Parfois sous-estimée, l’obésité constitue un facteur prépondérant de prédisposition à des maladies graves telles que le diabète, les maladies cardiovasculaires ou encore le cancer. Pour la prévenir ou la traiter, il existe différents moyens allant des soins autoadministrés (régimes alimentaires, exercice physique …) aux thérapies médicamenteuses, et en dernier recours, la chirurgie. Parallèlement depuis quelques années, les industries pharmaceutiques rivalisent d’ingéniosité pour développer les traitements les plus efficaces et les moins invasifs possibles. Le géant pharmaceutique Eli Lilly and Company a dans ce sens mis au point un nouveau traitement expérimental prometteur : une perte de poids moyenne de 24 kilogrammes a été observée lors d’essais cliniques de phase 3 à grande échelle. Ce résultat spectaculaire serait équivalent à ceux observés suite aux chirurgies bariatriques.
L’obésité est une maladie chronique potentiellement grave et affectant de plus en plus de monde. Dans les pays riches, ce sont les classes les plus démunies qui souffrent le plus d’obésité, faute de moyens pour s’offrir une nutrition plus équilibrée. A contrario, dans les pays en voie de développement, ce sont les habitants les plus riches qui souffrent le plus de la maladie.
Physiologiquement, l’obésité est causée par un déséquilibre dans les mécanismes de contrôle du poids corporel. Cette perturbation entraîne en effet un trouble dans la sensation de satiété, engendrant une augmentation de l’apport alimentaire et une diminution de la dépense énergétique. Ce bouleversement métabolique peut être favorisé par divers facteurs, notamment génétiques, développementaux, comportementaux, environnementaux et sociaux.
Parfois stigmatisée, car associé au simple fait de trop manger, « l’obésité est une maladie chronique qui ne reçoit souvent pas le même niveau de soins que d’autres conditions », explique dans un communiqué Louis J. Aronne, directeur du Comprehensive Weight Control Center, expert en obésité au NewYork-Presbyterian et au centre médical Weill Cornell, ainsi que chercheur dans le cadre de SURMOUNT-1, l’étude clinique du nouveau médicament. Pourtant, la maladie a des impacts importants sur la santé psychologique et physique, incluant un risque accru d’hypertension, de maladies cardiaques, de cancer et, plus globalement, une diminution de la survie.
Pour leur stratégie thérapeutique, les chercheurs d’Eli Lilly and Company se sont basés sur le contrôle de deux hormones incrétines, GIP (polypeptide insulinotrope dépendant du glucose) et GLP-1 (glucagon semblable au peptide-1), toutes deux impliquées (dans leur état naturel) dans la médiation de la satiété. Un médicament contrôlant le GLP-1 (le sémaglutide) existe sur le marché, et a déjà fait preuve d’efficacité auprès des patients souffrant d’obésité, mais le nouveau traitement expérimental (le tirzepatide) se montre encore plus efficace, grâce à l’ajout de la GIP synthétique.
Aussi efficace, mais moins invasif que la chirurgie
La GIP et le GLP-1 sont des hormones naturellement synthétisées dans les intestins pour déclencher la sensation de satiété à la fin d’un repas. Le tirzepatide agit ainsi à la fois en tant que récepteur de la GIP et en tant qu’agoniste (activateur) des récepteurs de la GLP-1. Des études antérieures ont effet démontré que la GIP diminuait l’appétit tout en augmentant la dépense énergétique, favorisant donc la perte de poids. Combinée avec l’activation des récepteurs du GLP-1, cette hormone peut entraîner des effets plus importants, en régulant les marqueurs de dérégulation métabolique tels que le glucose et les lipides.
Les essais cliniques de phase 3, où l’on a comparé l’efficacité du nouveau traitement à un autre médicament déjà validé, ont impliqué 2539 personnes issues de neuf pays. Ces personnes souffraient toutes d’obésité ou de surpoids et pesaient en moyenne 105 kilogrammes. Elles ont ensuite été invitées à recevoir, en groupes séparés, des injections hebdomadaires de tirzepatide à faible dose (5 mg), à dose moyenne (10 mg), à dose élevée (15 mg), un placebo ainsi qu’un traitement de référence, pendant 72 semaines.
La dose la plus élevée du tirzepatide a été la plus efficace, avec une perte de poids moyenne de 24 kilogrammes, soit une diminution du poids corporel de 22,5%. À 5 mg, la perte de poids a été de 16% et de 21,4% sous 10 mg, alors qu’elle n’était que de 2,4% pour le groupe ayant reçu un placebo. D’après certains experts, les résultats obtenus avec la dose de 15 mg de tirzepatide sont meilleurs que ceux obtenus avec les chirurgies bariatriques, où le patient subit, en plus de l’inconvénient de l’opération, celui de ne pouvoir manger plus que de petites quantités de nourriture.
Inconvénients
Il faut cependant noter que les bons résultats du tirzepatide s’accompagnent également d’effets secondaires gênants tels que des vomissements, de la diarrhée et de la constipation, qui semblent plus graves aux doses les plus élevées, sans surprise. Ces effets négatifs ont notamment déjà été observés avec la sémaglutide, et les chercheurs recommandent d’appliquer les mêmes précautions pour le nouveau traitement : débuter par de petites doses, avec une augmentation progressive.
Un autre inconvénient possible est aussi l’administration continue et sur une longue période. Sans compter que contrairement à la chirurgie, les résultats observés pour le nouveau traitement n’ont été obtenus qu’au bout de 72 semaines.