Des chercheurs chinois ont développé un système d’intrication quantique transférant les informations photoniques avec un débit de 7,1 qubits par seconde, le long d’un canal de fibres optiques de 64 kilomètres de long. Il s’agit d’une vitesse record pour une zone métropolitaine et d’une étape majeure vers un internet quantique viable. L’exploit est entre autres le résultat de l’expérimentation d’une source de lumière quantique intriquée à haute performance.
L’intrication quantique, ou téléportation quantique, est une technique de transfert d’information quantique consistant à transférer l’état quantique d’un système à un autre similaire et distant. Le phénomène en jeu, l’intrication quantique, se base sur le fait que deux particules quantiques peuvent conserver un lien invisible et agir comme un seul et même système, quelle que soit la distance qui les sépare. Un processus de mesure quantique et de correction d’erreurs ainsi qu’un système de communication classique sont utilisés afin de moduler l’intrication et pallier la perte d’information.
Depuis les années 1993, la téléportation quantique a été appliquée à de nombreux domaines et figure aujourd’hui au cœur des technologies de communication quantique. Parmi les technologies explorées figurent celles basées sur l’optique quantique, comprenant des systèmes à variables continues ou discrètes. Cependant, la portée des systèmes à variables continues est limitée à une portée d’une dizaine de kilomètres en raison de leur sensibilité à la perte d’informations au niveau des canaux quantiques.
De leur côté, les systèmes à variables discrètes permettraient d’étendre les réseaux quantiques sur des milliers de kilomètres. Pour l’heure, les progrès réalisés dans ce sens permettent la communication quantique à un peu plus de 1000 kilomètres. En s’appuyant par exemple sur le satellite en orbite terrestre basse Micius, des chercheurs sont parvenus à téléporter des informations quantiques sur plus de 1200 kilomètres. Cependant, malgré ces avancées, des défis de taille persistent quant aux moyens de transférer les informations avec une fréquence de l’ordre du Hertz, essentielle à l’application réelle aux réseaux internet quantiques.
Des chercheurs de l’Université des sciences et technologies électroniques de Chine (UESTC) ont fait un pas dans ce sens, en réalisant pour la première fois une téléportation quantique avec un débit de 7,1 qubits par seconde (soit une fréquence de 7,1 Hertz) en zone métropolitaine. « Démontrer la téléportation quantique à grande vitesse en dehors d’un laboratoire implique toute une série de défis. Cette expérience montre comment ces défis peuvent être surmontés et constitue donc une étape importante vers le futur Internet quantique », explique l’auteur correspondant, Qiang Zhou, de l’UESTC.
Un débit de transmission de 7,1 qubits par seconde
Le réseau de téléportation quantique, présenté dans le cadre d’une nouvelle étude publiée dans la revue Light Science & Applications, comprend trois nœuds reliés par des fibres optiques. Le premier, appelé Alice, est situé dans la salle de commutation du réseau, tandis que les deux autres (Bob et Charlie) sont placés au sein de deux laboratoires séparés.
Afin d’être compatible avec cette structure, l’état quantique à téléporter doit être véhiculé depuis une source indépendante de photons uniques. Pour ce faire, Alice fait office d’expéditeur de bits quantiques par le biais d’une source faiblement cohérente de photons uniques. Il envoie ensuite ces derniers à Charlie, distant de 400 mètres, à travers un canal quantique composé de 22 kilomètres de fibres (2 kilomètres déployés sur le terrain et 20 kilomètres enroulés en bobine). Puis, situé à 210 mètres de Charlie, Bob (qui comprend une source d’intrication) partage avec celui-ci une paire de qubits de photons intriqués. Le photon libre est transféré jusqu’à Charlie sur 22 kilomètres de fibres supplémentaires.
Il est important de noter que le principal défi dans un système de téléportation quantique est la mesure de l’état de Bell (BSM), l’état d’intrication maximale entre deux particules. Charlie effectue cette mesure entre les qubits envoyés par Alice et Bob à l’aide d’un séparateur de faisceau de fibre. Cependant, ces photons doivent initialement être impossibles à distinguer en parvenant au niveau de Charlie, afin d’améliorer l’efficacité du BSM. Les informations étant transférées sur de grandes distances, les chercheurs ont introduit un système de rétroaction permettant de stabiliser rapidement les différences de longueur de trajet et la polarisation des photons.
Par ailleurs, la source d’intrication au niveau de Bob comprend un bloc de modulateur d’ondes en niobate de lithium à polarisation périodique, en forme tirebouchon. Cela permet de générer un faisceau quantique intriqué de grande qualité et à grande vitesse (7,1 qubits par seconde). D’un autre côté, une téléportation quantique à grande vitesse nécessite des capteurs de photons ultrasensibles. Pour cela, les chercheurs se sont appuyés sur des détecteurs monophotoniques à nanofils supraconducteurs et à haute performance.
L’ensemble a permis de réaliser des transferts d’informations quantiques avec des mesures de BSM à haut rendement. En outre, la réduction des erreurs de transmission était de 66,7%, ce qui est nettement supérieur aux précédentes réalisations. Prochainement, les chercheurs projettent d’étendre le système sur de plus grandes distances et à plusieurs utilisateurs.