Alors qu’ils sont traditionnellement utilisés dans la lutte contre les maladies infectieuses, des vaccins pourraient bientôt être proposés pour des maladies liées à l’âge telles qu’Alzheimer et certaines formes de cancer. Ces vaccins pourraient notamment cibler les protéines associées à ces maladies ainsi que les antigènes spécifiques aux cellules cancéreuses. Ces molécules sont également présentes au niveau des cellules sénescentes, ce qui pourrait ouvrir la voie à des stratégies vaccinales à large spectre.
Le vieillissement s’accompagne d’une large gamme de conditions pathologiques connues sous le nom de « maladies liées à l’âge ». Cela inclut par exemple les maladies neurodégénératives, cardiovasculaires, rhumatologiques ainsi que le cancer. Si les avancées médicales ont permis de prolonger la longévité (surtout dans les pays développés), les années supplémentaires obtenues ne sont pas nécessairement vécues en bonne santé.
Explorés depuis plusieurs décennies, les vaccins contre les maladies liées à l’âge pourraient changer la donne. Des recherches suggèrent entre autres qu’il serait possible de se faire vacciner contre la maladie d’Alzheimer, le cancer, l’hypertension artérielle et d’autres affections couramment observées au cours du vieillissement.
Cependant, le développement de ces vaccins constitue un défi de taille. En effet, la vaccination repose principalement sur sa capacité à induire une reconnaissance d’antigène(s) dans l’organisme. Plus précisément, le vaccin consiste à introduire initialement les antigènes d’un agent infectieux dans l’organisme, de sorte que celui-ci « mémorise » ces marqueurs et puisse déclencher rapidement une réponse immunitaire lors d’une infection ultérieure. Ce processus se base sur la capacité de l’organisme à reconnaître le « non-soi ».
Cependant, les maladies non infectieuses sont dues à des anomalies provenant de nos propres cellules, ce qui les rend difficiles à cibler par le biais de la vaccination. Les recherches se concentrant sur la vaccination contre les maladies liées à l’âge visent ainsi à contourner cet obstacle.
Des vaccins anti-Alzheimer disponibles d’ici 2029 ?
Les vaccins développés pour Alzheimer ciblent principalement les protéines tau et bêta-amyloïde, principales caractéristiques de la maladie. Afin d’activer la reconnaissance d’antigène, le vaccin est administré avec un principe actif spécialement conçu à cette fin. Cela permet d’enclencher la production d’anticorps pouvant traverser la barrière hématoencéphalique et ciblant spécifiquement les protéines toxiques.
Plus précisément, les vaccins visent à stimuler la réponse immunitaire contre les versions mal repliées de ces protéines (qui sont produites dans le cas d’Alzheimer), étant donné que leurs versions normales sont essentielles au fonctionnement cérébral.
6 essais cliniques sont en cours pour les vaccins anti-Alzheimer ciblant les deux types de protéines. L’un d’entre eux, développé par l’entreprise de biotechnologie Vaxxinity (basée en Floride), a par exemple enregistré des résultats prometteurs en induisant une réponse immunitaire chez 98 % des patients. 50 % d’entre eux ont présenté un ralentissement du déclin cognitif. Les chercheurs estiment qu’en vue de ces résultats, les premiers vaccins contre Alzheimer pourraient être disponibles sur le marché d’ici 2029.
Les vaccins contre le cancer confrontés à des problèmes de coût/rentabilité
Les stratégies de vaccination contre le cancer sont, quant à elles, explorées depuis les années 1980. L’une d’entre elles consiste à réinjecter les propres cellules cancéreuses de patients atteints de cancer colorectal en utilisant le vaccin BCG (contre la tuberculose) comme adjuvant. Ce dernier a été utilisé en raison de sa capacité à induire une réponse immunitaire généralisée. L’objectif était donc d’induire une réponse immunitaire pour les masses tumorales des patients.
À noter que contrairement aux vaccins traditionnels, les vaccins contre le cancer ne sont pas prophylactiques (ou administrés à titre préventif), mais thérapeutiques. Les 20 personnes qui ont reçu le vaccin contre le cancer colorectal ont survécu pendant deux ans supplémentaires, tandis que 4 autres issues du groupe témoin (20 personnes également) sont décédées.
D’un autre côté, de récentes études ont mis au jour la présence d’un type spécifique d’antigène au niveau des cellules cancéreuses. Ces molécules ne sont normalement pas présentes dans notre organisme et se forment à la suite de mutations génétiques induites par les cellules tumorales — ce qui en fait une cible potentiellement prometteuse pour les vaccins. Un essai clinique récent utilisant un vaccin à ARNm pour cibler le mélanome a par exemple montré des résultats positifs avec une survie sans récidive à 18 mois de 79 %.
Toutefois, bien qu’environ 600 essais cliniques aient été menés jusqu’à présent sur les vaccins contre le cancer, les progrès dans ce domaine en particulier sont relativement lents. À ce jour, un seul, ciblant le cancer de la prostate, a été approuvé par la Food and Drug Admnistration américaine, mais présente toutefois un important problème de coût/rentabilité.
Par ailleurs, une récente étude propose une stratégie vaccinale contre l’hypertension artérielle. Si les médicaments standard visent principalement à bloquer les récepteurs alpha-1 au niveau des artères pour réduire la tension artérielle, le vaccin consiste à stimuler la production d’un anticorps pour cibler ces mêmes récepteurs. D’autres ont également été proposés pour l’arthrose, la maladie de Parkinson ainsi que l’hypercholestérolémie.
Des stratégies vaccinales à large spectre
L’application la plus intéressante de ces vaccins est probablement les cellules sénescentes. La sénescence cellulaire est un phénomène caractérisé par l’arrêt de la division cellulaire. Alors que ces cellules sont normalement éliminées par le système immunitaire, elles s’accumulent au niveau des tissus à mesure que l’on vieillit.
Bien que différentes thérapies soient proposées pour éliminer ces cellules, ces stratégies ont aussi tendance à endommager les cellules saines. Les vaccins permettraient de les cibler de manière plus spécifique, car elles présentent des niveaux très élevés d’antigènes dits « séno-antigènes ». Des essais ont montré des résultats prometteurs chez les souris, qui ont présenté un métabolisme significativement amélioré et une durée de vie plus longue.
Il est important de savoir que la sénescence cellulaire constitue l’une des principales caractéristiques inhérentes au vieillissement, impliquées dans de nombreuses maladies liées à l’âge. Elles pourraient ainsi donner lieu à une stratégie vaccinale pouvant cibler plusieurs maladies à la fois.