Nous vivons plus vieux, mais ne vieillissons pas moins vite : une étude casse un mythe

Les gains de longévité au fil des générations ne résulteraient pas de changements dans notre biologie.

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| Pixabay
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Les changements observés dans notre longévité au fil des générations seraient les conséquences de bouleversements historiques et non de modifications de la biologie du vieillissement, selon une étude démographique récente. Alors qu’on pensait que les progrès médicaux pourraient infléchir notre rythme de sénescence, l’enquête suggère que seul le taux de mortalité a évolué et que nous vieillissons toujours à la même vitesse.

Le vieillissement se définit comme le déclin progressif des fonctions physiologiques avec l’âge. Il se manifeste par un ensemble de symptômes tels que le blanchissement des cheveux, les rides, le déclin de la vision ou une plus grande vulnérabilité aux maladies et aux blessures. Ces phénomènes trouvent leur origine au niveau cellulaire dans la sénescence.

Bien qu’il existe encore des disparités régionales, notre espérance de vie a globalement beaucoup augmenté depuis plus d’un siècle. Depuis le milieu du XIXe siècle, elle a crû d’environ deux ans par décennie en moyenne. Cette évolution s’explique principalement par la baisse de la mortalité chez les personnes âgées, non seulement grâce aux progrès médicaux, mais aussi en raison de facteurs tels qu’un mode de vie et une alimentation plus sains.

Cette augmentation de la durée de vie et la baisse de la mortalité mondiale figurent parmi les réussites majeures de la société moderne. Certains experts se sont alors demandé si ces progrès traduisaient une transformation de notre biologie du vieillissement : vieillissons-nous plus lentement ou commençons-nous simplement à vieillir plus tard ?

En 2010, James W. Vaupel, spécialiste américain du vieillissement et de la biodémographie, a suggéré que le taux de vieillissement — ou sénescence — serait resté constant d’une génération à l’autre, mais que le processus aurait été retardé d’environ une décennie en moyenne. Autrement dit, nous ne vieillirions pas plus lentement, mais plus tard. Selon ses analyses, les gains d’espérance de vie constatés depuis un siècle refléteraient ce vieillissement différé, et non une modification de notre vitesse de sénescence. Il fondait cette hypothèse sur l’observation de tendances de mortalité restées globalement stables dans les données démographiques jusqu’en 1994.

Cette théorie reste débattue, notamment en raison de variations légères mais persistantes dans les taux de vieillissement entre populations. Dans une étude récente publiée sur le serveur de prépublication arXiv, Silvio Patricio, assistant de recherche au Centre interdisciplinaire sur la dynamique des populations de l’Université du Danemark du Sud, revisite la proposition de Vaupel en y intégrant de nouvelles variables, telles que les bouleversements historiques.

« Ces tendances [les gains d’espérance de vie] soulèvent une question plus profonde : observons-nous un réel changement biologique dans le vieillissement humain, ou autre chose ? », écrit-il dans son article. « Il est possible que ce qui ressemble à un changement [du rythme de vieillissement] ne soit pas du tout biologique, mais historique », avance-t-il.

Une vitesse de vieillissement biologique constante ?

D’après le chercheur, des événements ponctuels tels que les deux guerres mondiales ou la grippe espagnole de 1918 engendrent de profonds bouleversements à l’échelle mondiale et affectent de nombreuses cohortes à la fois, mais à des âges différents. Ils sont susceptibles de biaiser les schémas de mortalité au niveau des cohortes s’ils engendrent des conséquences durables. Ces biais ne se manifesteraient pas de manière brusque, mais plutôt par des changements lents et cumulatifs.

« Au fil du temps, ces fluctuations peuvent s’accumuler, créant ce qui ressemble à un changement de la courbe de la mortalité, même si le [rythme de] vieillissement lui-même n’a pas changé », explique-t-il. Bien que difficiles à observer directement, ces effets laisseraient des traces progressives et durables dans les statistiques démographiques.

Pour étayer son hypothèse, Patricio a analysé les données de mortalité par cohorte en France, au Danemark, en Italie et en Suède. Après avoir affiné ces données pour atténuer l’influence de la mortalité précoce, il a développé un modèle mixte permettant de distinguer la mortalité liée à l’âge de la mortalité générale ou induite par d’autres facteurs.

« Nous utilisons un cadre en deux étapes pour d’abord isoler la mortalité sénescente, puis décomposer la courbe de Gompertz en trois composantes : une constante biologique, une tendance potentielle et un effet de période cumulé », précise-t-il. La courbe de Gompertz est un modèle mathématique standard permettant de représenter la mortalité qui croît de façon exponentielle avec l’âge.

Le chercheur a constaté que le vieillissement n’est pas parfaitement constant dans l’ensemble des cohortes analysées. Selon lui, ces variations ne seraient pas d’origine biologique mais s’expliqueraient plutôt par des chocs démographiques associés aux grands bouleversements passés. En effet, « une fois pris en compte les décès non sénescents et les chocs historiques, la courbe de Gompertz apparaît remarquablement stable », observe-t-il.

Les données suggèrent que certaines populations conservent encore des « séquelles démographiques » d’événements anciens. Et même si la longévité s’est transformée au fil des générations, la vitesse à laquelle nous vieillissons serait, biologiquement, demeurée la même. « Le rythme fondamental du vieillissement humain pourrait être biologiquement stable, mais modelé par l’histoire », conclut Patricio.

Source : arXiv
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