Si le développement de technologies visant à produire ou stocker de l’énergie propre a longtemps reposé sur des matériaux non-biologiques, depuis quelques années les scientifiques explorent des procédés visant à combiner micro-organismes et matériaux, dans le but d’aboutir à des énergies propres. Récemment, une équipe de chercheurs a combiné une bactérie génératrice d’électricité et l’oxyde de graphène pour un obtenir un matériau biohybride dont les applications énergétiques sont extrêmement larges.
Combiner des micro-organismes avec des nanomatériaux carbonés pourrait faciliter la transition vers les énergies renouvelables. Des chercheurs de la KAUST (King Abdullah University of Science and Technology) montrent que les bactéries et les nanomatériaux peuvent être utilisés ensemble pour former un matériau biohybride qui fonctionne bien comme électrocatalyseur. Le matériau pourrait être utilisé dans la production de carburants sans carbone à énergie solaire et dans plusieurs autres applications d’énergie verte.
Un processus appelé réaction d’évolution de l’oxygène (REL) est au cœur de nombreuses technologies d’énergie propre. Dans le cas de la production de combustible solaire, par exemple, les REL permettent d’utiliser l’électricité solaire pour fractionner les molécules d’eau en oxygène et en hydrogène, produisant ainsi de l’hydrogène propre pouvant être utilisé comme combustible. Actuellement, des métaux rares et coûteux sont utilisés comme électrocatalyseurs REL.
Des bactéries et de l’oxyde de graphène : un matériau biohybride écologique
Mais les matériaux biohybrides à base de graphène pourraient constituer une alternative peu coûteuse et respectueuse de l’environnement, ont montré Pascal Saikaly et son équipe. Le graphène et l’oxyde de graphène réduit sont hautement conducteurs, robustes sur le plan mécanique et largement disponibles. Cependant, ils ne deviennent des catalyseurs actifs qu’après avoir été dopés avec d’autres éléments, tels que le soufre, le fer, l’azote ou le cuivre.
« Les catalyseurs REL à base de graphène sont généralement développés par des méthodes chimiques, qui nécessitent des conditions de réaction rigoureuses obtenues avec des produits chimiques toxiques abondants et à haute température » explique Shafeer Kalathil, auteur de l’étude. Une alternative plus écologique consiste à utiliser des bactéries pour occuper la surface de l’oxyde de graphène réduit. « Nous avons utilisé la bactérie électrique Geobacter sulfurnucens car elle est non pathogène, riche en protéines contenant du fer et présente en abondance dans la nature ».
Un électrocatalyseur bionique hautement efficace
Lorsque l’équipe a mélangé la bactérie et l’oxyde de graphène dans des conditions sans oxygène, les cellules bactériennes adhéraient à la surface et produisaient des protéines riches en fer, qui interagissaient biochimiquement avec l’oxyde de graphène dans le cadre de leur métabolisme naturel.
En conséquence, l’oxyde de graphène réduit finit par être combiné avec du fer, du cuivre et du soufre ; devenant ainsi un électrocatalyseur REL hautement efficace. Les détails ont été publiés dans la revue Chemistry of Materials.
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« Les éléments apportés par la bactérie ont transformé le graphène catalytiquement inerte en un catalyseur hautement électrocatalytique. L’activité REL des matériaux biohybrides a été supérieure à celle des catalyseurs coûteux des REL à base de métaux » explique Kalathil. Le bonus est la méthode écologique utilisée par l’équipe pour le réaliser.
Saikaly et son équipe travaillent maintenant sur la production et la commercialisation à grande échelle de ce catalyseur biohybride. Ils développent également d’autres types de catalyseurs biohybrides pour d’autres réactions électro-catalytiques importantes, telles que la réaction d’évolution de l’hydrogène et la réduction du dioxyde de carbone.