Plusieurs études ont montré que le contact avec la nature est particulièrement bénéfique à la santé de l’Homme. Par exemple, on sait que passer du temps dans la nature durant l’enfance garantit une meilleure santé mentale à l’âge adulte. Plus généralement, être au contact de la verdure est propice au bien-être et augmenter le nombre d’espaces verts dans les villes pourrait même renforcer les défenses immunitaires des populations. Une nouvelle étude, basée sur l’imagerie cérébrale, apporte de nouvelles preuves du fait que les paysages verts en zone urbaine contribuent à réduire le stress.
En effet, l’étude révèle que l’observation des espaces verts génère une activité substantielle dans certaines zones clés du cerveau, liées à l’attention et à la régulation du stress. Ces nouvelles données viennent corroborer le lien supposé entre le contact avec la nature et la santé mentale. « Les environnements contenant des éléments naturels, tels qu’une abondance d’arbres ou de feuillage, peuvent améliorer le bien-être mental », insistent les auteurs de l’étude, publiée dans la revue NeuroImage.
Les diverses expériences réalisées montrent clairement que les personnes qui côtoient régulièrement des espaces verts affichent des niveaux de stress bien inférieurs aux autres individus. Une équipe de chercheurs de l’Université de Hong Kong s’est intéressée aux processus cérébraux qui étaient impliqués dans ce cas, et dans quelle mesure la simple vision de verdure pouvait ainsi réguler le niveau de stress.
Les espaces verts activent notre cerveau émotionnel
Pour ce faire, les chercheurs ont analysé l’activité cérébrale de 44 participants, par imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), alors qu’ils observaient des images de zones urbaines, agrémentées d’espaces verts plus ou moins denses. Deux semaines après cette première rencontre, les participants ont été invités à revenir au laboratoire afin de communiquer leur niveau de stress. On leur a également demandé d’indiquer quelles étaient leurs images préférées parmi celles qui leur ont été montrées.
Les scientifiques ont constaté des différences systématiques entre les réponses cérébrales, en fonction de la densité de verdure qui apparaissait sur les images. En outre, ces différences étaient corrélées au niveau de stress autodéclaré par les participants et à leurs préférences. Les paysages urbains, avec plus ou moins d’espaces verts, activent une partie primitive du cerveau, appelée cortex cingulaire postérieur. Cette zone fait partie d’un système beaucoup plus large, le système limbique (parfois appelé « cerveau émotionnel), qui joue un rôle majeur dans le comportement et les émotions (telles que l’agressivité, la peur, le plaisir). Le cingulaire postérieur a également des liens étendus avec les nœuds exécutifs (mobilisés lors de la prise de décision) et attentionnels du cerveau.
Lorsque les chercheurs ont varié la quantité de verdure apparaissant sur les différentes scènes proposées, ils ont constaté de nets changements au niveau de l’activité de cette zone du cerveau ; celle-ci correspondait étonnamment bien aux auto-évaluations de stress rapportées par les sujets après avoir vu les images. Ils en ont conclu que le cingulaire postérieur est une région cérébrale clé, responsable de notre sensibilité à la nature, et qui interagit avec le système neuroendocrinien dans la régulation du stress. En résumé, l’exposition aux espaces verts est bel et bien physiologiquement importante pour la santé.
Des études statistiques sur la santé des populations étaient déjà parvenues à cette conclusion. Aujourd’hui, l’analyse cérébrale confirme le phénomène et pour les chercheurs à l’origine de cette étude, il n’y a plus de doute possible : « Assurez-vous de prendre une dose régulière de verdure, de marcher. Parcourez le trajet le plus vert, même si c’est plus long, ou surtout si c’est plus long ! Pensez à payer un peu plus de loyer pour des perspectives plus vertes », conseille l’équipe.
Concevoir les meilleurs espaces verts pour la santé mentale
Ce travail est le fruit d’une collaboration entre le State Key Laboratory of Brain and Cognitive Sciences de l’université de Hong Kong et la faculté d’architecture. Car les professionnels de l’urbanisation qui souhaitent faire évoluer les choses dans le bon sens ont besoin de preuves formelles pour appuyer leurs projets. Ce n’est que récemment que les données ont été suffisamment volumineuses et précises pour mettre en évidence l’efficacité des espaces verts urbains pour modérer le stress, réduire l’obésité, et d’autres effets bénéfiques sur la santé.
Ces connaissances aideront certainement à concevoir de nouvelles infrastructures vertes bénéfiques, voire thérapeutiques, afin de créer peu à peu des villes plus saines. Par ailleurs, elles alimenteront également les recherches de la faculté d’architecture sur les technologies immersives (réalité virtuelle et augmentée), qui visent à fournir une nouvelle forme de thérapie « verte » aux personnes qui ont peu ou pas d’accès à l’extérieur (personnes gravement handicapées, patients des hôpitaux, employés d’usines, ou détenus de prison). Face à l’augmentation des problèmes d’humeur liés au stress associés à la vie urbaine, les chercheurs estiment fondamental de réfléchir à de nouveaux environnements favorisant le bien-être mental.
L’équipe souligne toutefois que les scènes naturelles varient aussi par d’autres caractéristiques que la densité de verdure qui a été évaluée ici, notamment par leur structure « de second ordre », définie par des lignes et des bordures. Ainsi, il serait intéressant de vérifier si ces autres propriétés entraînent ou non des variations de réponse au stress. Ces informations seraient en effet très importantes pour la planification urbaine et architecturale.
Par conséquent, des recherches supplémentaires seront nécessaires pour déterminer plus précisément quelles caractéristiques particulières des espaces naturels sont associées aux bienfaits sur la santé mentale. « Nous soupçonnons qu’il existe une relation entre la structure des espaces verts et les réactions du cerveau/de l’humeur/de la santé, tout comme il peut y en avoir dans la musique », expliquent les chercheurs. En effet, des études ont révélé que la musique — notamment la musique « complexe » telles les compositions de Mozart — pouvait stimuler temporairement le cerveau et ainsi favoriser l’exécution de tâches et la résolution de problèmes difficiles (une hypothèse dénommée « effet Mozart »). Des études ont montré dernièrement que ce phénomène se produit avec n’importe quel type de musique, du moment qu’elle est appréciée du sujet.
Sur le même principe, peut-être que la structure des espaces verts (formes des arbres, panachure de textures et d’ombres) peut entraîner différents effets cognitifs modérateurs du stress. Et dans ce cas, est-ce la structure elle-même ou simplement la préférence de chacun en matière de « décoration végétale » qui favorise de tels effets ? C’est ce que vont tenter de découvrir les chercheurs dans leurs futures études sur le sujet.