Un nouveau nanomatériau ultra-léger extrait 3 fois son poids en eau de l’air

Une possibilité d’application directe dans les régions manquant d’accès à l’eau potable.

nanomateriau absorbe eau air
| Pixabay
⇧ [VIDÉO]   Vous pourriez aussi aimer ce contenu partenaire

Une équipe internationale de chercheurs a développé un nanomatériau ultra-léger capable d’extraire de l’air plus de trois fois son poids en eau, et ce, bien plus rapidement que les technologies existantes. Il s’agit d’un aérogel d’oxyde de graphène enrichi en ions calcium, dont la structure a été optimisée afin de démultiplier sa capacité d’absorption. Cette technologie pourrait, à terme, être déployée dans les régions souffrant d’un accès limité à l’eau potable.

D’après un rapport des Nations unies, près de 2,2 milliards de personnes dans le monde n’ont pas accès de manière sûre à l’eau potable. Or, au-delà des sources terrestres comme les lacs et les rivières, l’eau est présente dans presque tous les milieux naturels. On estime, par exemple, que l’atmosphère contient environ 13 millions de gigalitres d’eau en suspension. Bien que cela ne représente qu’une fraction des ressources mondiales en eau douce, cette quantité demeure substantielle et pourrait être exploitée.

Pour surmonter les défis liés à l’approvisionnement en eau potable, des technologies capables d’extraire l’eau de l’air font l’objet de recherches depuis quelques années. Elles reposent généralement sur des interfaces solide-liquide s’appuyant sur les liaisons hydrogène pour capturer les molécules d’eau. Cependant, les propriétés de ces structures sont mal comprises, ce qui freine les efforts visant à en améliorer l’efficacité.

De récentes études ont démontré que les capillaires de graphène — un réseau bidimensionnel d’atomes de carbone d’un seul atome d’épaisseur — dotés de réseaux de liaisons hydrogène, constituent des matériaux prometteurs pour la captation de l’humidité atmosphérique. L’oxyde de graphène, en particulier, a révélé un fort potentiel en matière d’adsorption de la vapeur d’eau.

Un haut potentiel pour collecter d’humidité atmosphérique

La nouvelle étude, co-dirigée par le Centre d’excellence pour la science et l’innovation du carbone du Conseil australien de la recherche (ARC COE-CSI), s’efforce de perfectionner l’oxyde de graphène pour en accroître davantage la capacité d’adsorption. « Nous avons découvert les fondements scientifiques du processus d’adsorption d’humidité et le rôle des liaisons hydrogène », explique dans un communiqué Liming Dai, directeur du COE-CSI et co-auteur de l’étude.

« Ces connaissances contribueront à fournir de l’eau potable à une grande partie des 2,2 milliards de personnes qui n’y ont pas accès, démontrant ainsi l’impact sociétal des recherches collaboratives menées par notre centre », ajoute-t-il.

La majorité des environnements aqueux contient des cations, des ions chargés positivement. Toutefois, les précédentes technologies d’interface carbone-oxygène conçues pour l’extraction d’eau opéraient principalement en l’absence de cations — une limite pour leur efficacité. L’équipe de recherche s’est tournée vers l’oxyde de graphène, non seulement pour son fort potentiel d’adsorption de la vapeur d’eau, mais aussi pour sa capacité à être facilement intercalé avec des cations. Pour déterminer la structure la plus efficace, les scientifiques ont mené des modélisations complexes à l’aide du supercalculateur de l’Infrastructure informatique nationale australienne (NCI), à Canberra.

Calcium et oxygène : une synergie clé pour l’absorption d’eau

« Les simulations réalisées sur le superordinateur ont permis de décrypter les interactions synergiques complexes à l’échelle moléculaire. Ces données nous aident désormais à concevoir des systèmes encore plus performants pour la production d’eau atmosphérique, offrant une solution durable au défi croissant de la disponibilité de l’eau douce en Australie et dans le monde entier », souligne Amir Karton, professeur à l’Université de Nouvelle-Angleterre et coauteur de l’étude.

Le calcium, reconnu pour ses propriétés d’adsorption de l’eau, a été intégré à la structure d’oxyde de graphène sous forme d’ions. La capacité d’adsorption de ce type de matériau dépend de la force ou de la stabilité des liaisons hydrogène. Or, selon les résultats publiés dans la revue PNAS, l’introduction d’ions calcium a considérablement accru cette capacité.

D’après les chercheurs, cela est dû à une interaction synergique entre les ions calcium et les atomes d’oxygène, qui renforce la stabilité des liaisons hydrogène entre les molécules d’eau et le calcium. « Nous avons mesuré la quantité d’eau adsorbée sur l’oxyde de graphène seul et nous avons mesuré X. Nous avons mesuré la quantité d’eau adsorbée sur le calcium lui-même et nous avons obtenu Y. Lorsque nous avons mesuré la quantité d’eau adsorbée sur l’oxyde de graphène intercalé avec le calcium, nous avons obtenu bien plus que X + Y », explique Xiaojun Ren, de l’École des sciences et de l’ingénierie des matériaux de l’Université de Nouvelle-Galles du Sud (UNSW), premier auteur de l’étude.

nanomateriau eau
Xiaojun Ren, premier auteur de l’étude, tenant le nouvel aérogel d’oxyde de graphène. © Université de Nouvelle-Galles du Sud.

Un aérogel ultraléger pour condenser l’humidité

Pour accroître encore la capacité d’absorption du matériau, les chercheurs l’ont transformé en aérogel, l’un des solides les plus légers connus. Leur légèreté est due à la présence de pores nanométriques ou micrométriques. Cette structure spongieuse favorise en outre les processus d’adsorption et de désorption.

graphene eau
Caractérisation de l’oxyde graphène intercalé de Calcium (Ca-GOA). ( A ) Image de microscopie électronique à balayage (MEB) de la structure globale de Ca-GOA. ( B ) Image MEB de Ca-GOA montrant des rides typiques. ( C ) Image MEB de Ca-GOA avec spectroscopie dispersive en énergie (EDS) montrant des images élémentaires de carbone, d’oxygène et de calcium. © Ren et al.

Selon les experts, le matériau peut absorber plus de trois fois son poids en eau, et cela bien plus rapidement que le graphène standard. Il suffit ensuite de le chauffer à environ 50 °C pour libérer l’eau qu’il a absorbée.

Selon Rakesh Joshi, de l’UNSW et également co-auteur de l’étude : « notre technologie sera applicable dans toutes les régions où l’humidité est suffisante mais où l’accès à l’eau potable est limité. » Le matériau demeure toutefois à un stade de développement préliminaire, et des travaux supplémentaires seront nécessaires avant toute mise en œuvre pratique.

Source : PNAS
Laisser un commentaire