Un nouveau plastique qui se dissout rapidement dans l’eau salée et ne laisse aucun microplastique

Aussi solide qu’un plastique classique, mais il se dissout en moins de 9 heures dans l’eau de mer.

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Vue d'artiste du nouveau plastique montrant les liaisons fortes et comment elles se brisent une fois le plastique immergé dans l'eau salée. | RIKEN
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Des chercheurs japonais ont mis au point un nouveau polymère plastique, à la fois aussi résistant que le plastique conventionnel et capable de se dégrader rapidement (moins de neuf heures) au contact de l’eau de mer. La structure moléculaire du matériau repose sur des liaisons covalentes équipées d’un « verrou » chimique actif dans des conditions ordinaires, mais qui se désactive en présence de sel. Ce mécanisme déclenche sa dégradation en sous-produits inoffensifs pour l’environnement, et potentiellement réutilisables. Une avancée double qui contribuerait à réduire à la fois les émissions de gaz à effet de serre liées à l’incinération des plastiques et la prolifération des microplastiques.

Les matériaux plastiques sont omniprésents dans notre quotidien. Ils doivent cette ubiquité à des propriétés mécaniques exceptionnelles, qui allient souplesse et robustesse. Cette solidité provient de la force des liaisons covalentes qui maintiennent ensemble les chaînes de polymères. « Les plastiques, en particulier le polyéthylène téréphtalate, utilisé dans les bouteilles, sont particulièrement polyvalents. Ils sont souples, mais solides, durables et recyclables. Difficile de faire mieux que cette commodité », explique Takuzo Aida, directeur du Centre RIKEN pour les sciences de la matière émergente, au Japon.

Mais cette même solidité confère aussi aux plastiques une longévité problématique : ils peuvent persister des dizaines, voire des centaines d’années dans l’environnement, s’accumulant dans les décharges, les sols, et les milieux marins. Leur dégradation partielle aboutit souvent à la formation de microplastiques, fragments infimes qui exacerbent leur dispersion.

Aujourd’hui, les microplastiques se retrouvent partout dans la nature, jusque dans les milieux les plus inaccessibles – du sommet de l’Everest à la fosse des Mariannes. Ils s’infiltrent aussi à l’intérieur des organismes vivants, y compris humains : on en détecte désormais dans le sang, les poumons, ou encore le cerveau. Si leurs effets sur la santé ne sont pas encore totalement élucidés, leur omniprésence en fait un sujet croissant de préoccupation en santé publique.

Pour tenter d’y remédier, l’équipe dirigée par Takuzo Aida a conçu un matériau plastique supramoléculaire, combinant la robustesse des polymères classiques à une capacité de dégradation rapide en milieu marin. « Dans ce travail, nous décrivons la synthèse non covalente de plastiques inédits, mécaniquement résistants, mais métabolisables dans des conditions biologiques pertinentes grâce à leur nature dissociative avec les électrolytes », précisent les chercheurs dans leur étude, publiée dans la revue Science.

Des « verrous » chimiques qui se désactivent en présence de sel

Depuis plusieurs années, les plastiques dits biodégradables sont régulièrement présentés comme une alternative plus vertueuse. Pourtant, leur mise en œuvre reste semée d’embûches. La vitesse de dégradation et les conditions nécessaires à celle-ci posent souvent problème. Certains génèrent des sous-produits nuisibles ; d’autres ne se décomposent que sous l’action de solvants spécifiques ou à haute température, des procédés énergivores.

Ainsi, bien que le polylactide (PLA), un plastique censé se biodégrader dans les sols, soit largement utilisé, des analyses ont mis en évidence sa présence intacte dans l’océan. Dans les conditions environnementales réelles, sa dégradation s’avère trop lente. Il se transforme alors en microplastiques, insensibles aux bactéries, champignons ou enzymes naturels.

Les polymères supramoléculaires pourraient offrir une réponse à ce défi. À la différence des polymères classiques, ces matériaux sont constitués de liaisons non covalentes, moins stables, réversibles, comparables à des notes autocollantes que l’on peut fixer et retirer, explique Takuzo Aida. Cette architecture leur confère des propriétés intéressantes comme l’autoréparation et une grande facilité de recyclage via des solvants capables de dissocier les liaisons.

Mais cette réversibilité est aussi leur faiblesse : les matériaux supramoléculaires se dégradent souvent trop rapidement, limitant leur potentiel d’usage. Pour dépasser cette contrainte, les chercheurs ont testé des milliers de combinaisons moléculaires, à la recherche d’une formulation à la fois robuste et aisément dégradable sans résidus toxiques. « Cribler des molécules, c’est un peu comme chercher une aiguille dans une botte de foin, mais nous avons trouvé la combinaison très tôt, ce qui nous a donné à penser que la méthode pourrait fonctionner », se réjouit le chercheur.

Pour que ce nouveau plastique soit aussi polyvalent que les matériaux conventionnels, il devait résister à l’eau douce. Les scientifiques ont donc mis au point un procédé permettant de verrouiller les liaisons moléculaires, lesquelles ne peuvent être rompues que par une « clé » spécifique : le sel. En d’autres termes, le matériau reste intact en conditions normales, mais se décompose rapidement une fois immergé en milieu marin.

La combinaison de deux éléments s’est révélée décisive : l’hexamétaphosphate de sodium, un additif alimentaire courant, et des monomères à base d’ions guanidinium, que l’on retrouve dans les engrais et amendements de sol. Ces composés forment entre eux des liaisons réticulées robustes, mais sensibles aux électrolytes salins.

Une dégradation complète en moins de 9 heures

Les chercheurs ont préparé des feuilles de ce nouveau plastique en mélangeant les composés dans de l’eau. Le mélange a spontanément donné naissance à deux phases distinctes : une couche aqueuse supérieure et une couche visqueuse inférieure, cette dernière renfermant les structures supramoléculaires liées par des ponts salins. Une fois extraite et séchée, cette substance est devenue un plastique résistant, semblable aux matériaux classiques, mais ininflammable, incolore et transparent.

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Un échantillon du nouveau plastique biodégradable. © RIKEN.

Les tests ont montré que ce plastique se dégrade bel et bien au contact de l’eau salée : les électrolytes rompent les ponts salins moléculaires. En moyenne, les feuilles se décomposent en l’espace de huit heures et demie. Le matériau peut être rendu imperméable pour certaines applications en y ajoutant un revêtement hydrophobe. Toutefois, dès que ce revêtement est endommagé, la dissolution reprend rapidement.

Autre atout notable : les produits de dégradation sont écologiquement utiles. Ils contiennent notamment de l’azote et du phosphore, assimilables par les micro-organismes et les plantes en tant que nutriments. Les chercheurs appellent cependant à une vigilance : ces nutriments, s’ils sont relâchés en trop grande quantité, peuvent perturber les écosystèmes côtiers et favoriser la prolifération d’algues nuisibles. Idéalement, la gestion de ces plastiques devrait être confiée à des centres de recyclage spécialisés, capables soit de réutiliser les matériaux, soit de contrôler les flux de dégradation de manière responsable.

Source : Science

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