont découvert que ceux-ci pourraient, en théorie, être détectés par les observatoires actuels d’ondes gravitationnelles tels que LIGO et VIRGO.
« Peut-être que la nature quantique de la gravité n’est pas si hors de portée, et peut-être qu’il existe une signature expérimentale de celle-ci », déclare Parikh. « Notre prédiction est qu’il y a une sorte de bruit, un parasitage, dans la gravité – et les caractéristiques de ce bruit dépendent de l’état quantique du champ gravitationnel ».
Gravité quantique : unifier la mécanique quantique et la relativité générale
Il pourrait se distinguer d’autres sources de bruit par le fait qu’il est susceptible de se manifester par exactement les mêmes fluctuations du signal dans plusieurs détecteurs simultanément. L’observation de ce bruit serait la preuve que la gravité possède une composante quantique. « Nous avons toutes les raisons de croire que c’est le cas », déclare Rovelli.
Parikh et ses collègues modélisent actuellement ce à quoi ressemblerait le bruit quantique dans les détections réelles d’ondes gravitationnelles provenant d’événements astronomiques, tels que la fusion de trous noirs ou d’étoiles à neutrons, afin de savoir ce qu’il faut rechercher. La découverte de ce signal et la preuve que la gravité est un phénomène du moins en partie quantique constitueraient une étape majeure vers l’unification de la relativité générale et de la mécanique quantique, un effort de recherche que l’on appelle « gravité quantique ».
Comme la gravité est une caractéristique de tout l’espace-temps et que la mécanique quantique décrit la matière, cela nous rapprocherait d’une théorie autoconsistante de tout ce qui touche à la physique. « Toute l’histoire de la gravité est en fait l’histoire de l’espace et du temps », déclare Parikh. « Dans une théorie du tout, nous nous attendrions à ce que l’espace, le temps et la matière ne fassent qu’un en un sens, et l’observation de ce phénomène serait un pas vers la preuve de cela ».