Dans un métal ou un semi-conducteur, les électrons se déplacent et se dispersent plus ou moins librement, ce mouvement pouvant être déterminé en appliquant une tension électrique au matériau en question. Au sein des conducteurs balistiques (des matériaux à conductivité électrique optimisée, notamment par l’absence de collision entre les électrons), les électrons se déplacent presque comme des véhicules sur une autoroute. L’avantage principal étant qu’ils n’émettent pas de chaleur et peuvent être utilisés d’une manière unique par rapport à l’électronique ordinaire. Des chercheurs ont précédemment réussi à concevoir ce type de conducteur balistique. Récemment, des scientifiques ont découvert un nouvel état électronique de la matière dans laquelle les électrons se déplacent, sans se disperser, en groupes de deux ou plus à la fois plutôt qu’individuellement, comme cela était le cas jusqu’ici dans les premiers conducteurs balistiques.
« La recherche se concentre sur les mesures dans des systèmes conducteurs unidimensionnels où les électrons se déplacent sans se disperser en groupes de deux ou plus à la fois, plutôt qu’individuellement », déclarent Jeremy Levy, professeur de physique de la matière condensée, et Patrick Irvin, professeur agrégé de recherche. Tous deux, du Département de physique et d’astronomie de l’Université de Pittsburgh, sont coauteurs de l’étude, dont les résultats ont été publiés le 14 février dans la revue Science.
« Normalement, les électrons dans les semi-conducteurs ou les métaux se déplacent et se dispersent, et finissent par dériver dans une direction si vous appliquez une tension. Mais dans les conducteurs balistiques, les électrons se déplacent plus comme des voitures sur une autoroute (cf. image de titre). L’avantage de cela est qu’ils ne dégagent pas de chaleur et peuvent être utilisés de façons très différentes que ce qui se fait pour l’électronique ordinaire. Des chercheurs avant nous avaient déjà réussi à créer ce type de conducteur balistique », explique Levy.
Des « grappes d’électrons » donnant lieu à de nouvelles formes de matière électronique
« La découverte que nous avons faite montre que lorsque des électrons peuvent être amenés à s’attirer mutuellement, ils peuvent former des paires ou des grappes de trois, quatre et cinq électrons, qui se comportent littéralement comme de nouveaux types de particules, de nouvelles formes de matière électronique » ajoute-t-il.
Levy a comparé la découverte à la façon dont les quarks se lient pour former des neutrons et des protons. Un indice important pour découvrir ce nouvel état de la matière était de reconnaître que ces conducteurs balistiques correspondaient à une séquence dans le triangle de Pascal.
« Si vous regardez dans différentes directions du triangle de Pascal, vous pouvez voir différentes séquences de nombres, dont la suivante : 1, 3, 6, 10, 15, 21. C’est une séquence que nous avons remarquée dans nos données, elle constituait donc un indice difficile quant à ce qui se passait réellement. La découverte nous a pris un certain temps à comprendre, mais c’était parce que nous ne savions pas, au départ, que nous regardions des particules composées d’un électron, de deux électrons, de trois électrons, etc. Ensemble, ils correspondent à la séquence 1, 3, 6, 10 », explique Levy.
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Un lien avec l’intrication quantique…
Également directeur du Pittsburgh Quantum Institute, Levy a noté que les nouvelles particules présentent des propriétés liées à l’intrication quantique, qui peuvent potentiellement être utilisées pour l’informatique quantique et la redistribution quantique. Il déclare notamment que la découverte est une avancée passionnante vers la prochaine étape de la physique quantique.
« Cette recherche s’inscrit dans un effort plus vaste ici à Pittsburgh pour développer de nouvelles sciences et technologies liées à la deuxième révolution quantique », a-t-il déclaré.
Lors de la première révolution quantique, la communauté scientifique a réalisé que le monde qui nous entoure est fondamentalement régi par les lois de la physique quantique. Cette découverte a entre autres permis de comprendre le tableau périodique, le comportement des matériaux et a aidé au développement des transistors, des ordinateurs, des scanners IRM et des technologies de l’information au sens large.
« Maintenant, au 21e siècle, nous examinons toutes les prédictions étranges de la physique quantique, nous les décortiquons et les utilisons. Lorsque nous parlons d’applications, nous pensons à l’informatique quantique, à la téléportation quantique, aux communications quantiques, à la détection quantique… Des idées qui exploitent des propriétés de la nature quantique de la matière qui ont été ignorées auparavant », conclut Levy.
Publiée directement par Levy, la vidéo ci-dessous explique l’étude à trois niveaux de complexité différents :