Grâce à plusieurs études sur le sujet, on sait depuis un moment que la montée des eaux inhérente au réchauffement climatique menace les populations côtières du monde, à plus ou moins long terme. Une nouvelle étude menée par des chercheurs de l’Université technologique de Nanyang (Singapour) précise aujourd’hui que l’élévation moyenne du niveau de la mer dans le monde pourrait dépasser 1 mètre d’ici 2100, et 5 mètres d’ici 2300 si les objectifs mondiaux en matière d’émissions de gaz à effet de serre ne sont pas atteints.
Fin octobre 2019, des scientifiques mettaient en évidence le fait que l’étendue des zones concernées par une élévation du niveau des océans était largement sous-estimée ; l’altitude des terres était en effet mal calculée en plusieurs points du globe et au final, les régions vulnérables s’avèrent bien plus larges (leur surface totale est trois fois plus grande !). Leur article paru dans Nature Communications annonçait ainsi que d’ici 2050, près de 340 millions de personnes vivant dans les zones côtières pourraient être menacées par la montée des eaux liée au réchauffement climatique. La Chine, le Bangladesh, l’Inde et le Vietnam feraient partie des pays les plus touchés.
Des résultats basés sur les recherches de plus d’une centaine d’experts
Cette nouvelle étude, dirigée par Benjamin Horton, président par intérim de l’École asiatique de l’environnement de l’Université de Nanyang, ne fait que confirmer l’urgence de la situation : sans véritable action pour limiter le réchauffement climatique, des centaines de millions de personnes devront être déplacées…
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Plus d’une centaine d’experts internationaux ont contribué à cette conclusion. L’équipe de Horton a analysé leurs projections selon deux scénarios climatiques distincts. Le premier scénario inclut des émissions de gaz à effet de serre relativement faibles (équivalent à un forçage radiatif de +2,6 W/m²), ayant pour effet une augmentation globale de la température ne dépassant pas les 2 °C. Résultat : dans ce cas, les experts estiment que le niveau de la mer s’élèverait « seulement » de 30 à 65 cm d’ici 2100, et de 54 cm à 2,15 mètres d’ici 2300. Un scénario déjà effrayant, mais qui pourrait être « gérable » par rapport à ce que prévoit le second scénario.
Celui-ci part du principe que les émissions nocives sont fortes (forçage radiatif de +8,5 W/m²) ; elles ont pour conséquence un réchauffement global de 4,5 °C ! Dans ce cas, les prévisions font froid dans le dos : les experts ont estimé une augmentation 0,6 à 1,3 mètre en 2100, puis de 1,7 à 5,6 mètres en 2300.
Pour les auteurs de l’étude, il est essentiel de prendre en compte toutes les estimations des experts sur le sujet – y compris ces deux scénarios extrêmes – pour avoir une vision plus large des futurs possibles. Horton souligne que cela permettra aux décideurs politiques de mieux préparer les mesures nécessaires pour éviter le pire.
Car s’il est évident que le niveau de la mer va augmenter à l’avenir, ce n’est en revanche pas si simple d’exploiter l’ensemble des études qui ont été publiées sur le sujet. Les conclusions ne sont pas toutes si catastrophiques, elles dépendent en effet beaucoup du scénario envisagé au départ, comme l’explique Andra Garner, professeure adjointe de sciences de l’environnement à l’Université Rowan (États-Unis) et co-auteur de l’étude : « Il y a des différences marquées entre les prévisions qui envisagent de faibles émissions et celles qui considèrent des émissions plus élevées. Cela donne beaucoup d’espoir pour l’avenir, ainsi qu’une forte motivation pour agir maintenant pour éviter les impacts les plus graves ».
Réduire les émissions pour éviter le pire
Les 106 experts qui ont participé à l’enquête ont été choisis car ils figuraient parmi les auteurs les plus actifs d’études scientifiques sur le niveau de la mer (ils ont tous signé au moins six articles publiés dans des revues à comité de lecture sur la période 2014-2018). Tous s’accordent à dire qu’il existe une probabilité de 45% que, dans le scénario à émissions élevées, l’augmentation du niveau de la mer dépasse la limite supérieure évoquée dans le cinquième rapport d’évaluation du GIEC ; ce dernier situe entre 0,52 et 0,98 mètre l’élévation du niveau de l’eau d’ici 2100, en cas de croissance non atténuée des émissions.
Pourquoi observe-t-on une telle variabilité dans les diverses projections du niveau moyen de la mer, même en se basant sur des émissions de gaz similaires ? En réalité, les calottes glaciaires du Groenland et de l’Antarctique constituent pour les scientifiques la plus grande source d’incertitude. Ces étendues de glace sont en effet un indicateur majeur du changement climatique et un moteur de l’élévation du niveau de la mer.
Des mesures satellitaires montrent que ces couches de glace fondent à un rythme accéléré ; mais elles sont soumises à deux processus dynamiques importants : l’instabilité de la calotte et des falaises glaciaires marines, difficiles à estimer avec précision et qui peuvent rapidement modifier les chiffres. Le récent rapport spécial du GIEC n’inclut par exemple que l’un de ces deux paramètres ; il a toutefois réévalué sa précédente fourchette et situe entre 0,61 et 1,10 m l’élévation du niveau de l’eau d’ici la fin du siècle.
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Horton et ses collègues rappellent que la majorité des études individuelles publiées depuis 2013 pour des scénarios d’émissions élevées prévoient une élévation du niveau de la mer supérieure à 1 mètre d’ici 2100, et plusieurs suggèrent la possibilité d’une élévation supérieure à 2 mètres. Une chose est sûre, il est crucial « de poursuivre une politique de faibles émissions pour limiter l’élévation du niveau de la mer », avertit le Docteur Niamh Cahill, professeur adjoint au Département de mathématiques et de statistiques à Université Maynooth (Irlande).