Des chercheurs de l’Université de Rochester, avec le soutien financier de l’armée américaine, ont développé un tout nouveau matériau capable de purifier l’eau contaminée à partir d’énergie solaire. Le dispositif a été conçu pour que les soldats sur le terrain puissent disposer d’eau potable à tout moment. Il pourrait également être d’une grande aide pour les quelque 2,1 milliards de personnes dans le monde qui n’ont toujours pas d’eau potable à domicile.
L’objet en question est un « simple » panneau en aluminium ; grâce à un traitement spécifique au laser, ce matériau affiche à la fois une super capacité d’absorption de l’eau et un haut pouvoir d’absorption de la lumière. Le processus est, en outre, tout à fait respectueux de l’environnement.
De l’aluminium gravé pour un rendement maximum
Le Dr Evan Runnerstrom, gestionnaire du programme à l’Army Research Office, souligne que ces deux propriétés combinées de super-absorption d’eau et de lumière permettent une purification de l’eau passive, ou à faible puissance, pour mieux soutenir les combattants sur le terrain. « Il s’agit d’un moyen simple, durable et peu coûteux de faire face à la crise mondiale de l’eau, en particulier dans les pays en développement », ajoute Chunlei Guo, professeur d’optique à l’Université de Rochester.
Pour conférer ce double pouvoir d’absorption à une feuille d’aluminium ordinaire, les chercheurs ont développé une nouvelle technologie, qui consiste à appliquer une rafale d’impulsions laser femtoseconde (ultra-courtes) pour en graver la surface.
Puis, lorsque le panneau en aluminium est plongé dans l’eau selon un angle face au soleil, il absorbe une fine pellicule d’eau vers le haut, sur la surface du métal. Dans le même temps, la surface noircie conserve près de 100% de l’énergie qu’elle absorbe du soleil, pour chauffer l’eau rapidement. Enfin, les structures de surface à effet de mèche modifient les liaisons intermoléculaires de l’eau, de façon à augmenter encore l’efficacité du processus d’évaporation.
Pour finir, ces trois éléments réunis permettent au dispositif d’afficher un taux d’évaporation qui dépasse celui d’un appareil idéal fonctionnant à 100% d’efficacité ! Selon les chercheurs, ce rendement exceptionnel résulte d’une réduction de l’enthalpie de vaporisation au niveau des microcapillaires. En effet, le contact limité entre l’absorbeur solaire et l’eau lors de son transport minimise les pertes de chaleur et maximise la localisation de chaleur à la surface du matériau.
La méthode réduit la présence de tous les contaminants courants, tels que les détergents, les colorants, l’urine, les métaux lourds et la glycérine, à des niveaux sans risque pour la consommation ; ces niveaux se situent même bien en dessous des normes définies par l’OMS et l’EPA (l’Agence américaine de protection de l’environnement), selon les chercheurs.
Une solution à la crise mondiale de l’eau ?
On sait depuis longtemps que faire bouillir l’eau permet d’éliminer la plupart des agents pathogènes microbiens – et de ce fait, permet de réduire les décès dus aux infections diarrhéiques dans les pays en développement. Toutefois, cette méthode simple ne permet pas d’éliminer les éventuels métaux lourds ou autres polluants industriels, domestiques et agricoles contenus dans l’eau. La purification par évaporation permet justement de régler le problème, car la quasi-totalité des impuretés est éliminée au moment où l’eau passe à l’état gazeux. Le principe est le suivant : sous l’effet de la chaleur, l’eau s’évapore (sans emmener avec elle les agents contaminants), puis elle est collectée après condensation.
La méthode la plus courante pour évaporer de l’eau à l’énergie solaire vise à chauffer par le bas un grand volume d’eau ; mais dans ce cas, l’évaporation se produit à l’interface eau-air, entraînant des pertes thermiques inutiles. Comme le soulignent les chercheurs dans leur rapport, la méthode est donc peu rentable (seule une petite fraction de l’énergie de chauffage est utilisée).
Une autre approche, plus efficace, dénommée évaporation interfaciale, consiste à placer des matériaux absorbants directement au-dessus de l’eau, de sorte que la génération de chaleur et le processus d’évaporation se produisent au même endroit. Mais ici, les matériaux doivent tous être positionnés horizontalement, juste au-dessus de l’eau, et ne peuvent donc pas faire face au soleil. En outre, les mèches absorbantes sont rapidement obstruées par les contaminants laissés par l’évaporation, ce qui nécessite un remplacement fréquent des matériaux.
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Le panneau en aluminium développé cette fois par les chercheurs contourne toutes ces difficultés en absorbant une fine couche d’eau hors du réservoir, puis en intégrant le chauffage et le processus d’évaporation directement sur la surface de l’absorbeur solaire. De plus, les chercheurs précisent que compte tenu des canaux capillaires ouverts, la surface de l’appareil peut être facilement nettoyée et réutilisée. Mais le plus gros atout de ce dispositif est que l’orientation des panneaux peut être ajustée en continu pour faire face au soleil en permanence, du lever au coucher, ce qui maximise l’absorption d’énergie.
Si le matériau a surtout été conçu pour un usage militaire, il est clair que la technologie pourrait également être fort utile dans les pays développés pour soulager les pénuries d’eau (dans les zones frappées par la sécheresse ou par des catastrophes naturelles qui limitent l’accès à l’eau potable) ; elle pourrait également être intégrée aux nombreux projets de dessalement de l’eau qui sont en cours de développement.