Les modèles astrophysiques établis au cours des dernières décennies classent les neutrinos astrophysiques en deux catégories : les neutrinos de haute (téraélectronvolt, TeV) et de très haute (pétaélectronvolt, PeV) énergies. Les premiers sont censés être produits lors d’événements cosmiques d’ampleur variable, tandis que les seconds sont réputés être issus des quasars. Cependant, des physiciens russes ont montré que cette distinction serait en réalité incorrecte. À l’aide de données issues du détecteur de neutrinos IceCube, les chercheurs ont montré que tous les neutrinos de haute et très haute énergies proviendraient en fait des quasars. La même source cosmique serait alors responsable de la production de tous les neutrinos astrophysiques d’énergie égale et supérieure au TeV.
Des physiciens de l’Institut de physique PN Lebedev de l’Académie russe des sciences (LPI RAS), de l’Institut de physique et de technologie de Moscou (MIPT) et de l’Institut de recherche nucléaire de RAS (INR RAS) ont étudié les directions d’arrivée des neutrinos astrophysiques avec des énergies de plus d’un billion d’électronvolts (TeV) et sont arrivés à une conclusion inattendue : tous sont nés à proximité de trous noirs situés dans les centres de galaxies actives éloignées. Auparavant, seuls les neutrinos aux énergies les plus élevées étaient supposés être produits dans les sources de cette catégorie.
On pense qu’il existe des trous noirs massifs dans les centres des galaxies actives de notre Univers. Ils sont le cœur de ces systèmes galactiques, avec une luminosité de centaines de millions de soleils. Les galaxies actives, également appelées quasars, sont clairement visibles depuis la Terre avec des télescopes optiques et radio.
Antérieurement, les scientifiques russes Alexander Plavin, Sergey Troitsky et les Kovalev (père et fils, tous deux nommés Yuri) avaient trouvé un lien entre l’origine des neutrinos des énergies les plus élevées (à l’échelle TeV) et les quasars radio. C’était assez surprenant, car les articles théoriques des années 1990 indiquaient que les neutrinos astrophysiques ne naissaient qu’à des énergies supérieures à 1000 TeV.
Les neutrinos sont des particules élémentaires avec une masse à peine supérieure à zéro, mais ils peuvent traverser l’Univers pratiquement sans interagir avec la matière. Des millions de neutrinos par seconde traversent chaque personne et chaque objet sur Terre. Pour enregistrer les neutrinos, une collaboration internationale de scientifiques a construit un détecteur spécial en Antarctique : le détecteur Tcherenkov IceCube d’un volume de 1 kilomètre cube.
IceCube révèle des neutrinos astrophysiques issus des quasars
En Russie, l’INR RAS et le JINR achèvent actuellement la construction du télescope aquatique Baikal GVD dans le lac Baïkal, dont le volume atteint déjà 400 m3. Désormais, l’acquisition de données est en cours sur la partie courante de l’installation, déjà mise en service. Ces installations étudient le ciel dans différents hémisphères.
Après avoir analysé les données collectées pendant 7 ans sur le détecteur IceCube, les chercheurs ont d’abord choisi d’analyser une plage supérieure à 200 TeV pour étudier la direction de ces neutrinos. Il s’est avéré qu’une partie importante d’entre eux était née dans des quasars, identifiés par les radiotélescopes via leur haute luminosité. Plus précisément, les neutrinos sont nés quelque part dans les centres des quasars. Il y a des trous noirs massifs alimentant leurs disques d’accrétion, ainsi que des éjections ultrarapides de gaz très chauds.
De plus, il existe un lien entre les puissants sursauts d’émission radio dans ces quasars et la détection des neutrinos par le télescope IceCube. Puisque les neutrinos voyagent à travers l’Univers à une vitesse proche de celle de la vitesse de la lumière, les sursauts radio nous parviennent pratiquement en même temps que les neutrinos.
Quasars : ils seraient la source de tous les neutrinos astrophysiques de haute énergie
Dans leur nouvel article publié dans la revue The Astrophysical Journal, les physiciens russes soutiennent que les neutrinos d’énergies de dizaines de TeV sont également émis par les quasars. En conséquence, il s’avère que tous — enfin, presque tous — les neutrinos astrophysiques de haute énergie sont nés dans des quasars. En plus de ceux-ci, il y a des neutrinos qui naissent dans l’atmosphère terrestre, et même dans le détecteur IceCube lui-même lors de l’interaction des rayons cosmiques avec la matière.
« C’est étonnant, car pour la production de neutrinos avec des énergies qui diffèrent d’un facteur 100-1000, différentes conditions physiques sont nécessaires. Les mécanismes de production de neutrinos dans les noyaux galactiques actifs discutés précédemment ne fonctionnaient qu’à des énergies élevées. Nous avons proposé un nouveau mécanisme de production de neutrinos dans les quasars, ce qui explique les résultats obtenus. Bien qu’il s’agisse d’un modèle approximatif, il est nécessaire de travailler dessus, d’effectuer une simulation par ordinateur », explique Sergey Troitsky, chercheur à l’INR RAS.
La connexion entre les neutrinos et les quasars radio a suscité un grand intérêt dans le monde. Le travail conjoint de scientifiques russes avec l’expérience de neutrinos ANTARES en mer Méditerranée commence. Un article récent de scientifiques européens et américains a confirmé indépendamment la découverte de l’équipe russe utilisant des données de radiotélescope aux États-Unis et en Finlande. Les nouveaux événements de l’arrivée des neutrinos astrophysiques sont désormais suivis par les plus grands radiotélescopes et réseaux d’antennes du monde.