Si prédire le futur reste encore un vieux rêve d’auteurs de science-fiction, le sang pourrait toutefois contenir des informations permettant d’établir des pronostics concernant l’évolution de notre santé à moyen et long terme. C’est la découverte réalisée par une équipe de chercheurs qui, en analysant une gamme de biomarqueurs sanguins spécifiques, a montré qu’il était possible de prédire, de manière relativement fiable, la mortalité des patients à une échéance de quelques années.
Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Nature Communications, les chercheurs ont identifié 14 biomarqueurs dans le sang humain liés à la mortalité, toutes causes confondues, ce qui pourrait les aider à prévoir le risque de décès chez les patients dans les cinq à dix prochaines années.
« Si nous pouvons identifier les personnes âgées vulnérables avec cette mesure basée sur le sang, l’étape suivante consiste à anticiper cette vulnérabilité » explique l’épidémiologiste moléculaire et chercheuse en vieillissement Eline Slagboom, du centre médical de l’université de Leiden aux Pays-Bas.
Une faculté de prévision à long terme encore débattue
En l’état actuel des choses, les prévisions de mortalité chez les patients âgés deviennent relativement fiables au cours de la dernière année de vie du patient, en raison de la quantité de données cliniques disponibles sur la personne, ce qui permet de mieux estimer son état de santé et son pronostic à court terme. Mais qu’en est-il des prévisions à plus long terme ?
« Il n’y a pas de consensus sur l’ensemble ultime de facteurs prédictifs du risque de mortalité à long terme (5 à 10 ans) » expliquent Slagboom et son équipe dans leur nouvel article, soulignant que les facteurs de risque conventionnels de mortalité à l’âge moyen, tels que la pression artérielle et le cholestérol — ne correspondent pas réellement au risque de mortalité chez des patients âgés.
L’équipe a analysé des échantillons de sang provenant de 44’168 personnes appartenant à des groupes différents. Les participants avaient entre 18 et 109 ans et étaient d’origine européenne. Dans les études de suivi, 5512 de ces participants sont décédés.
Le pouvoir prédictif des biomarqueurs sanguins
En étudiant les données — qui contenaient des mesures sur 226 biomarqueurs métaboliques dans le sang des participants, les chercheurs ont identifié 14 biomarqueurs associés indépendamment à la mortalité. Pour évaluer dans quelle mesure ces biomarqueurs pourraient indiquer le risque réel de décès, les chercheurs les ont analysés par rapport à un groupe de plus de 7600 patients finlandais étudiés en 1997.
Sur cet groupe, 1213 participants sont décédés au cours du suivi et les 14 biomarqueurs ont prédit leur décès dans les cinq à dix prochaines années avec une précision d’environ 83%, dépassant les prévisions utilisant des facteurs de risque conventionnels moins précis.
« Ces biomarqueurs améliorent clairement la prédiction du risque de mortalité à cinq et dix ans par rapport aux facteurs de risque conventionnels pour tous les âges. Ces résultats suggèrent que le profilage de biomarqueurs métaboliques pourrait potentiellement être utilisé pour orienter les soins des patients, s’il est validé dans des contextes cliniques pertinents » écrivent les chercheurs.
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Une méthode de prédiction prometteuse dans le cadre clinique
Si cette validation venait à se produire, cette nouvelle méthode pourrait devenir un outil extrêmement puissant pour guider les praticiens de la santé, mais les experts qui commentent l’étude affirment que beaucoup plus de travail est nécessaire avant que ce type de test puisse être utilisé dans des environnements cliniques.
« Nous avons besoin des choses suivantes : validation pour assurer la répétabilité dans différents laboratoires, production d’échantillons de référence pour le tester sur une base continue, travail pour rendre le score individuel possible, validation dans d’autres groupes et validation de tous les composants du panel » indique la neurologue Amanda Heslegrave, du Dementia Research Institute britannique de l’University College London, qui n’a pas participé à l’étude.
Il est également intéressant de noter que la recherche ne concerne que des participants d’origine européenne. Par conséquent, les résultats pourraient ne pas fournir d’informations fiables sur la santé future de personnes d’origines ethniques différentes.
Les chercheurs reconnaissent également que le nombre de biomarqueurs mesurés dans leur plate-forme à ce jour ne représente qu’une fraction des métabolites dans le sérum humain, ce qui signifie que les efforts futurs avec des systèmes de spectrométrie plus avancés devraient inévitablement fournir des prédictions plus fiables.