À l’ère de la numérisation, il est devenu impératif de sécuriser efficacement les données personnelles ou administratives afin d’éviter les falsifications. Pour ce faire, les systèmes de sécurité informatique ont largement évolué et se tournent de plus en plus vers les systèmes biométriques automatiques. Dans cette optique, la reconnaissance de l’iris, par exemple, que l’on ne voyait il y a 20 ans qu’au cinéma, est désormais une technique de biométrie utilisée. Mieux encore, l’Université Carlos III de Madrid (UC3M) et l’Université de Shahid Rajaee en Iran, suggèrent dans une étude l’utilisation du rythme cardiaque comme identifiant personnel. Ce système innovant analyse les battements du cœur et traite les données comme un fichier audio ou une musique, grâce à un puissant algorithme. Il suffirait par exemple de connecter une montre intelligente à une application utilisant l’algorithme pour établir une signature biométrique cardiaque du porteur.
Le piratage informatique de données et la falsification de documents sont de plus en plus courants. Pour les données les plus sensibles, les simples mots de passe ne suffisent plus pour en limiter l’accès. Depuis quelques années, des solutions ont alors été développées afin que certaines informations ne soient accessibles qu’à leurs propriétaires ou groupes de propriétaires. Parmi ces solutions figurent les systèmes biométriques automatiques, qui identifient les personnes grâce à leurs caractéristiques biologiques propres et extérieurement vérifiables.
Il existe en effet dans le corps humain plusieurs caractéristiques propres à chacun, telles que les empreintes digitales, les stries de l’iris, ou encore la rétine. Même si elles sont en partie héritées génétiquement des parents, ces marques nous sont uniques. Elles diffèrent même chez les vrais jumeaux, possédant techniquement les mêmes séquences ADN. Elles ne dépendent donc pas uniquement de la génétique, mais de beaucoup d’autres facteurs pré- et postnataux.
Les sillons des empreintes digitales par exemple, sont modelés selon les formes et les tailles des vaisseaux sanguins sous la peau, la vitesse de croissance des différentes couches de la peau et l’environnement chimique à l’intérieur du placenta de la mère. Après la naissance, l’empreinte est stable et unique tout au long de la vie de la personne. Les marques mesurables et propres à chaque individu sont également retrouvées dans la nature, comme les rayures des zèbres ou les truffes des chiens.
Si la biométrie (notamment les empreintes digitales) est couramment sollicitée lors d’enregistrements administratifs, elle est aussi de plus en plus utilisée dans la sécurité informatique, pour compléter ou remplacer les systèmes de mot de passe. La nouvelle étude propose un système ingénieux et plus poussé, reconnaissant les battements cardiaques propres à chacun.
Un système d’identification universel et non invasif
Pour permettre la reconnaissance des battements du cœur, l’algorithme des chercheurs espagnols analyse les électrocardiogrammes (ECG) ainsi que cinq paramètres sonores appliqués aux battements : la dynamique, le rythme, le timbre, la hauteur et la tonalité. Ces facteurs sont notamment utilisés pour caractériser des fichiers audio ou des morceaux de musique, et sont uniques pour chaque rythme cardiaque. Les données combinées à partir de ces paramètres permettent à l’algorithme d’identifier les propriétaires des battements avec 96,6% de précision.
« L’identification biométrique basée sur l’enregistrement cardiaque est étudiée depuis des années et s’avère efficace. La principale nouveauté dans notre travail est que nous analysons l’enregistrement ECG, qui est un signal temporaire, comme s’il s’agissait d’une onde sonore », explique dans un communiqué Carmen Cámara, auteure principale de l’étude et chercheuse au département informatique de l’UC3M.
D’après l’experte, l’identification du rythme cardiaque est avantageuse en raison de son universalité, car il est mesurable chez toute personne. Certaines personnes ne sont notamment pas reconnues par les systèmes biométriques actuels si elles présentent des caractéristiques invalidantes telles que l’amputation ou la perte d’un organe externe (mains, yeux, etc.). De plus, le système de reconnaissance cardiaque serait peu coûteux et non invasif, car les technologies enregistrant les fréquences cardiaques (montres et bracelets intelligents) existent déjà à l’heure actuelle. « Il suffirait donc d’installer dessus une application qui utilise notre algorithme d’identification », suggère le co-auteur de l’étude Pedro Peris- López, également chercheur au département d’informatique de l’UC3M.
Un système pas encore tout à fait au point
Bien que le système semble prometteur et avantageux, il est encore en cours de développement et n’a pas résolu certains paramètres cruciaux. Il doit encore intégrer divers aspects complémentaires avant d’être tout à fait au point.
En effet, même si le rythme cardiaque est propre à chacun, il peut être influencé et différer quand la personne marche, court ou est au repos. Il peut aussi varier dans une situation de stress ou lors d’une affection cardiomyopathique (où l’on peut être amené à porter un stimulateur cardiaque par exemple). L’âge est aussi un facteur à prendre en compte, car en vieillissant, le rythme cardiaque change. Les données biométriques cardiaques devraient donc être mises à jour tous les cinq ans environ, selon les auteurs de l’étude.