Un nouveau matériau de fabrication basé sur la chitine — l’un des polymères organiques les plus omniprésents sur Terre —, nommé « biolithe martienne », pourrait être utilisé pour construire des outils et des habitats sur Mars. La nouvelle technique de fabrication simple, présentée dans une nouvelle étude réalisée par l’Université de technologie et de design de Singapour (SUTD), offre de nouvelles perspectives encourageantes pour la construction rapide d’habitats de survie sur la planète rouge lors de l’arrivée des premiers colons.
Arriver sur Mars sains et saufs ne constitue que la première étape d’une colonisation viable… La planète est hostile, et le temps est compté pour rapidement construire des abris et mettre en place de quoi survivre (nourriture, eau, protections contre le rayonnement cosmique, etc.). Mais pour construire les premiers abris et fabriquer des outils, les colons n’auront peut-être besoin d’apporter qu’un seul ingrédient clé, les minéraux du sol martien sans vie pouvant faire le reste, selon une nouvelle étude publiée mercredi dans la revue PLOS One.
L’ingrédient clé est la chitine, une substance fibreuse qui est un composant des parois cellulaires des champignons, des exosquelettes des crustacés et des insectes, et des écailles des poissons et des amphibiens. La chitine pourrait être combinée avec le sol de surface martien par les premiers colons afin de fabriquer un nouveau matériau, et ce sans équipement spécial et en utilisant peu d’énergie, ont déclaré les chercheurs.
Des insectes et de l’eau…
La chitine utilisée sur Mars, selon l’étude, pourrait provenir d’insectes. Compte tenu de leur forte teneur en protéines, les insectes pourraient faire partie du régime alimentaire d’une mission avec équipage. Les auteurs ont déclaré que l’extraction de la chitine serait ainsi un sous-produit de l’alimentation et de la consommation de l’équipage.
Pour tester leur théorie, les scientifiques ont combiné le chitosane — un polymère organique fabriqué à partir de crevettes — et un minéral conçu pour imiter les propriétés du sol martien. Le processus de fabrication a fait appel à de l’eau et à quelques éléments chimiques de base. L’eau pourrait être obtenue à partir de la glace de subsurface sur Mars.
L’hydroxyde de sodium pourrait être fabriqué à partir du sol martien. Et l’acide acétique pourrait être produit à partir de la fermentation de microorganismes, comme les déchets alimentaires. « On dirait du béton, mais en beaucoup plus léger. Une roche très légère », a déclaré Javier Fernandez, professeur assistant à la SUTD et co-auteur de l’étude.
Les chercheurs ont ensuite utilisé le matériau pour construire une clé et un modèle réduit d’habitat martien, qui, selon eux, ont démontré que le matériau pouvait permettre la fabrication rapide d’objets tels que des outils de base et des abris rigides.
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La clé fabriquée par les scientifiques n’était pas aussi solide qu’une clé en métal, mais Fernandez a déclaré qu’elle répondait aux critères de la NASA pour les « applications spatiales non critiques ». Fernandez a décrit la recherche comme une preuve de concept. L’équipe n’a cependant pas testé les objets dans des conditions qui imitent l’atmosphère froide et sèche de Mars. « Nous avons un moyen de fabriquer des bâtiments et des outils, de l’impression 3D au moulage, avec un seul matériau ».
« Contrairement à la perception générale, la fabrication bio-inspirée et les matériaux durables ne sont pas une technologie de substitution aux polymères synthétiques, mais une technologie habilitante définissant un nouveau paradigme dans la fabrication, et permettant de faire des choses qui sont inaccessibles aux homologues synthétiques. Nous avons démontré ici qu’ils sont essentiels non seulement pour notre durabilité sur Terre, mais aussi pour l’une des prochaines grandes réalisations de l’humanité : notre transformation en une espèce interplanétaire », déclare Fernandez.
« La technologie a été développée à l’origine pour créer des écosystèmes circulaires dans des environnements urbains, mais en raison de son efficacité, c’est aussi la méthode la plus efficace et la plus évolutive pour produire des matériaux dans un écosystème artificiel fermé, dans l’environnement extrêmement rare d’une planète ou d’un satellite sans vie », conclut-il.