Les opérations de l’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), le radiotélescope le plus puissant au monde, sont suspendues depuis jeudi en raison de rares chutes de neige dans la région. La tempête s’est produite à basse altitude, recouvrant une grande partie du désert d’Atacama d’une fine couche de neige, ce qui est inhabituel pour une région aussi aride. Bien que le lien ne soit pas encore tout à fait établi, ce type d’événement pourrait devenir plus fréquent à l’avenir en raison du changement climatique.
Situé dans le nord du Chili, le désert d’Atacama est l’un des endroits les plus arides de la planète, ne recevant en moyenne que 1 à 15 millimètres de précipitations par an. De nombreuses régions peuvent passer plusieurs années sans recevoir de pluie, ni de neige. Cela en fait une région de prédilection pour les télescopes les plus avancés, la sécheresse et l’absence de villes à proximité offrant l’un des ciels les plus clairs au monde.
Le réseau de radiotélescopes ALMA a été construit à Chajnantor, un plateau désertique situé à 5 104 mètres d’altitude dans la région d’Antofagasta, proche de la frontière avec la Bolivie et le Pérou. Développé conjointement par l’Observatoire européen austral, l’Observatoire national de radioastronomie des États-Unis et l’Observatoire national d’astronomie du Japon, il est largement reconnu comme étant le plus puissant au monde.
Bien qu’en plein désert, cette région connaît entre 20 et 80 centimètres de chutes de neige environ 3 fois par an. Elles ont habituellement lieu pendant deux saisons : pendant l’hiver altiplanique, en février, et pendant l’hiver austral, entre juin et juillet. Ces tempêtes de neige sont provoquées soit par des masses d’air humide provenant d’Amazonie, soit par l’humidité provenant du Pacifique, ce qui peut étendre les précipitations jusqu’aux zones côtières du désert.
Cependant, les chutes de neige de jeudi dernier se sont produites à 3 000 mètres d’altitude, ce qui est beaucoup plus rare. La tempête a affecté le centre de soutien aux opérations d’ALMA, qui est situé à 2 900 mètres d’altitude, à environ 1 700 kilomètres au nord de Santiago, la capitale chilienne. « La neige a recouvert le Centre de soutien aux opérations de l’observatoire ALMA. Les chutes de neige à cet endroit sont très rares, le dernier événement significatif remontant à plus de dix ans », ont déclaré dans un communiqué, le programme européen d’observation de la Terre, Copernicus.
Les activités d’ALMA temporairement suspendues
Les chutes de neige de la semaine dernière ont été provoquées par une instabilité atmosphérique inhabituelle affectant tout le nord du Chili. La direction météorologique locale a émis une alerte de neige et de rafales de vent pour la région d’Antofagasta et celles plus au nord, en raison du passage d’un « noyau froid », une zone d’air froid d’altitude généralement associée à une dépression atmosphérique isolée. Les rafales ont atteint 80 à 100 km/h.
Le phénomène a également été accompagné de fortes averses dans le nord, provoquant la crue d’un cours d’eau à proximité d’un village et endommageant plusieurs habitations. Cela a provoqué la fermeture temporaire des écoles, des coupures d’électricité, ainsi que des glissements de terrain. Aucune perte humaine n’a heureusement été signalée.
Mais alors que les chutes de neige persistaient encore vendredi, les opérations de l’ALMA ont dû être temporairement suspendues afin de préserver les 66 antennes paraboliques du réseau. Les températures ont en outre chuté à -12 °C, rendant l’activité au camp de base extrêmement difficile pour les équipes sur place.
Les responsables de l’observatoire ont activé le protocole de sécurité en enclenchant le « mode survie » dès jeudi matin. Cela consistait à orienter les antennes paraboliques du réseau sous le vent, de sorte à minimiser les dommages potentiels causés par la neige accumulée et les rafales. Les images partagées par l’observatoire montrent les antennes dans un épais brouillard et entièrement recouvertes de neige.
Puis, « une fois la tempête passée, les équipes de déneigement sont immédiatement mobilisées pour inspecter visuellement chaque antenne avant de reprendre les observations », ont déclaré les représentants de l’ALMA, à LiveScience. « Il faut agir vite, car certaines des meilleures conditions d’observation se produisent juste après une chute de neige : le froid contribue à réduire l’humidité de l’air qui perturbe le plus nos mesures », ajoutent-ils.
Bien qu’ALMA soit techniquement conçue pour supporter de tels événements météorologiques extrêmes, la suspension des opérations soulève des questions quant au maintien de l’intégrité du réseau à mesure que le climat change. En effet, bien qu’il soit trop tôt pour savoir si la rare tempête de neige à basse altitude dans le désert soit véritablement attribuée au changement climatique, les modèles climatiques prédisent une hausse de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes pour les années à venir.