La société Capella Space a mis au point un satellite capable de capturer des images radar d’une incroyable résolution, même à travers les murs d’une construction ! Les images sont si nettes que l’on peut distinguer l’intérieur des pièces de certains bâtiments. En outre, ce satellite Capella-2 peut capturer des images nettes de jour comme de nuit, et peu importe les conditions météorologiques, ce qui le distingue des autres satellites d’observation.
Ce dernier point est un atout majeur pour Capella Space. Comme l’explique son PDG, Payam Banazadeh, ancien ingénieur système au Jet Propulsion Laboratory de la NASA, il se trouve qu’à chaque instant la moitié du monde est dans l’obscurité, tandis qu’en moyenne la moitié du monde se trouve sous une couverture nuageuse. « Lorsque vous combinez ces deux éléments, environ 75% de la Terre, à un moment donné, sera plongée dans la nuit, sous les nuages, ou les deux », conclut-il.
Le microsatellite Capella 2 — anciennement nommé Sequoia — a été lancé il y a un peu plus de trois mois. Capella Space est ainsi devenue la première et unique société commerciale américaine d’imagerie SAR (Synthetic Aperture Radar, ou radar à synthèse d’ouverture, soit RSO en français). Aujourd’hui, elle propose des images d’une qualité et d’une résolution sans précédent : 50 cm x 50 cm, soit la plus haute résolution disponible sur le marché.
Une surveillance haute résolution dans n’importe quelles conditions
Mercredi, Capella Space a lancé une nouvelle plateforme permettant aux clients gouvernementaux ou privés de demander des images de n’importe quel endroit dans le monde. En outre, l’entreprise prévoit le déploiement de six satellites supplémentaires l’année prochaine, ce qui ne fera qu’augmenter encore ses capacités d’observation. Cela peut paraître effrayant de prime abord, évidemment. Mais cette technologie permet aussi de pallier les faiblesses des équipements utilisés actuellement pour observer la Terre depuis l’espace à des fins scientifiques.
Comme évoqué plus haut, ces instruments peinent à capturer des images exploitables lorsque la lumière est trop faible ou lorsque les nuages sont trop nombreux. Le satellite conçu par Capella est quant à lui capable de scruter la Terre à travers la couverture nuageuse, et de faire ses observations aussi bien le jour que dans l’obscurité totale. Cette capacité repose sur le radar à synthèse d’ouverture (RSO) utilisé par l’engin (au lieu d’un système d’imagerie optique utilisé par la majorité des capteurs actuels). Son mode de fonctionnement permet de longues expositions sur une zone d’intérêt : le satellite a été conçu de façon à pouvoir observer un seul et même endroit pendant 60 secondes, tout en voyageant à 7,5 km/s, ce que l’entreprise nomme le mode « spotlight » — c’est un peu comme lorsque l’on augmente le temps d’exposition d’un appareil photo pour collecter davantage de lumière au niveau du capteur.
Le RSO fonctionne un peu à la même manière des dauphins et des chauves-souris, qui utilisent l’écholocalisation pour se diriger. Le satellite émet un puissant signal radio (de 9,65 GHz) vers sa cible, puis recueille et interprète le signal lorsqu’il rebondit en orbite. « À cette fréquence, les nuages sont pratiquement transparents. Vous pouvez pénétrer les nuages, le brouillard, l’humidité, la fumée, la brume… », explique Banazadeh. Un autre avantage est que ces signaux peuvent parfois même traverser les murs d’un bâtiment, comme si l’on explorait l’intérieur aux rayons X.
Cette technologie n’a pas été inventée par Capella Space. C’est Carl A. Wiley, mathématicien à Goodyear Aircraft Company, qui a inventé le concept de RSO en juin 1951 ; Goodyear a ensuite mis au point, puis amélioré peu à peu cette technologie pendant les années qui ont suivi. Aujourd’hui, les images RSO sont largement utilisées dans des domaines scientifiques tels que la topographie, l’océanographie, la glaciologie, la géologie ou encore la foresterie. La technologie est également exploitée pour surveiller la stabilité de certaines infrastructures civiles, comme les ponts. Enfin, on l’emploie également dans le cadre de la surveillance de l’environnement (déversements d’hydrocarbures, inondations, etc.).
Mais la société Capella propose des images d’une résolution jamais égalée ; elle souligne en outre qu’elle est la première à proposer une plateforme aussi accessible à des clients potentiels. Selon Banazadeh, les demandes formulées auprès des fournisseurs d’imagerie satellite traditionnels sont relativement laborieuses. L’application web Capella Console et l’API Capella permettent aux clients d’effectuer facilement une recherche dans le catalogue d’images ou de formuler une nouvelle demande.
Une résolution limitée par les lois américaines
L’atout principal du satellite Capella-2 est sans aucun doute sa haute résolution : chaque pixel d’une image capturée par l’engin représente un carré de 50 cm sur 50 cm, tandis que les autres satellites RSO du marché ne peuvent descendre qu’à environ cinq mètres de résolution. Lorsqu’il s’agit de discerner ce que l’on observe depuis l’espace, cela fait une énorme différence. L’observation de paysages urbains est particulièrement impressionnante. Les gratte-ciel semblent sortir de terre, comme des champignons ; et parfois, il est possible de regarder directement à travers certains d’entre eux.
Pour l’instant, 50 x 50 cm est la meilleure résolution possible avec le RSO. Capella Space espère améliorer la qualité des images grâce à la mise en orbite de satellites supplémentaires. À noter toutefois que la législation américaine l’empêche d’aller au-delà en matière de précision ; cette limite de résolution est d’ailleurs la seule restriction que la loi impose à des services comme celui proposé par Capella : tant que la résolution ne va pas au-delà, les satellites peuvent imager n’importe quelle partie du monde « commandée » par un client (y compris l’intérieur d’une habitation…).
Banazadeh explique que des agences gouvernementales peuvent compter parmi sa clientèle ; elles peuvent par exemple surveiller les mouvements de combattants ennemis ou bien surveiller un aéroport. Pour ce type de demande, la vision pénétrante du Capella-2 est un atout certain. Cette technologie pointue trouvera évidemment bien d’autres applications, telles que l’observation de la forêt amazonienne pour suivre la déforestation, ou bien la surveillance des diverses chaînes d’approvisionnement mondiales.
Le PDG souligne par ailleurs que deux satellites RSO pointant sur la même zone sont capables de fournir des images en trois dimensions de cibles présentant des différences de hauteur infimes. Il précise qu’un groupe utilise déjà cette stratégie pour mesurer la quantité de pétrole stockée dans des réservoirs à ciel ouvert, ou la quantité de matériaux extraite d’une mine à une date donnée, ceci afin d’estimer la valeur des marchandises… Cela peut également aider les autorités à surveiller les infrastructures lors de missions de sauvetage. « Pour mieux comprendre notre planète, nous devons la surveiller de manière plus fiable et plus fréquente. En regardant les événements mondiaux des quatre dernières années depuis que nous avons commencé ce projet, je pense que cette capacité n’a jamais été plus nécessaire qu’aujourd’hui », résume Banazadeh sur le blog de l’entreprise.