Des chimistes ont développé un nouveau catalyseur décomposant sélectivement le nylon-6 — un polymère plastique couramment utilisé notamment pour les filets de pêche — en quelques minutes seulement, sans générer de sous-produits nocifs. Cerise sur le gâteau : le processus ne nécessite ni solvants toxiques ni matériaux coûteux ou conditions physicochimiques extrêmes, ce qui le rend idéal pour une application à grande échelle.
Malgré les importants impacts environnementaux, la production mondiale de plastique ne cesse de croître. La production annuelle mondiale est actuellement estimée à 450 millions de tonnes et devrait doubler d’ici 2045. Parmi les plus utilisés figurent les nylons (ou polyamides), qui représentent une production de plus de 8,9 millions de tonnes par an. Cette catégorie de plastique possède une résistance et ainsi une durée de vie excessive, empêchant sa biodégradabilité. En étant rejetés dans l’environnement, ils peuvent persister pendant des milliers d’années, menaçant la vie marine. Les nylons constituent d’ailleurs les polymères les plus couramment retrouvés dans les estomacs des animaux marins.
Le nylon-6 — composant la plupart des filets de pêche — contribue à 10% de la pollution plastique totale des océans et constitue près de 46% du continent de plastique au large du Pacifique. Cette présence massive s’explique par le fait que les filets de pêche perdent en qualité après quelques années d’utilisation. Lorsqu’ils sont trop gorgés d’eau, il devient si difficile de les remonter que beaucoup de pêcheurs les abandonnent tout simplement — sans compter que les nouveaux filets sont incroyablement bon marché. Ils finissent alors souvent sur les plages ou au fond de l’océan. On estime que 600 000 tonnes de filets de pêche sont chaque année abandonnées dans les océans et finissent dans l’estomac des animaux marins. Ils peuvent aussi piéger les animaux marins et détériorer les récifs coralliens.
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« Le monde entier est conscient du problème du plastique », estime l’auteur principal de la nouvelle étude, Tobin Marks, de l’Université Northwestern. Cependant, « le plastique fait partie de notre société, nous en utilisons tellement », ajoute-t-il. Marks et son équipe suggèrent alors de les dégrader et de les recycler par le biais de leur nouveau catalyseur, dont le principal avantage est la dégradation « propre » et ainsi durable. Il ne nécessite pas de solvants ou des conditions physicochimiques extrêmes.
Il est important de savoir que les défauts de gestion marine contribuent à une perte économique de 170 millions d’euros par an (dont 45 millions d’euros pour le secteur de la pêche), selon la Commission Européenne. Les solutions de recyclage durable pourraient non seulement contribuer à préserver les écosystèmes marins, mais également à réduire considérablement ces pertes.
Un rendement de dépolymérisation supérieur à 99%
Les méthodes actuelles de gestion des déchets de nylon-6 consistent principalement à les enfouir dans les décharges. En effet, la dégradation du nylon-6 par le biais de la combustion induit une émission de polluants toxiques (comme les oxydes d’azote) associés à divers effets néfastes sur la santé humaine (décès prématuré et problèmes respiratoires), ainsi qu’une émission de gaz à effet de serre (dont du dioxyde de carbone). Et bien que différents catalyseurs chimiques aient été abordés pour tenter de le dégrader, les processus nécessitaient souvent des conditions extrêmes (hautes températures pouvant aller jusqu’à 350 °C, vaporisation à haute pression, …) et des solvants toxiques. Cela est à la fois coûteux en matière d’énergie et contribue davantage à la pollution environnementale.
Le catalyseur présenté dans la nouvelle étude, publiée dans la revue Chem, vise à surmonter ces défis. Il s’agit d’un métallocène composé d’yttrium et d’ions lanthanides, peu coûteux et abondants sur Terre. À une concentration molaire de seulement 0,04 %, le catalyseur permet une dépolymérisation du nylon-6 à une température de 220 °C, sans solvant. Il s’agit des conditions physicochimiques les plus douces à ce jour pour dégrader ce plastique, permettant un rendement impressionnant supérieur à 99%, et ce sans générer sous-produits toxiques. Le caprolactame, résultant du processus, peut être repolymérisé en nylon-6 de meilleure qualité, très demandé pour sa résistance et sa durabilité. « Le nylon recyclé vaut en réalité plus que le nylon ordinaire », explique Marks. « De nombreuses marques de mode haut de gamme utilisent du nylon recyclé dans leurs vêtements », suggère Marks.
Par ailleurs, le catalyseur est hautement sélectif et dégrade uniquement les polymères de nylon-6 sans détériorer les matériaux environnants. Cela signifie que les industries pourraient l’appliquer à de grands volumes de déchets non triés et économiser des sommes considérables en matière de gestion des déchets. Bien que de nombreux pays disposent de systèmes de triage des déchets, « il faudrait embaucher des humains pour trier tous les déchets afin d’enlever le nylon. C’est extrêmement coûteux et inefficace », explique Marks. « Mais si le catalyseur ne fait que dégrader le nylon et laisse tout le reste derrière lui, c’est incroyablement efficace », ajoute-t-il, sans compter que le recyclage des monomères évite de devoir produire davantage de plastique à partir de zéro (le nylon étant produit à partir de pétrole brut).
L’approche de Marks et son équipe représente une alternative innovante comblant les lacunes des technologies de recyclage actuelles et ciblant un plastique particulièrement difficile à dégrader. Elle aurait d’ailleurs déjà suscité l’intérêt de différents partenaires industriels potentiels, et pourrait à terme contribuer à résoudre une partie du problème mondial de pollution plastique.