Un nouveau matériau à base de polymère plus transparent que le verre ordinaire évacue plus efficacement la chaleur, de sorte que les pièces sont à la fois plus éclairées et plus confortables sans climatisation. Sa microstructure permet aussi de mieux diffuser la lumière, ce qui lui donne un aspect opaque ou givré offrant ainsi plus de discrétion. Pour couronner le tout, grâce à sa propriété superhyodrophobe, il reste facilement propre.
L’intégration de surfaces transparentes dans les murs et les toits des bâtiments suscite un grand d’intérêt en tant que moyen d’exploiter efficacement la lumière naturelle. Cela offre notamment de nombreux avantages non seulement esthétiques, mais également en matière de consommation énergétique. Cet aspect permet par exemple d’obtenir des certifications de durabilité pour les bâtiments. D’autre part, des études ont rapporté des effets bénéfiques sur le bien-être des occupants.
Cependant, les matériaux en verre traditionnels présentent de nombreuses limitations. Les structures vitrées engendrent par exemple un ensoleillement excessif pouvant entraver le bien-être des occupants des bâtiments. La transparence du verre conventionnel apporte aussi (lorsqu’il s’agit de murs vitrés par exemple) son lot d’inconvénients quant à la discrétion, surtout pour les établissements aux fonctions sensibles tels que les hôpitaux.
Ces matériaux provoquent en outre une accumulation excessive de chaleur, en raison de leur absorption des rayonnements infrarouges. En conséquence, pour leur confort, les bâtiments possédant des toits ou des murs en verre doivent disposer de systèmes de contrôle de la chaleur très efficaces. Ce type d’immeuble consomme d’ailleurs plus d’électricité pour la climatisation que ceux ordinaires.
Afin de surmonter ces limites, des films à base de polymère convertissant la lumière en rayonnements diffus ont notamment été proposés. Ces matériaux donnent au verre un aspect opaque de sorte à réduire à la fois l’ensoleillement excessif et les problèmes d’intimité. Pour atténuer l’accumulation de chaleur, des technologies de refroidissement radiatif passif ont été suggérées. Il s’agit de dispositifs absorbant peu l’énergie du Soleil et pouvant évacuer efficacement la chaleur sous forme de rayonnement infrarouge. Ce dernier agit en quelque sorte comme un dissipateur thermique.
Cependant, malgré les récentes avancées, ces matériaux peinent à répondre simultanément aux problèmes de surexposition à la lumière, de discrétion et d’accumulation de chaleur. Le nouveau matériau multifonction proposé par l’Institut technologique de Karlsruhe (KIT), en Allemagne, permet de surmonter pour la première tous ces défis à la fois, tout en étant en quelques sortes autonettoyant. Il peut être produit notamment sous la forme d’un film souple pouvant être appliqué sur n’importe quel type de verre transparent et présentant une combinaison unique de propriétés faisant défaut à ces derniers.
« Le matériau peut simultanément optimiser l’utilisation de la lumière du soleil à l’intérieur, fournir un refroidissement passif et réduire le recours à la climatisation », explique dans un communiqué du KIT Gan Huang, auteur principal de l’étude, récemment publiée dans la revue Nature Communications. « La solution est évolutive et peut être intégrée de manière transparente dans les plans de construction de bâtiments et de développement urbain respectueux de l’environnement », a-t-il ajouté.
Un refroidissement de 6 °C par rapport à la température extérieure
Baptisé métamatériau multifonctionnel microphotonique à base de polymère (PMMM), le nouveau film développé par l’équipe du KIT possède une microstructure de surface à motif de pyramides mesurant chacune 10 micromètres de long (soit le dixième du diamètre d’un cheveu). Cette conception lui permet de diffuser efficacement la lumière, d’effectuer un refroidissement radiatif tout en conservant un haut niveau de transparence.
« Une caractéristique clé du matériau est la capacité de rayonner efficacement la chaleur à travers la fenêtre de transmission infrarouge à ondes longues de l’atmosphère terrestre, libérant ainsi de la chaleur dans l’étendue froide de l’Univers », indique le coauteur principal de l’étude, Bryce S. Richards. « Cela permet un refroidissement radiatif passif sans consommation d’électricité », affirme-t-il.
D’autre part, sa microstructure en pyramide le rend superhydrophobe avec un angle de contact de 152° contre 26° pour le verre conventionnel. Cela permet notamment de maintenir une couche d’air permanente à sa surface de sorte que les gouttelettes d’eau perlent au lieu d’y adhérer, comme sur les feuilles de lotus notamment. En perlant, ces gouttes capturent la poussière et autres impuretés, rendant ainsi le matériau autonettoyant.
Afin de tester le matériau, les chercheurs ont effectué des expériences à ciel ouvert dans des conditions extérieures réelles. Sa capacité à diffuser et à réfléchir la lumière, ainsi que ses performances de refroidissement, ont été mesurées par le biais d’une spectrophotométrie.
Il a été constaté que le matériau présente une transmission spectrale (ou une transparence) étonnamment plus élevée que le verre ordinaire (95 % contre 91 % pour le verre ordinaire). Selon les experts, ce niveau de transparence est non seulement bénéfique pour les résidents des bâtiments, mais également pour les plantes d’intérieur. En effet, il permettrait d’augmenter de 9 % l’efficacité photosynthétique de ces dernières par rapport à celles placées à l’intérieur de serres conventionnelles.
De plus, malgré cette transparence, il disperse la lumière entrante avec une efficacité de 73 %, lui donnant ainsi un aspect opaque ou givré. Plus étonnant encore, les essais ont montré que le PMMM permet d’obtenir un refroidissement de 6 °C par rapport à la température extérieure — ce qui pourrait réduire considérablement les coûts énergétiques liés à la climatisation. « Notre matériau nouvellement développé a le potentiel d’être utilisé dans divers domaines et apporte une contribution significative à une architecture durable et économe en énergie », conclut Richards.