Plus de 20 ans après la découverte de l’accélération de l’expansion de l’Univers, les scientifiques sont toujours face à une impasse concernant l’origine de ce phénomène. Plusieurs explications ont été avancées, dont l’existence d’une énergie hypothétique remplissant l’Univers : l’énergie noire (ou énergie sombre). Jusqu’à aujourd’hui, la nature de cette composante est encore inconnue, mais un nouveau modèle d’Univers présenté par des théoriciens suédois, et intégrant l’énergie noire, propose une nouvelle façon de décrire l’accélération de l’expansion de l’Univers.
En 1998, les cosmologistes Saul Perlmutter et Adam Riess montrent que l’Univers est en expansion accélérée. Pour expliquer cette accélération, quelques mois après, D. Huterer et M. S. Turner publient un modèle impliquant une forme d’énergie hypothétique : l’énergie noire. Dans le modèle standard de la cosmologie, l’énergie noire représente environ 70% de la densité d’énergie totale de l’Univers.
Présente en tout point de l’Univers, et possédant une pression négative — c’est-à-dire un effet de répulsion plutôt qu’un effet d’attraction comme la gravité, la nature de l’énergie noire demeure toujours inconnue.
Pour certains cosmologistes, l’énergie noire ne serait autre que la constante cosmologique introduite par Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Mais il existe d’autres modèles impliquant soit de nouvelles particule, soit l’ajout de nouveaux champs : quintessence, gravité f(R), théorie du gaz de Chaplygin, etc.
L’accélération de l’expansion de l’Univers dans le cadre de la théorie des cordes
La théorie des cordes offre également un certain nombre de modèles d’Univers en expansion accélérée. Dans le cadre de cette théorie, en plus des trois dimensions spatiales de la relativité générale, l’Univers contient des dimensions supplémentaires au nombre de 6 ou 7 selon la théorie considérée (théorie des supercordes ou théorie M).
Ces dimensions supplémentaires sont compactées à l’échelle de Planck, selon différentes configurations dépendant à la fois de la géométrie de la brane — l’objet sur lequel est situé notre Univers — et de la dynamique des champs quantiques sur cette brane. L’ensemble de ces configurations donne différents états du vide — appelés solutions — dont la plupart comportent une valeur de l’énergie du vide compatible avec le phénomène d’accélération de l’expansion.
Cependant, ce « paysage de cordes » (en anglais strings landscape), le nom donné à toutes ces solutions, est critiqué par une partie de la communauté scientifique pour son inconsistance mathématique ; plus précisément à cause du trop grand nombre de configurations d’Univers généré par la théorie — au moins 10100, si ce n’est 10500.
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D’autant plus qu’en juin 2018, une série d’articles rédigés sous la direction du physicien Cumrun Vafa de l’université Harvard, et discutés lors de la conférence Strings 2018 au Japon, pointaient du doigt les incohérences de la grande majorité des solutions issues de la théorie. Celles-ci étant, selon les auteurs, incompatibles avec l’existence d’une énergie noire stable et de densité constante, comme semblent le suggérer les observations menées depuis 1998.
Bulle d’Univers et dimension supplémentaire : un nouveau modèle d’Univers en expansion accélérée
Néanmoins, des physiciens théoriciens de l’université d’Uppsala, en Suède, proposent aujourd’hui un nouveau modèle issu de la théorie des cordes, s’accommodant des contraintes physico-mathématiques imposées par les observations et contournant les critiques exposées dans les articles de Vafa. Le modèle a été publié dans la revue Physical Review Letters.
Dans la majorité des solutions issues de la théorie des cordes, l’Univers est décrit comme un Univers anti de Sitter. Il s’agit d’un modèle cosmologique — solution aux équations de la relativité générale — dans lequel l’Univers est homogène et isotrope, vide de matière et comportant une constante cosmologique négative.
Cependant, d’après les observations des missions WMAP, Planck et HOLiCOW, l’Univers semble, au contraire, comporter une constante cosmologique positive, correspondant ainsi à un modèle appelé Univers de de Sitter. Dans leur article, les physiciens suédois proposent de résoudre ce problème en montrant que la dynamique physique de notre Univers provient en réalité de la dégénérescence d’un espace anti de Sitter en 5 dimensions.
Cette « transformation » de l’espace anti de Sitter 5D originel aurait pour effet l’apparition d’un vrai vide, et donc d’une constante cosmologique positive, dans un espace de de Sitter en 4 dimensions correspondant à la brane sur laquelle notre Univers repose.
En d’autres mots, le passage d’un espace anti de Sitter en 5D à un espace de de Sitter en 4D correspond, pour un observateur en 4D, à l’émergence d’une constante cosmologique positive, et donc à une expansion accélérée de l’Univers.
Physiquement, cela se matérialise par une bulle en expansion (en réalité il s’agit de la nucléation du vide, c’est-à-dire d’une bulle de vide) à la périphérie de laquelle repose notre Univers. En outre, l’expansion ne se déroule plus en 4D mais en 5D, c’est-à-dire au sein d’une dimension supplémentaire.
Les cordes, qui sont dans le cadre de la théorie des cordes à l’origine des particules et donc de la matière et du rayonnement, s’étendent également à travers cette dimension supplémentaire ; la matière que nous observons correspond ainsi aux extrémités des ces cordes.
Notre univers serait donc situé sur une bulle extra-dimensionnelle (5D) en expansion, dont nous ne percevrions — pour des raisons physiques liées au passage d’un espace anti de Sitter à un espace de de Sitter — que 4 dimensions, dont 3 dimensions spatiales en expansion accélérée.
Ce modèle, bien que purement spéculatif, offre une nouvelle manière de décrire l’expansion de l’Univers dans le cadre de la théorie des cordes, et suggère également l’existence d’un multivers dans lequel d’autres bulles existeraient.