Une équipe du centre médical Cedars-Sinai, à Los Angeles, a développé un nouvel algorithme d’intelligence artificielle capable de prédire le risque de subir une crise cardiaque dans les cinq ans à venir. Pour ce faire, il s’appuie sur une mesure précise des dépôts de plaques de graisse qui s’accumulent sur la paroi des artères et qui conduisent à l’athérosclérose. Le verdict tombe en quelques secondes seulement.
Pour prédire la probabilité de survenue d’un infarctus du myocarde (plus communément appelé crise cardiaque), les médecins effectuent généralement une angiographie par tomodensitométrie (CTA). Il s’agit d’un examen d’imagerie en 3D qui permet d’observer le réseau vasculaire et de détecter d’éventuelles anomalies ; il permet ainsi d’estimer la quantité des dépôts graisseux qui se sont accumulés dans les artères coronaires. Cette accumulation de plaque coronarienne peut entraîner un rétrécissement des artères, voire une obstruction totale, qui empêche le sang de rejoindre le cœur, ce qui augmente la probabilité de subir une crise cardiaque.
Néanmoins, cette mesure du volume de plaque n’est pas systématique, comme l’explique la professeure Damini Dey, de l’Institut de recherche en imagerie biomédicale du Cedars-Sinai : « il n’existe aucun moyen entièrement automatisé de le faire […], cela prend au moins 25 à 30 minutes à un expert ». Il ne faut en revanche que cinq à six secondes à l’algorithme développé par Dey et ses collègues pour quantifier la plaque coronarienne à partir d’images CTA. Cette étude constitue la première validation d’une approche d’apprentissage en profondeur pour la quantification de l’athérosclérose à partir d’images d’angiographie coronarienne.
Une efficacité similaire à celle du diagnostic humain
Pour entraîner leur algorithme, les chercheurs ont constitué un ensemble composé de six cohortes (921 patients au total), issues de cinq pays différents, qui ont tous passé un examen d’angiographie coronarienne par tomodensitométrie entre 2010 et 2019 (via plusieurs tomodensitomètres et protocoles différents). Les images avaient au préalable été examinées par des lecteurs humains experts. Le spectre clinique de la coronaropathie allait de l’angor stable à l’infarctus aigu du myocarde, jusqu’au stade de convalescence post-infarctus du myocarde. La gravité de la sténose était notée de 0 à 5 selon le niveau de rétrécissement de l’artère.
L’algorithme repose sur un nouveau réseau neuronal basé sur ConvLSTM — un réseau de mémoire à long terme à convolution hiérarchique — qui est le premier à quantifier avec précision la sténose coronarienne et les volumes de tous les composants de la plaque athéroscléreuse. Il fonctionne en soulignant d’abord les artères coronaires sur des images 3D, puis en identifiant le sang et les dépôts de plaque dans les artères coronaires.
L’efficacité de l’outil a été validée sur un ensemble d’images de test de 275 patients. Les résultats sont sans équivoque : les chercheurs rapportent « un excellent accord entre l’apprentissage en profondeur et les lecteurs experts » pour l’estimation des volumes de plaque totale, de plaque calcifiée et de plaque non calcifiée. La concordance était bonne également pour l’évaluation du diamètre de la sténose.
Le tout pour un temps d’analyse record : « Le temps moyen d’analyse de la plaque par apprentissage profond par patient était de 5,65 s lorsque le calcul était effectué à l’aide d’une unité de traitement graphique et de 3,82 min avec l’utilisation d’une unité de traitement centrale », précisent les chercheurs dans The Lancet Digital Health. Pour comparaison, le temps moyen d’analyse par les experts était de 25,66 min par patient.
Un outil de prédiction fiable et non invasif
L’équipe précise que l’algorithme s’est montré tout aussi efficace, lorsque ses résultats ont été comparés à ceux obtenus à partir d’images prises lors de deux tests invasifs considérés comme très précis pour évaluer la plaque et le rétrécissement des artères coronaires : l’échographie intravasculaire et l’angiographie coronaire par cathéter. « L’analyse basée sur l’apprentissage profond présentait une excellente concordance et corrélation avec l’échographie intravasculaire pour les mesures du volume total de la plaque et de la zone luminale minimale », soulignent les auteurs de l’étude.
Une fois les capacités de mesure de l’outil évaluées, les chercheurs ont souhaité tester ses capacités de pronostic. L’algorithme a dû estimer le risque de survenue d’un infarctus du myocarde mortel ou non mortel dans les cinq ans, à partir des scans d’un échantillon de 1611 patients souffrant de douleurs thoraciques stables (dont 41 ont effectivement subi un infarctus dans les années suivant leur examen). Là encore, le programme a fait preuve d’une grande précision. Il ressort de l’étude que les patients avec un volume total de plaque de 238,5 mm³ ou plus avaient un risque 7 fois plus élevé de faire un infarctus du myocarde que les patients avec un volume inférieur.
Des recherches complémentaires seront nécessaires pour former l’algorithme à partir d’une population plus large et plus variée de patients. Mais cette première étude est un nouvel exemple des incroyables performances de l’intelligence artificielle en matière d’analyse d’images, qui seront très certainement mises à profit dans l’avenir de la médecine. « D’autres études sont nécessaires, mais il est possible que nous soyons en mesure de prédire si une personne est susceptible d’avoir une crise cardiaque et dans quel délai, sur la base de la quantité et de la composition de la plaque imagée par ce test standard », a déclaré Dey.