L’évolution des étoiles a depuis toujours fasciné les astrophysiciens. L’étude des réactions nucléaires qu’elles cachent en leur cœur a notamment permis d’expliquer l’origine de nombreux éléments chimiques. La fusion de l’hydrogène est le premier maillon d’une longue chaîne de réactions nucléaires (la nucléosynthèse), qui une fois terminées, aboutissent à la mort de l’étoile. Si le scénario de fin de vie des « petites » étoiles et des plus massives est en théorie bien connu, le sort des étoiles intermédiaires demeure incertain.
Des chercheurs canadiens de l’Université Dalhousie se sont intéressés à la question. Ils ont récemment publié une étude suite à la découverte d’une transition nucléaire exceptionnellement forte, qui pourrait être impliquée dans la mort des étoiles intermédiaires.
Le cycle de vie des étoiles
Une étoile est constituée d’un mélange de gaz chaud ; cet équilibre est maintenu tant que la pression du gaz s’oppose à l’attraction gravitationnelle. Plus on se rapproche du centre, plus la pression augmente, de manière à compenser la force appliquée par les couches supérieures. Le déséquilibre de température entre le centre (d’une dizaine de millions à quelques centaines de millions de degrés) et la surface (entre quelques milliers et quelques dizaines de milliers de degrés) entraîne un transfert d’énergie thermique.
Ce flux d’énergie, en surface, s’échappe et est converti en rayonnement (l’étoile brille). Cette perte d’énergie est compensée par l’énergie libérée lors des réactions nucléaires qui se déroulent au centre. Mais quand ces ressources internes s’épuisent, les réactions thermonucléaires s’achèvent, et le cœur de l’étoile s’effondre alors sous sa propre gravité, formant un résidu compact tandis que son enveloppe gazeuse est éjectée dans l’espace.
Pour la plupart des étoiles, les moins massives, comme notre soleil, l’enveloppe gazeuse disparaît sous forme d’une nébuleuse et le cœur résiduel devient une naine blanche. Pour les étoiles beaucoup plus grosses, l’enveloppe gazeuse explose violemment – c’est ce que l’on appelle des supernovas – et il se forme au centre une étoile à neutrons, voire un trou noir pour les étoiles les plus imposantes. La mort des étoiles de taille intermédiaire (entre 7 et 11 fois la masse solaire) demeure cependant source d’interrogations. Cette fin de vie aboutit-elle ou non à une explosion ? Si oui, quel est le produit final ?
Une question de timing
Une simulation des réactions qui se déroulent au cœur des étoiles de masse intermédiaire a montré que la fusion de l’hydrogène en hélium finissait par aboutir à la formation de noyaux d’oxygène, de néon et de magnésium. La fréquence à laquelle les atomes de néon capturent les électrons est essentielle au bon déroulement du processus. Celui-ci libère de l’énergie qui conduit à l’explosion de l’oxygène. Mais l’instant exact où est libérée cette énergie et se déroule l’explosion semble déterminer l’issue de la réaction en chaîne.
Pour en savoir plus, Oliver Kirsebom et son équipe ont analysé la réaction inverse : à savoir, la perte d’un électron d’un atome de fluor (19F), pour former un atome de néon (20Ne). Pour ce faire, les chercheurs ont bombardé une feuille de carbone avec un faisceau de fluor provenant du JYFL Accelerator Laboratory, en Finlande. En déterminant les chances que le fluor se décompose en néon, ils ont pu effectuer le calcul inverse : combien de fois le néon est-il susceptible de capturer un électron dans le mélange oxygène-néon-magnésium ?
Résultat : le taux estimé était beaucoup plus élevé que les mesures précédentes, qui laissaient à penser que l’hypothèse d’un effondrement en étoile à neutrons était la plus probable. Le taux de capture estimé ici fait pencher la balance en faveur d’une explosion thermonucléaire. L’équipe de recherche souligne par ailleurs que le processus met en œuvre une transition interdite – autrement dit, une transition de niveau d’énergie qui ne respecte pas les règles de la mécanique quantique. « Ce qui est remarquable, c’est qu’il s’agit d’une transition nucléaire singulière, très rare, que l’on néglige habituellement », a déclaré Kirsebom. « Dans les conditions spécifiques de ces étoiles, elle pourrait avoir un réel impact sur leur évolution ».
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Une autre étude dirigée par Shuai Zha, chercheur à l’Université de Stockholm, publiée dans l’Astrophysical Journal s’est focalisée sur la mort d’une étoile ayant une masse 8,4 fois supérieure à celle du Soleil. Selon la modélisation établie, l’énergie libérée par la capture des électrons provoque une inflammation de l’oxygène, qui brûle les autres métaux présents dans le noyau, déclenchant ainsi une onde explosive. L’issue du processus dépend ensuite, selon les auteurs de l’étude, du nombre d’électrons et d’une densité critique : au-dessus de cette valeur, le noyau s’effondre en une étoile à neutrons ; en dessous, il se déchire dans une explosion thermonucléaire. Les estimations concernant la densité du noyau de l’étoile étant supérieures à la densité critique, ils pensent que le néon précipite l’effondrement du noyau en étoile à neutrons.
De son côté, Kirsebom souligne qu’il reste encore plusieurs points à élucider, notamment les mouvements de convection au sein des noyaux stellaires, la façon dont la matière transporte la chaleur, et aussi les autres processus nucléaires qui n’ont pas encore été clairement identifiés. Une fois tous ces mystères élucidés, les scientifiques pourront être plus catégoriques sur le destin final de ces étoiles.