Financés par la NASA, des chercheurs ont conçu un propulseur photonique innovant capable de fournir une poussée — jusqu’ici jamais atteinte pour un tel système — à un vaisseau spatial depuis la Terre ou depuis l’orbite terrestre. La technologie, une fois aboutie, pourrait permettre de propulser des vaisseaux à des vitesses approchant celle de la lumière.
Dans le cadre de leur première expérience, les chercheurs, de l’Y. K. Bae Corporation en Californie, ont réussi à déplacer un petit satellite fictif de 750 grammes le long d’un rail de laboratoire en utilisant uniquement la puissance de leur laser photonique (PLT). Les résultats ont été publiés dans le Journal of Propulsion and Power.
Les propulseurs laser, qui exercent une force par la pression de la lumière (soit des photons percutant une surface), nécessitent généralement une puissance extrême pour générer une très faible poussée. Par exemple, un autre projet similaire, Breakthrough Starshot, envisage d’utiliser des lasers de l’ordre du gigawatt pour propulser des sondes de la taille d’un timbre-poste vers le système stellaire Alpha Centauri, distant de 4,37 années-lumière, à une vitesse pouvant atteindre 20% de celle de la lumière.
Cependant, le PLT surmonte ce besoin en puissance en faisant rebondir le faisceau laser plusieurs fois entre l’engin spatial et la source laser, transmettant à chaque fois un peu plus d’énergie au vaisseau dans un processus appelé « recyclage laser ». Par la suite, il sera possible d’émettre le rayon laser primaire depuis des satellites en orbite afin d’augmenter la régularité et la puissance des faisceaux.
Un propulseur photonique 100 fois plus puissant
Par le passé, les chercheurs avaient démontré le principe de recyclage laser avec un système de faible puissance. Mais cette nouvelle démonstration implique un dispositif plus de 100 fois plus puissant, produisant 3 millinewtons de poussée. Comme le montre l’animation ci-dessous, cette force était suffisante pour accélérer un satellite fictif similaire aux CubeSats existants le long d’un rail à faible frottement.
Pour leur conception, les chercheurs ont utilisé un laser à grenat d’aluminium dopé à l’ytterbium. L’expérience a montré que la disposition du faisceau est stable et peut maintenir son alignement avec une cible en mouvement. Le recyclage du faisceau amplifie la poussée des centaines de fois, écrivent les chercheurs dans leur étude.
Selon l’auteur principal, Young Bae, la prochaine étape du développement devrait porter la poussée du PLT à un niveau comparable à celui des propulseurs des satellites existants. Il serait alors possible d’utiliser des dispositifs de type PLT pour manœuvrer les satellites ou les aider à conserver leur position, sans qu’ils aient à transporter leurs propres propulseurs.
Dans ce scénario, la poussée du laser photonique pourrait être transmise au satellite en cours de manipulation par un autre satellite, plus grand, doté de la technologie PLT. « C’est un peu comme le ravitaillement en vol, où le carburant est livré aux avions de chasse à partir d’un avion-citerne beaucoup plus grand et moins coûteux », explique Bae.
Autre avantage, l’alimentation externe des satellites par PLT pourrait prolonger leur durée de vie. Actuellement, les satellites doivent transporter du propergol pour faire fonctionner leurs propulseurs, ce qui limite leur longévité car, dès qu’ils ont épuisé leur carburant, ils ne peuvent plus ajuster leur position ni maintenir leur orbite, les condamnant à une entrée atmosphérique et donc à la destruction.
Selon Philip Lubin, du Space Research Laboratory de l’université de Californie à Santa Barbara, la technique de recyclage laser fonctionne mieux à courte portée. « Le problème de la propulsion des engins spatiaux réside dans la distance entre l’émetteur et le réflecteur », explique-t-il, notant qu’à mesure que la distance augmente, le faisceau diverge et la poussée diminue. Bae reconnaît ce fait, mais affirme qu’avec l’optique actuelle, le PLT devrait encore fournir une poussée exploitable sur des distances d’environ 1000 kilomètres, ce qui est suffisant pour propulser les satellites en orbite terrestre. Selon lui, les avancées technologiques à venir permettront d’augmenter la portée au cours des prochaines décennies.
Des chemins de fer photoniques interplanétaires
À terme, Bae espère que le système PLT, financé par le programme Innovative Advanced Concepts de la NASA, pourra fournir l’infrastructure nécessaire à ce qu’il appelle un « chemin de fer photonique ». Il s’agirait d’installations laser à haute puissance situées à chaque extrémité, qui alimenteraient des « trains spatiaux » dépourvus de moteurs, accélérant et décélérant les engins sur des distances interplanétaires, voire interstellaires. Selon lui, une telle installation permettrait d’envoyer des charges utiles entre la Terre et Mars en quelques jours plutôt qu’en plusieurs mois.