Exploiter l’énergie solaire atteignant la terre, via le photovoltaïque, devient un enjeu majeur pour satisfaire la demande toujours plus grande en énergie. La réponse doit être faite de manière durable et écologique, dans le contexte du changement climatique. Malheureusement, les panneaux les plus couramment installés ont un rendement situé entre 13 et 24%, et nécessitent de faire face à la source de lumière. Récemment, des chercheurs de l’Université de Stanford ont conçu une nouvelle lentille optique de forme pyramidale, capable de recueillir et de concentrer efficacement la lumière, quels que soient l’angle d’incidence et l’intensité de la lumière, sur une cellule solaire. Elle capte jusqu’à 90% de la lumière et l’intensité lumineuse de sortie est trois fois supérieure à celle reçue. Des techniques de fabrication simples, peu coûteuses, flexibles et évolutives pour leur mise en œuvre, ouvrent la voie à une révolution dans le monde du photovoltaïque et de la technologie du laser.
Actuellement, un panneau photovoltaïque ne permet pas de transformer toute l’énergie qu’il reçoit en électricité. Outre les déperditions au cours du processus, le rendement du panneau dépend grandement de sa composition, de son orientation et de son inclinaison face à la source de lumière, le Soleil.
Effectivement, la limite théorique du rendement d’un panneau est de 31%. Avec des panneaux solaires au silicium amorphe, le rendement est généralement compris entre 6 et 9%, ce qui est assez faible. Les panneaux polycristallins ont un rendement situé entre 13 et 18%. C’est le type de panneau le plus couramment utilisé. Enfin, avec des panneaux solaires monocristallins, le rendement peut être de 16 à 24%. De plus, une orientation sud et une inclinaison à 30° sont les conditions optimales pour un rendement maximal. Par ailleurs, pour capter autant d’énergie que possible, de nombreux panneaux solaires tournent activement vers le Soleil lorsque ce dernier se déplace dans le ciel. Cela les rend plus efficaces, mais aussi plus coûteux et compliqués à construire et à entretenir, qu’un système stationnaire.
Dans ce contexte, à l’Université de Stanford, la chercheuse en ingénierie Nina Vaidya, et son directeur de thèse Olav Solgaard, professeur de génie électrique, ont conçu une lentille optique en forme de pyramide, pouvant focaliser la lumière du Soleil sous n’importe quel angle sur une cellule solaire, en lui permettant de collecter de l’énergie de manière efficace tout au long de la journée, même sous les nuages. Leur travail est publié dans la revue Microsystems & Nanoengineering.
AGILE : une simplicité trompeuse
L’appareil, que les chercheurs appellent AGILE — pour Axially Graded Index Lens — est d’une simplicité trompeuse. Cela ressemble à une pyramide à l’envers avec la pointe coupée. La lumière pénètre dans le dessus carré et carrelé sous n’importe quel angle et est canalisée vers le bas pour créer un point plus lumineux à la sortie.
Le principe de base derrière AGILE est donc similaire à l’utilisation d’une loupe lorsqu’elle est utilisée pour brûler une feuille sèche par exemple, qui concentre les rayons du Soleil en un point plus petit et plus lumineux. Mais avec une loupe, le point focal se déplace comme le fait le Soleil. Vaidya et Solgaard ont trouvé un moyen de créer une lentille qui capte les rayons sous tous les angles, mais concentre toujours la lumière à la même position de sortie, et sans avoir à déplacer la lentille pour faire face au Soleil.
Ils ont déterminé que, théoriquement, il serait possible de collecter et de concentrer la lumière diffusée à l’aide d’un matériau qui augmente progressivement l’indice de réfraction — une propriété qui décrit la vitesse à laquelle la lumière se déplace à travers un matériau — provoquant la courbure de la lumière vers un point focal. À la surface du matériau (entrée), la lumière changerait à peine de direction. Au moment où elle atteindrait l’autre côté (sortie), elle serait presque verticale et focalisée.
Solgaard déclare dans un communiqué : « Les meilleures solutions sont souvent les idées les plus simples. Un AGILE idéal a, tout à l’avant, le même indice de réfraction que l’air et il augmente progressivement – la lumière suit une courbe parfaitement lisse ».
Pour les prototypes, les chercheurs ont superposé différents verres et polymères qui « plient » la lumière à différents degrés, créant ce que l’on appelle un matériau à indice gradué. Les couches changent la direction de la lumière par étapes au lieu d’une courbe lisse comme ce que la théorie prévoyait. Néanmoins, les auteurs estiment cette conception comme étant la meilleure approximation de « l’AGILE idéal ». Les côtés des prototypes sont en miroir, de sorte que toute lumière allant dans la mauvaise direction est renvoyée vers la sortie.
Vaidya souligne : « L’un des plus grands défis a été de trouver et de créer les bons matériaux ». Effectivement, les couches de matériau du prototype AGILE laissent passer un large spectre de lumière, du proche ultraviolet à l’infrarouge, et plient cette lumière de plus en plus vers la sortie avec une large gamme d’indices de réfraction, jamais vue dans la nature, ni dans l’optique industrielle. Ces matériaux utilisés devaient également être compatibles les uns avec les autres — si un verre se dilatait en réponse à la chaleur à un rythme différent d’un autre, l’ensemble du dispositif pouvait se fissurer — et suffisamment robustes pour être mis en forme et rester durables.
Dans leurs prototypes, les chercheurs ont pu capter plus de 90% de la lumière qui frappe la surface et créer des « taches » à la sortie, trois fois plus lumineuses que la lumière entrante. Installés dans une couche au-dessus des cellules solaires, ils pourraient rendre les panneaux solaires plus efficaces et capter non seulement la lumière directe du Soleil, mais également la lumière diffuse de l’atmosphère, selon les conditions météorologiques et les saisons de la Terre.
Un potentiel à grande échelle
La couche supérieure d’AGILE pourrait remplacer l’encapsulation existante qui protège les panneaux solaires. Cette conception pourrait également éliminer ou réduire le besoin de suivre le Soleil, créer de l’espace pour le refroidissement et les circuits entre les pyramides rétrécies des appareils individuels et, surtout, réduire la quantité de surface nécessaire pour produire de l’énergie — et donc réduire les coûts. Vaidya espère que les lentilles AGILE pourront être utilisées dans l’industrie solaire et dans d’autres domaines, tels que le couplage laser, les technologies d’affichage et l’éclairage à semi-conducteurs (plus économe en énergie que les autres méthodes d’éclairage).
Par ailleurs, les utilisations ne se limitent pas aux installations solaires terrestres : si elle est appliquée à des panneaux solaires envoyés dans l’espace, une couche AGILE pourrait à la fois concentrer la lumière sans suivi solaire et fournir la protection nécessaire contre les radiations.
Finalement, Vaidya conclut : « Pouvoir utiliser ces nouveaux matériaux, ces nouvelles techniques de fabrication et ce nouveau concept AGILE pour créer de meilleurs concentrateurs solaires a été très gratifiant. Une énergie propre abondante et abordable est un élément essentiel pour relever les défis urgents en matière de climat et de durabilité, et nous devons catalyser des solutions d’ingénierie pour en faire une réalité ».