Depuis début 2020, il n’y a pas que l’historique du nombre d’infections qui forme des vagues sur les graphiques, mais aussi les espoirs et le désespoir qui résultent de l’avancée de la pandémie, de nos réussites à la contenir et de nos échecs. Récemment, l’arrivée de nouvelles variantes inquiète citoyens et experts, notamment concernant le risque que les vaccins se montrent moins efficaces face à ces dernières. Heureusement, la recherche continue à plein régime et les résultats porteurs d’espoir ne manquent pas. Récemment, des chercheurs ont mis au point un « double anticorps » qui protégerait non seulement contre la souche principale du SARS-CoV-2, mais aussi contre ces différentes variantes testées (dont la britannique et la sud-africaine). Il empêcherait également le virus de muter pour résister à la thérapie.
Le porteur de la bonne nouvelle est l’Institut de Recherche en Biomédecine (IRB) de Bellinzone, en Suisse, qui a collaboré avec l’Université de la Suisse italienne (USI) à la mise au point de l’anticorps de deuxième génération.
Les données récoltées l’année passée ont montré que l’immunothérapie à base d’anticorps s’était révélée efficace pour traiter la COVID-19. Cependant, elle se heurte à deux obstacles principaux : elle doit pouvoir agir contre les variantes virales en circulation et empêcher la formation de nouvelles variantes (ce qui peut rapidement être le cas en raison d’un mécanisme similaire à celui qui conduit à des bactéries résistantes aux antibiotiques).
L’équipe de recherche, dirigée par Luca Varani de l’IRB, également auteur principal de l’étude, pense avoir résolu le problème en rassemblant deux anticorps naturels en une seule molécule artificielle, appelée « anticorps bispécifique », qui cible simultanément deux sites viraux indépendants. L’anticorps bispécifique a été développé au sein du consortium de recherche ATAC, financé en avril dernier par la Commission européenne en réponse à la pandémie de COVID-19. Parmi les autres membres figurent l’hôpital San Matteo de Pavie (Italie), le Karolinska Institutet (Suède), l’Université de Braunschweig (Allemagne) et le Centre commun de recherche de la Commission européenne. Les résultats de l’étude sont déjà disponibles pour consultation sur le serveur de préimpression bioRxiv.
Des essais précliniques prometteurs
Des essais précliniques, sur des souris, ont montré que cet anticorps bispécifique neutralise efficacement le SARS-CoV-2 et ses variantes, dont celle qui circule depuis quelques mois au Royaume-Uni, en Suisse et en Europe, avec une propagation accrue. Les anticorps bispécifiques de deuxième génération empêchent le virus de modifier sa structure pour échapper à la thérapie. La puissance de la thérapie bispécifique et ses caractéristiques générales en font un candidat idéal pour des essais cliniques sur l’Homme, avec bonnes chances qu’elle soit employée tant pour la prévention que pour le traitement de la COVID-19.
« Nous avons exploité notre connaissance de la structure moléculaire et des caractéristiques biochimiques du virus pour fusionner deux anticorps humains, obtenant ainsi une seule molécule bispécifique attaquant simultanément le virus dans deux sites indépendants, critiques pour l’infectivité », a déclaré Varani.
« Les simulations par supercalcul nous ont permis d’affiner et de valider la conception des anticorps bispécifiques, qui ont ensuite été produits et testés en laboratoire. Bien que le virus puisse muter et échapper à l’attaque d’un seul anticorps de première génération, nous avons montré qu’il ne peut le faire contre la double action du bispécifique », ajoute-t-il.
« L’IRB et le Tessin consolident leur position parmi les leaders mondiaux dans la découverte et le développement d’anticorps, en particulier contre les maladies infectieuses émergentes et négligées. Malgré des ressources limitées, en comparaison avec les grandes entreprises pharmaceutiques, nous avons atteint nos objectifs en quelques mois seulement », déclare Davide Robbiani, directeur de l’IRB et co-auteur de l’étude.
« Une seule injection de l’anticorps bispécifique a assuré une protection instantanée contre la maladie lors des essais précliniques. L’anticorps réduit efficacement la charge virale dans les poumons et atténue l’inflammation typique due à la COVID-19 », déclare Daniel Ruzek de l’Académie tchèque des sciences, qui a dirigé les essais précliniques du nouvel anticorps.
Pourquoi ce nouvel anticorps est-il aussi efficace ? Nommé CoV-X2, il reconnaît un large panel de variantes de RBD (domaine de liaison du récepteur), et de ce fait neutralise le SARS-CoV-2 et ses variants. Le RBD faisant partie intégrante de la fameuse protéine Spike du coronavirus, le nouvel anticorps est donc capable de se lier à de nombreuses « versions » du virus, dont toutes celles qui ont été testées. La variante britannique par exemple, présente de nombreuses mutations au niveau de la protéine Spike, mais le nouvel anticorps étant peu sensible à ces dernières, l’efficacité peut être maintenue.