Alors que le télescope James Webb est opérationnel depuis six mois à peine, la NASA travaille déjà sur un autre ambitieux projet de télescope spatial, baptisé Habitable World Observatory (HWO). Comme son nom l’indique, ce dernier sera essentiellement chargé de rechercher des signes de vie sur des planètes semblables à la Terre. De nombreux aspects du projet restent à définir, mais l’Agence spatiale prévoit une mise en fonction pour le début des années 2040.
Avec l’Habitable World Observatory (HWO), la NASA répond à la plus grande priorité énoncée dans la dernière enquête décennale d’astronomie, chargée d’établir des recommandations de financement pour les dix prochaines années de recherche en astronomie et en astrophysique. Objectif : lancer un nouveau programme de grands observatoires, tels que ceux des années 1990 et 2000, qui ont donné naissance aux télescopes Hubble, Spitzer, Chandra et Compton — des instruments qui ont tous permis d’incroyables découvertes.
Cet ambitieux projet, estimé à plusieurs milliards de dollars, a été évoqué lors d’une récente réunion de l’American Astronomical Society. Il est prévu que cet observatoire soit installé, comme le James Webb, en orbite autour du point de Lagrange L2 du système Soleil-Terre, à environ 1,5 million de kilomètres de la Terre. Mais contrairement à James Webb, le HWO sera conçu de manière à ce qu’il puisse être réparé et mis à niveau par des robots. Ceci lui permettra, en théorie, de fonctionner pendant plusieurs décennies, tout en étant de plus en plus performant : les miroirs et la structure resteront sans doute inchangés, mais des outils d’observation et d’analyse de plus en plus sophistiqués viendront remplacer les différents instruments, à mesure des progrès scientifiques.
Tirer parti des télescopes spatiaux actuels et futurs
Le rapport de l’étude décennale, publié en novembre 2021, évoquait un télescope spatial de 11 milliards de dollars et de 6 mètres, observant dans la partie visible du spectre. En dehors d’activités d’astrophysique générale, l’engin devait être capable de détecter des signes de vie sur les exoplanètes les plus proches de la Terre.
La NASA avait suggéré plusieurs concepts de télescope pour répondre à la demande : le premier est un observatoire à miroir monolithique de 4 mètres, appelé Habitable Exoplanet Observatory (HabEx), doté d’une sorte de pare-soleil flottant à plus de 100 000 kilomètres, chargé de masquer la lumière d’une étoile pour pouvoir mieux observer ses planètes ; le second est un observatoire à miroirs segmentés (comme James Webb) de 15 mètres (soit plus du double de James Webb), baptisé Large UV Optical Infrared Surveyor (LUVOIR).
Finalement, le HWO sera probablement un « mix » de ces deux propositions. Selon Scott Gaudi, l’un des concepteurs de HabEx, le HWO « ne contient aucune technologie qui n’ait déjà été envisagée pour HabEx ou LUVOIR », rapporte le magazine Science. Il sera notamment équipé de miroirs segmentés identiques à ceux utilisés pour le James Webb. Si certaines astronomes pensent qu’un miroir monolithique diffuserait moins de lumière, une structure segmentée présente l’avantage de pouvoir être facilement agrandie si la science l’exige, souligne Mark Clampin, directeur de la division astrophysique de la NASA.
Le HWO sera également doté d’un coronographe identique à celui de l’observatoire Nancy-Grace-Roman — un télescope spécialisé dans la recherche d’énergie noire et la détection d’exoplanètes qui doit être lancé en 2027. Un coronographe permet en quelque sorte de simuler une éclipse stellaire : situé à l’intérieur du télescope, il bloque la lumière d’une étoile de manière à ce que les planètes qui orbitent autour puissent être observées plus facilement. Des recherches récentes suggèrent que les coronographes peuvent également fonctionner avec des miroirs segmentés.
Un programme pour perfectionner les technologies
Alors que la construction du James Webb a nécessité de nombreuses technologies non éprouvées — suscitant au passage pas mal de retard et de sérieux dépassements de budget — le HWO devrait tirer profit de l’expérience acquise lors du développement de ses prédécesseurs.
Au cours des années à venir, toutes les technologies envisagées pour le HWO seront perfectionnées dans le cadre d’un programme dédié, mis en place par la NASA : le Great Observatories Technology Maturation Program (GOMaP). Car ces technologies, aussi éprouvées soient-elles, nécessiteront quelques adaptations. Par exemple, la forme du miroir devra être contrôlée à une précision de l’ordre du picomètre, car l’observatoire travaillera en lumière optique, dont les longueurs d’onde sont plus courtes que celles de la lumière infrarouge captée par le James Webb.
Le coronographe utilisé sur le Nancy-Grace-Roman devra lui aussi être amélioré : il est conçu pour bloquer la lumière d’une étoile 100 millions de fois plus brillante que sa planète, mais le HWO devra faire face à des étoiles 10 milliards de fois plus brillantes ! Il devrait être ainsi équipé d’un déflecteur cylindrique, similaire à celui qui équipe le télescope Hubble.
La possibilité d’organiser des missions robotisées d’entretien et de réparation est clairement un atout pour ce projet. En plus de prolonger la durée de vie de l’engin en installant de nouveaux instruments — comme cela a été fait pour Hubble — elle offre également une certaine flexibilité dans le développement. Ainsi, si un instrument s’avère difficile à préparer pour le lancement, il pourra éventuellement être ajouté ultérieurement. L’entretien de Hubble est assuré par des astronautes et coûte très cher ; bien que la distance à parcourir soit plus importante, la maintenance robotique de HWO devrait occasionner moins de frais.
Reste un défi de taille à relever pour mettre ce projet sur pied : obtenir l’adhésion du Congrès. La division astrophysique de la NASA a bénéficié d’un budget de 1,51 milliard de dollars pour cette année, soit 4% de moins que l’an passé. C’est la seule des divisions scientifiques de la NASA à accuser une baisse de financement.