Une étude récente dévoile une sous-population d’astrocytes aux propriétés inédites, capables de libérer du glutamate, élément clé de la communication neuronale. Cette découverte remet en question le rôle traditionnellement attribué aux astrocytes, souvent vus comme de simples cellules de soutien. Les implications sont vastes, offrant de nouvelles perspectives pour la compréhension des maladies neurodégénératives et la mise au point de traitements innovants.
Récemment, une étude, menée par des neuroscientifiques du Département de neurosciences fondamentales de la Faculté de biologie et de médecine de l’Université de Lausanne (UNIL) et du Wyss Center for Bio and Neuroengineering à Genève, a mis en lumière une nouvelle sous-population d’astrocytes, des cellules du système nerveux central jusqu’alors considérées comme de simples soutiens. Nommées « astrocytes glutamatergiques », elles ont la capacité de libérer du glutamate, un neurotransmetteur essentiel pour la communication optimale des neurones. Cette découverte pourrait approfondir notre compréhension de la communication neuronale et ouvrir de nouvelles perspectives de recherche sur les maladies neurodégénératives. L’étude est publiée dans la revue Nature.
Méthodologie
Pour parvenir à cette découverte, les chercheurs ont utilisé une technique appelée scRNA-seq. Cette technique est une méthode avancée qui permet d’examiner l’expression génique au niveau d’une cellule individuelle. Contrairement aux approches traditionnelles qui analysent des échantillons de tissus contenant de nombreuses cellules, la scRNA-seq offre une résolution sans précédent, révélant des détails qui seraient autrement noyés dans les données globales.
Ils ont ciblé l’hippocampe, une région du cerveau associée à la mémoire et à l’apprentissage. En utilisant scRNA-seq, ils ont pu identifier 15 groupes distincts (ou clusters) de cellules basées sur leurs profils d’expression génique. Chaque cluster représente un ensemble de cellules ayant des fonctions ou des caractéristiques similaires.
Parmi ces clusters, un en particulier se démarquait des autres. Son profil génique indiquait une activité liée au glutamate, un neurotransmetteur essentiel dans le cerveau. Cette observation était surprenante, car, jusqu’à présent, les astrocytes étaient principalement considérés comme des cellules de soutien, et non comme des acteurs actifs de la transmission du glutamate. Cette découverte suggère donc que ces cellules pourraient avoir un rôle bien plus actif et complexe dans la communication neuronale que ce que nous pensions jusqu’ici.
Les astrocytes et leur rôle
Les astrocytes sont un type de cellules gliales. Historiquement, ces cellules sont perçues comme les « ouvrières » du système nerveux, fournissant un soutien structurel et nutritionnel aux neurones, les cellules électriquement actives du cerveau. Cependant, cette vision traditionnelle des astrocytes est en train d’être révisée avec la découverte de ces cellules « hybrides » liées au glutamate.
Les neuroscientifiques ont donc tenté de savoir si ces cellules hybrides étaient fonctionnelles, c’est-à-dire capables de libérer réellement du glutamate à une vitesse comparable à celle de la transmission synaptique. Pour ce faire, ils ont utilisé une technique d’imagerie avancée permettant de visualiser le glutamate libéré par les vésicules des tissus cérébraux et des souris vivantes.
Andrea Volterra, professeur honoraire à l’UNIL et professeur invité au Wyss Center, co-directeur de l’étude, explique dans un communiqué de l’UNIL : « Nous avons identifié un sous-groupe d’astrocytes répondant à des stimulations sélectives avec une libération rapide de glutamate, qui se produisait dans des zones spatialement délimitées de ces cellules rappelant les synapses ».
De plus, cette libération de glutamate exerce une influence sur la transmission synaptique et régule les circuits neuronaux. L’équipe de recherche a pu le démontrer en supprimant l’expression des VGLUT (des cellules chargées de remplir les vésicules neuronales spécifiques de la libération du glutamate) par les cellules hybrides. Roberta de Ceglia, auteure principale de l’étude et chercheuse senior à l’UNIL déclare : « Ce sont des cellules qui modulent l’activité neuronale : elles contrôlent le niveau de communication et d’excitation des neurones ». Et sans cette machinerie fonctionnelle, l’étude montre que la potentialisation à long terme (processus neuronal impliqué dans les mécanismes de mémorisation) est altérée et que la mémoire des souris est impactée.
Implications pour la neuroscience
De plus, la présence d’astrocytes glutamatergiques chez l’homme renforce l’idée de leur importance. Cela signifie que leur rôle ne se limite pas à un phénomène observé chez les animaux de laboratoire, mais pourrait avoir des implications directes pour la compréhension du fonctionnement du cerveau humain. Cette découverte pourrait éventuellement conduire à de nouvelles approches thérapeutiques pour traiter diverses affections neurologiques, en ciblant spécifiquement ces astrocytes glutamatergiques.
En effet, les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson ou la sclérose latérale amyotrophique (Maladie de Charcot) sont caractérisées par la dégénérescence progressive des neurones. Si les astrocytes glutamatergiques sont effectivement impliqués dans la communication neuronale, cela signifie qu’ils pourraient également jouer un rôle dans ces maladies. Un dysfonctionnement de ces cellules pourrait contribuer à des déséquilibres dans la transmission du glutamate, ce qui pourrait à son tour affecter la santé et la fonction des neurones. En ciblant spécifiquement les astrocytes glutamatergiques, il pourrait être possible de moduler cette transmission et, potentiellement, de ralentir ou d’inverser la progression de certaines maladies neurodégénératives.
De plus, cette découverte suggère que le cerveau est encore plus complexe que nous le pensions, dont des interactions entre cellules qui doivent encore être pleinement comprises. Cette nouvelle perspective pourrait conduire à une réévaluation de nombreuses études antérieures.