200 grammes de ce nouveau matériau capture autant de CO2 qu’un arbre adulte

Il peut être réutilisé des centaines de fois.

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Structure du nouveau matériau absorbeur de CO2. | Chaoyang Zhao
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Des chercheurs ont développé un matériau poreux permettant de capturer directement le CO2 de l’air ambiant aussi efficacement que les arbres, et ce, sans se dégrader au contact de l’eau ou de l’oxygène – une propriété qui faisait jusqu’à présent défaut à ce type de matériaux. Au cours des essais, 200 grammes de matériau ont suffi à absorber près de 20 kilogrammes de CO2, soit l’équivalent de ce qu’un grand arbre adulte peut capturer en un an. Il peut également libérer facilement le CO2 en étant chauffé à basse température, puis être réutilisé des centaines de fois.

Afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, il faudrait maintenir la concentration de CO2 atmosphérique en dessous de 450 parties par million (ppm). Or, de récentes mesures indiquent que le niveau se situe actuellement autour de 423 ppm, soit 50 % plus élevé qu’avant la révolution industrielle.

Les chercheurs estiment que même si nous parvenons à limiter nos émissions de carbone, il est essentiel de réduire la concentration de CO2 dans l’atmosphère afin de pouvoir tenir les objectifs de l’Accord de Paris. Sans cette réduction, les niveaux de CO2 dans l’air pourraient atteindre rapidement 500 à 550 ppm. Des technologies permettant de capturer directement le carbone dans l’air (DAC) sont proposées à cet effet. « Si nous voulons diminuer la concentration et revenir à 400 ou 300 ppm, nous devons utiliser le captage direct dans l’air », explique dans un article de blog de l’Université de Californie à Berkeley (UC Berkeley) Zihui Zhou, auteur principal de la nouvelle étude.

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Cependant, les technologies actuelles ne sont généralement efficaces que pour les sources à haute teneur en carbone, telles que les rejets de gaz des centrales électriques. D’autre part, les matériaux DAC actuels sont soit instables et se dégradent facilement, soit limités en matière de cycle de réutilisation.

Le nouveau matériau proposé par Zhou et ses collègues serait à la fois beaucoup plus efficace pour capturer le carbone de l’air et nettement plus stable que ceux précédemment proposés. « Je suis très enthousiaste à ce sujet, car il n’existe aucune autre solution comparable en matière de performances. Cela ouvre de nouvelles voies dans nos efforts pour lutter contre le réchauffement climatique », affirme Omar Yaghi de l’UC Berkeley, coauteur principal de l’étude — publiée cette semaine dans la revue Nature.

200 grammes pour capturer autant de CO2 qu’un arbre adulte en un an

Les techniques de capture du carbone consistent généralement à faire passer le gaz à travers des solutions d’amine (NH2) qui absorbent les molécules de CO2. Cependant, ces amines liquides sont non seulement hautement volatiles, mais nécessitent également de grandes quantités d’énergie pour pouvoir évacuer le carbone séquestré et être réutilisées. Afin de surmonter ce problème, Yaghi a exploré différentes structures organométalliques solides et poreuses à base d’amines. L’un d’entre eux, baptisé MOF-808, était prometteur pour la DAC, mais se dégradait après une centaine de cycles d’absorption.

« Le piégeage du CO2 de l’air est un travail très exigeant sur le plan énergétique. Il faut un matériau qui possède une forte capacité de rétention du dioxyde de carbone, qui est très sélectif, qui est stable dans l’eau, stable à l’oxydation et recyclable. En outre, il doit avoir une température de régénération basse et doit être évolutif », explique l’expert.

Dans le cadre de la nouvelle étude, Yaghi et ses collègues ont développé une version plus résistante qu’ils ont appelée COF-999. À l’instar de MOF-808, les pores de cette dernière comportent à l’intérieur des groupements amines permettant de fixer le CO2. Cependant, alors que les MOF sont composés d’atomes métalliques, les COF comportent des doubles liaisons covalentes carbone-carbone et carbone-azote, l’une des liaisons chimiques les plus solides dans la nature. La structure de COF-999 est également idéale pour résister à la dégradation par l’eau, les acides et les composés basiques, le soufre et l’azote — des composés connus pour facilement altérer les matériaux poreux.

Sa conception poreuse permettrait également d’augmenter la surface d’absorption de carbone, de sorte que sa vitesse de capture serait au moins 10 fois plus élevée que celle des précédents matériaux. Lorsque l’équipe l’a exposé (sous forme de poudre) à de l’air chargée de 400 ppm de CO2 dans des conditions ambiantes (25 °C et 50 % d’humidité), il a atteint la moitié de sa capacité d’absorption en 18 minutes et s’est complètement saturé en seulement deux heures. Toutefois, la vitesse d’absorption pourrait être encore plus élevée, car elle dépend aussi de la forme de l’échantillon. En outre, une partie des groupements amines est restée libre de CO2, ce qui signifierait qu’il est possible d’agrandir les pores et doubler ainsi la capacité d’absorption du matériau.

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Le COF-999 sous forme de poudre. © Zihui Zhou/Université de Californie à Berkeley

L’équipe a également testé le matériau en l’enveloppant dans un tube en acier inoxydable de la taille d’une paille et en l’exposant à l’air extérieur de Berkeley pendant 20 jours consécutifs. Au début de l’exposition, la concentration en CO2 de l’air variait entre 410 et 510 ppm. Après 20 jours, les chercheurs n’ont détecté presque aucune trace de CO2.

Le COF-999 peut absorber jusqu’à 2 millimoles de CO2 par gramme. Les experts estiment ainsi que 200 grammes suffiraient donc à absorber 20 kilogrammes de CO2. Par ailleurs, le matériau libère facilement le CO2 en étant chauffé à 60 °C. La première version du COF-999 a pu effectuer 100 cycles d’absorption sans être altérée, tandis qu’une récente version améliorée est restée efficace pendant 300 cycles.

Des défis restent toutefois à surmonter avant de pouvoir fabriquer et utiliser le matériau à grande échelle. De nouvelles installations doivent par exemple être développées afin de filtrer l’air sans disperser la poudre. Néanmoins, l’équipe estime qu’une première version de COF-999 devrait être prête pour les centrales de DAC d’ici deux ans. Les coûts de production et d’installation n’ont pas encore été estimés, mais les chercheurs assurent que leur technologie ne nécessite aucun matériau coûteux ou exotique.

Source : Nature

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