Notre voisin galactique le plus proche, la galaxie d’Andromède (M31), située à environ 2.5 millions d’années-lumière du Soleil, est un système dynamique dont l’étude est primordiale. En effet, la détermination de ses différentes caractéristiques physiques nous permet de mieux comprendre sa structure, son évolution, mais aussi sa relation avec notre galaxie. Récemment, de nouvelles observations ont drastiquement revu sa masse à la baisse, bouleversant les connaissances des astrophysiciens concernant le Groupe Local et leurs prévisions sur l’issue de la collision entre Andromède et la Voie lactée.
Dans une nouvelle étude en attente de publication dans le journal Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, une équipe internationale d’astrophysiciens australiens de l’International Centre for Radio Astronomy Research présente de nouveaux résultats concernant la masse de la galaxie d’Andromède. Avec la Voie lactée, les deux galaxies sont les objets les plus larges et massifs du Groupe Local, qui compte plus de 60 galaxies pour un diamètre d’environ 10 millions d’années-lumière. Les deux systèmes galactiques jouent donc un rôle majeur dans l’organisation et l’évolution du Groupe Local.
Pour obtenir ces résultats, les scientifiques ont utilisé une nouvelle technique de mesure basée sur la détermination de la vitesse de libération de la galaxie d’Andromède. La vitesse de libération est la vitesse nécessaire à un corps pour s’échapper de l’attraction gravitationnelle d’un autre corps. Sa mesure permet donc directement d’obtenir une valeur de la masse du corps exerçant l’influence gravitationnelle en question.
À ce sujet, l’un des auteurs, le physicien Prajwal Kafle, explique que « lorsqu’une fusée est lancée dans l’espace, sa vitesse doit atteindre 11 km/s pour échapper à l’attraction gravitationnelle de la Terre. Notre galaxie, la Voie lactée, est 1 trillion (1 milliard de milliards) de fois plus massive que la Terre, sa vitesse de libération est donc de 511 km/s ».
Afin de mesurer la vitesse de libération de M31, les chercheurs ont étudié la dynamique des nébuleuses planétaires à grande vitesse situées à l’intérieur de la galaxie et ont déterminé une valeur de 470±40 km/s à une distance de 15 kpc (kiloparsecs) du centre galactique. À partir de cette mesure, ils ont ensuite pu estimer la masse totale d’Andromède à 0.8±0.1×1012 masses solaires. C’est grâce à une technique similaire qu’en 2014, l’équipe de Kafle avait contraint la masse de la Voie lactée entre 800 milliards et 1.2 trillion de masses solaires. Ces données révèlent donc que les deux galaxies possèdent en réalité sensiblement la même masse.
En outre, les auteurs montrent que, tout comme ce fut le cas précédemment pour la Voie lactée, la galaxie d’Andromède possède moins de matière noire que prévu. Kafle précise que « en examinant les orbites des étoiles à grande vitesse, nous avons découvert que cette galaxie contient bien moins de matière noire que ce que nous pensions, seulement un tiers de la quantité déterminée lors des précédentes observations ».
Ces nouveaux résultats modifient considérablement l’état des connaissances actuelles concernant le Groupe Local. Des estimations effectuées en 2012 avaient déterminé une masse totale du Groupe Local d’environ 5×1012 masses solaires, laissant penser qu’Andromède devait être entre 4 et 6 fois plus massive que notre galaxie. De nouvelles mesures en 2014, plus précises, indiquaient une masse d’environ 2.5×1012 masses solaires pour le couple M31-Voie lactée.
Grâce aux travaux de l’équipe de Kafle, la masse du couple est aujourd’hui revue à la baisse, soit ~2×1012 masses solaires. Interrogé, Kafle affirme que ces mesures « transforment complètement nos connaissances relatives au Groupe Local. Nous avons toujours pensé qu’il y avait une grosse galaxie et que notre Voie lactée était légèrement plus petite, mais ce scénario a désormais complètement changé ».
L’une des conséquences majeures de ce retournement de situation est que de toutes nouvelles simulations concernant la collision entre les deux galaxies doivent être effectuées. En effet, sous l’effet de leur attraction gravitationnelle mutuelle les deux objets se rapprochent l’un de l’autre à une vitesse de 430 000 km/h et entreront en collision d’ici 4 milliards d’années.
Jusqu’à présent, les modèles théoriques ont montré que, dans la majorité des cas, M31 devrait absorber la Voie lactée lors de leur « choc cosmique ». Plus précisément, au moment de la fusion, Andromède finirait par englober notre galaxie, sa population d’étoiles étant jugée bien plus importante. Cependant, avec les résultats obtenus par les auteurs, ces modèles nécessitent désormais d’être profondément modifiés afin de prendre en compte la nouvelle égalité de masse entre les deux galaxies.
En conclusion, Kafle ajoute que « c’est véritablement excitant d’avoir pu utiliser une nouvelle méthode et de voir que, soudainement, 50 années de connaissances collectives sur le Groupe Local ont été renversées ».