Il s’agit du quatrième minéral terrestre le plus abondant, mais on n’en avait jamais vu… jusqu’à aujourd’hui ! Appelé davemaoïte pour l’occasion, le minéral — de formule chimique CaSiO3 — a été décrit le 11 novembre dans la revue Science par une équipe de chercheurs américains. Fait insolite : il a été découvert dans un diamant ! Constituant environ 5% du manteau inférieur — la couche de roches qui s’étend sous nos pieds entre 660 et 2900 km de profondeur, la davemaoïte est connue de longue date des géologues, mais n’avait pas encore été observée en surface, car son existence nécessite de très hautes pressions.
Observée pour la première fois en surface, la Ca-pérovskite change de nom et devient… la davemaoïte ! Présentée comme un nouveau minéral dès octobre 2020 sous le nom IMA2020-012a, la découverte devait attendre une publication scientifique pour être reconnue. C’est chose faite depuis le 11 novembre, date à laquelle la revue Science a dévoilé l’étude de l’équipe d’Oliver Tschauner caractérisant la davemaoïte.
Trouvée dans l’inclusion d’un diamant extrait à Orapa, la plus grande mine de diamant du monde située au centre du Botswana, la davemaoïte tire son nom du géologue sino-américain Ho-Kwang (Dave) Mao, en raison de ses contributions importantes à la géophysique du manteau terrestre.
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Le nouveau minéral diffère de la wollastonite, roche commune à la surface de la Terre partageant la même formule CaSiO3, par sa structure cristalline particulière. Il s’agit d’une pérovskite cubique, formée et normalement uniquement trouvée à très haute pression. Les pérovskites sont une famille de minéraux partageant la même structure cristalline, qui comptent parmi eux les constituants principaux du manteau terrestre.
En effet, le manteau inférieur (de 660 à 2900 km de profondeur), solide, contient environ 5% de davemaoïte, 20% de magnésiowüstite (Mg,Fe)O et 75% de bridgmanite (Mg,Fe)SiO3. Ce dernier minéral est également une pérovskite, et accessoirement le minéral terrestre le plus commun : il occupe à lui seul plus de 40% du volume de la Terre ! Pourtant, il a fallu attendre 2009 pour le découvrir à l’état naturel, sous la forme d’une inclusion microscopique dans une météorite. Comment expliquer que des roches si communes soient finalement si rares ?
Derrière ce paradoxe apparent se cache une réalité dont nous n’avons pas forcément conscience, dans notre monde aux conditions physico-chimiques finalement très homogènes : un minéral se caractérise par une composition atomique spécifique, et par l’agencement particulier de ses atomes entre eux. Un minéral n’existe donc que sous certaines conditions de pression et de température, au-delà desquelles sa structure cristalline, et donc sa nature, change. En remontant des conditions dantesques régnant à des centaines de kilomètres de profondeur, la grande majorité des roches changent progressivement, pour se muer en banales roches de surface à la fin de leur parcours.
Les diamants à la rescousse
C’est là qu’interviennent les diamants. Par leur élasticité très limitée, ils permettent de maintenir à haute pression des minéraux qu’ils contenaient lors de leur formation, même une fois en surface. C’est pourquoi les géologues s’intéressent de près aux inclusions des diamants « super-profonds », formés entre 230 et 800 km de profondeur, pour étudier le manteau inférieur et la zone de transition du manteau supérieur au manteau inférieur, encore mal comprise, qui s’étend entre 410 et 660 km de profondeur. Ainsi, en 2018, de la Ca-pérovskite avait déjà été observée sous forme impure dans un diamant sud-africain super-profond, formé dans le manteau inférieur.
Le diamant hôte de la davemaoïte botswanaise est de type IaAB, classique en Afrique australe. En plus de la davemaoïte, il contenait des inclusions de glace VII — une forme cristalline de glace formée à très haute pression, de fer, de wüstite et d’ilménite.
En déterminant les conditions de pression et de température ayant pu mener à ces inclusions, les chercheurs ont montré que le diamant s’était formé à environ 30 GPa de pression et 1500 °C. Bien au-delà des 23 GPa qui marquent le début, à 660 km de profondeur, du manteau inférieur : on serait plutôt aux alentours de 900 km de profondeur !
Poubelle et radiateur du manteau inférieur
Malheureusement, le minéral nouvellement nommé tient un rôle ingrat dans le manteau inférieur… À l’instar du grenat dans le manteau supérieur, il fait office de « poubelle » ! De fait, sa structure cristalline permet à son atome de calcium d’être facilement remplacé par des terres rares ou encore des éléments radioactifs, principaux responsables de la production de chaleur dans le manteau. Ces atomes ne sont pas capables de s’intégrer au réseau cristallin des deux autres minéraux du manteau inférieur, et finissent donc invariablement dans la davemaoïte, poubelle et radiateur du manteau inférieur.