Le neutron est une particule subatomique de charge électrique nulle qui, avec le proton, constitue les noyaux des atomes, et plus généralement la matière baryonique. De nombreux domaines d’application se fondent sur l’utilisation des neutrons, tels que l’étude structurelle des matériaux ou encore le contrôle des réactions nucléaires.
Après la découverte du noyau atomique en 1911 par le physicien Ernest Rutherford, le modèle utilisé pour décrire le noyau atomique ne comporte que des protons et des électrons nucléaires ; ce modèle proton-électron aura cours durant toutes les années 1920. Cependant, plusieurs écueils vont commencer à apparaître.
Ce modèle se montre incompatible avec le principe d’indétermination d’Heisenberg, et avec le paradoxe lié à l’équation de Dirac soulevé par Oskar Klein en 1928 concernant le confinement électronique. En outre, les valeurs du spin nucléaire des atomes calculées à partir du modèle protons-électrons ne rendent pas correctement compte de leurs propriétés physico-chimiques observées.
Ces incohérences vont conduire le chimiste nucléaire américain William D. Harkins à prédire l’existence du neutron ; il sera également le premier à utiliser ce terme.
La découverte du neutron : une saga scientifique
L’histoire de la découverte du neutron est un parfait exemple de coopération scientifique et de continuité de la recherche. C’est au terme de trois expériences consécutives, chacune s’appuyant sur les résultats de la précédente, que la particule composite a été mise expérimentalement en évidence.
Dès 1930, les physiciens des particules allemands Walther Bothe et Herbert Becker découvrent que lorsque des atomes légers (béryllium, lithium, bore) sont bombardés par des particules alpha (rayonnement émis par des noyaux massifs instables), ils émettent des rayons pénétrants tout d’abord interprétés par les deux scientifiques comme des rayons gamma.
L’année suivante, en 1931, les chimistes et physiciens français Irène et Frédéric Joliot-Curie décident d’approfondir les résultats de Bothe et Becker. Ils observent que le rayonnement pénétrant décrit par ces derniers est capable d’agir sur les noyaux atomiques, et notamment sur les protons. Ils décrivent cette interaction comme un effet Compton entre un rayonnement gamma et l’hydrogène.
C’est le physicien britannique James Chadwick qui, en 1932, dans le laboratoire de Cambridge dirigé par Rutherford, clôt cette série de recherches en confirmant à la fois les résultats obtenus précédemment par ses pairs, tout en rejetant l’hypothèse des rayons gamma. Il montre qu’il s’agit en réalité d’une particule de charge électrique nulle et de masse 1. Suite à la découverte de Chadwick, Werner Heisenberg développe un modèle proton-neutron cohérent avec les mesures effectuées.
Le neutron : un élément principal du noyau atomique
Le neutron est une particule composite, c’est-à-dire composée de quarks liés entre eux par l’interaction nucléaire forte. C’est donc un hadron, et plus particulièrement un baryon constitué de trois quarks : 2 quarks down (-1/3) et 1 quark up (+2/3), lui conférant ainsi une charge électrique nulle. En tant que fermion, il possède un spin égal à 1/2.
Tout comme le proton, c’est un nucléon constituant le noyau atomique. Un peu plus massif que le proton dont le nombre détermine les propriétés chimiques de l’atome, le nombre de neutrons en détermine les isotopes (noyaux possédant le même nombre de protons mais un nombre différent de neutrons). Les neutrons participent donc à la stabilité du noyau atomique.
Pour approfondir : Comment les nucléons sont-ils liés dans le noyau atomique ?
Du fait de sa charge électrique nulle, et de la charge positive des protons, le noyau atomique possède une charge globale positive. Dans le noyau, le neutron est lié au proton par un dérivé de l’interaction nucléaire forte appelé interaction nucléon-nucléon (ou force nucléaire), réalisée par l’échange de pions (mésons).
Désintégration et propriétés ionisantes du neutron
Sous forme liée dans le noyau, le neutron est considéré comme stable. Mais à l’extérieur, un neutron libre est instable et possède une durée de vie d’environ 880 secondes, soit un peu moins de 15 minutes. Dans ce cas, il se désintègre au moyen de l’interaction nucléaire faible dans le cadre d’un processus appelé désintégration β (ou émission β).
Lors de ce processus, le neutron se désintègre en proton par l’émission d’un boson W-. L’émission d’un tel boson entraîne la conversion d’un quark down en un quark up (changement de saveur). La nouvelle particule est alors composée de 2 quarks up et d’1 quark down, faisant d’elle un proton. La désintégration β donne également lieu à l’émission d’un électron et d’un antineutrino électronique. Ce phénomène peut également intervenir pour le neutron d’un noyau atomique quand ce dernier devient instable.
Les neutrons possèdent des propriétés ionisantes indirectes, non liées à leur charge (qui est nulle) mais aux effets qu’ils provoquent sur les atomes avec qui ils entrent en réaction. Par exemple, un noyau qui capte un neutron libre par captation radiative, émet un photon énergétique lors de sa désexcitation, ce dernier étant ionisant. Le neutron peut être à l’origine de plusieurs autres effets ionisants comme l’émission de particules alpha ou la fission des noyaux.
Sources des neutrons et leurs applications
Il existe différents équipements permettant de produire des neutrons, chacune possédant des propriétés particulières concernant l’énergie, le flux ou la vitesse des neutrons produits. Toutefois, ces sources doivent être manipulées avec une grande précaution du fait de la haute pénétrance des neutrons et de leurs propriétés ionisantes.
Les sources à neutrons sont globalement classées en trois catégories selon leur dimension (et donc le flux de neutrons produit). Parmi les sources de petites dimensions, l’on retrouve les sources alpha-béryllium (mélange chimique exploitant la réaction alpha+béryllium), les sources gamma-béryllium (exploitant la réaction gamma+béryllium) et la fission spontanée du californium 252 (produisant des neutrons de fission à 2 MeV).
Dans les sources de moyenne dimension, l’on retrouve les machines à striction axiale, ou Z-pinch, produisant des neutrons par la création d’un plasma de deutérium ou tritium ionisés. Les accélérateurs de particules à faible énergie entrent également dans cette catégorie, générant des neutrons par la collision de particules légères. Enfin, dans les sources de grandes dimensions, sont classés les réacteurs à fission nucléaire et les accélérateurs de particules à haute énergie au cours du phénomène de spallation nucléaire.
Les neutrons possèdent diverses applications technologiques. Leur faculté à pénétrer la matière en fait d’excellents éléments pour étudier la structure de celle-ci à l’échelle macroscopique ou atomique (diffusion et diffraction neutroniques). La spectroscopie neutronique utilise la sensibilité du spin des neutrons pour sonder les propriétés magnétiques et les excitations des objets. Enfin, dans le cadre de la neutronographie, ils permettent de radiographier certains objets aux propriétés physiques particulières.
Ils interviennent également tout au long de la chaîne de production et traitement de combustibles nucléaires, et plus généralement des matières nucléaires. Grâce à leur capacité à provoquer diverses réactions nucléaires, ils sont utilisés dans les contrôles nucléaires de procédé (CNP) afin d’analyser les matières fissiles.