L’une des caractéristiques différenciant les types d’étoiles est la métallicité ; c’est-à-dire la fraction de la masse d’une étoile qui n’est pas composée d’hydrogène ou d’hélium. Le Soleil, par exemple, fusionne majoritairement de l’hydrogène en hélium, et possède donc une faible métallicité comparée aux étoiles plus massives utilisant des éléments plus lourds. Les modèles prédisent notamment l’existence d’un cycle majoritaire de fusion carbone-azote-oxygène (CNO). Et récemment, pour la première fois, une équipe internationale de physiciens a pu détecter des neutrinos solaires issus directement de ce cycle, confirmant ainsi son existence. Des résultats très importants qui devraient permettre aux astrophysiciens d’étudier plus en détail la métallicité des étoiles.
Une équipe internationale d’environ 100 scientifiques de la Collaboration Borexino, dont le physicien des particules Andrea Pocar de l’Université du Massachusetts, rapporte cette semaine dans la revue Nature la détection de neutrinos provenant du Soleil, révélant directement pour la première fois que le cycle de fusion carbone-azote-oxygène (CNO) est à l’œuvre dans notre soleil. Le cycle CNO est la source d’énergie dominante alimentant les étoiles plus lourdes que le Soleil, mais il n’avait jusqu’à présent jamais été directement détecté dans une étoile.
Pendant une grande partie de leur vie, les étoiles obtiennent de l’énergie en fusionnant l’hydrogène en hélium. Dans les étoiles comme le Soleil, cela se produit principalement à travers les chaînes « proton-proton ». Cependant, de nombreuses étoiles sont plus massives et plus chaudes que le Soleil et incluent des éléments plus lourds que l’hélium dans leur composition, une qualité connue sous le nom de métallicité. La prédiction faite depuis les années 1930 est que le cycle CNO est dominant dans les étoiles lourdes.
Neutrinos : ils sont les seuls outils permettant de sonder efficacement la métallicité des étoiles
Les neutrinos émis dans le cadre de ces processus fournissent une signature spectrale permettant aux scientifiques de distinguer ceux de la « chaîne proton-proton » de ceux du « cycle CNO ». Pocar déclare : « La confirmation de la combustion du CNO dans notre Soleil, où il fonctionne à seulement un pour cent, renforce notre confiance dans notre compréhension du fonctionnement des étoiles ».
Au-delà de cela, les neutrinos issus du CNO peuvent aider à résoudre une question ouverte importante en physique stellaire. Autrement dit, comment la métallicité centrale du Soleil, qui ne peut être déterminée que par le taux de neutrinos CNO du cœur, est liée à la métallicité ailleurs dans une étoile. Les modèles traditionnels se sont heurtés à une difficulté : les mesures de métallicité de surface par spectroscopie ne concordent pas avec les mesures de métallicité profondes déduites d’une méthode différente, les observations d’héliosismologie.
Pocar explique que les neutrinos sont vraiment la seule sonde directe dont dispose la science pour étudier le noyau des étoiles, y compris le Soleil, mais ils sont extrêmement difficiles à mesurer. Jusqu’à 420 milliards d’entre eux atteignent chaque cm² de la surface de la Terre par seconde, mais pratiquement tous passent à travers sans interagir. Les scientifiques ne peuvent les détecter qu’à l’aide de très grands détecteurs avec des niveaux de rayonnement de fond exceptionnellement bas.
Borexino : un détecteur de choix pour étudier la métallicité stellaire
Le détecteur Borexino se trouve sous les montagnes des Apennins, dans le centre de l’Italie, aux Laboratori Nazionali del Gran Sasso de l’INFN. Il détecte les neutrinos comme des éclairs de lumière produits lorsque les neutrinos entrent en collision avec des électrons dans 300 tonnes de scintillateur organique ultra-pur. Sa grande profondeur, sa taille et sa pureté font de Borexino un détecteur unique pour ce type de science, seul dans sa catégorie pour les rayonnements à faible bruit de fond.
Le projet a été lancé au début des années 1990 par un groupe de physiciens dirigé par Gianpaolo Bellini à l’Université de Milan, Frank Calaprice à Princeton et le regretté Raju Raghavan des Bell Labs. Jusqu’à ses dernières détections, la collaboration Borexino avait mesuré avec succès les composants des flux de neutrinos solaires proton-proton, aidé à affiner les paramètres d’oscillation de la saveur des neutrinos et, de manière plus impressionnante, même mesuré la première étape du cycle : les neutrinos pp de très basse énergie.
Au fil des ans et grâce à une séquence de procédures pour identifier et stabiliser le bruit de fond, les scientifiques américains et l’ensemble de la collaboration ont réussi à détecter les neutrinos CNO. « Au-delà de la révélation de la détection des neutrinos CNO, qui est le sujet de l’article, il existe maintenant un potentiel expérimental pour aider à résoudre le problème de la métallicité », déclare Pocar.
Avant la découverte des neutrinos CNO, le laboratoire avait programmé la fin des opérations de Borexino à la fin de 2020. Mais comme les données utilisées dans l’analyse pour l’article de Nature ont été bloquées, les scientifiques ont continué à collecter des données, la pureté centrale du détecteur continuant de s’améliorer, afin d’en apprendre plus sur la métallicité. La collecte de données pourrait s’étendre jusqu’en 2021.