Tous les jours, plusieurs millions de tonnes de déchets carbonés sont jetés pour être entreposés dans des décharges et être brûlés, ou simplement stockés en attente de traitement. Malgré le perfectionnement des techniques de recyclage, une grande partie de ces déchets est définitivement détruite, un processus souvent polluant et coûteux. Mais récemment, une équipe d’ingénieurs a mis au point une nouvelle méthode, très peu coûteuse et très peu polluante, permettant de transformer rapidement n’importe quel déchet carboné — des peaux de bananes aux pneus en passant par le bois — en graphène. Ce matériau, dont les qualités ne sont plus à démontrer, peut ensuite être utilisé dans de nombreuses applications.
La technique du « graphène flash », décrite dans la revue Nature, est rapide et bon marché et consiste à chauffer les déchets à 2727 °C. Cela brise les liaisons carbone à l’intérieur des matériaux cibles, qui sont ensuite reconstruits sous forme de graphène en quelques millisecondes. Non seulement cela donne des moyens d’utiliser des déchets qui seraient autrement jetés, mais c’est un moyen efficace et peu coûteux de produire du graphène, qui peut ensuite être utilisé de différentes manières respectueuses de l’environnement.
« Nous avons déjà prouvé que toute matière solide à base de carbone, y compris les déchets plastiques mélangés et les pneus en caoutchouc, peut être transformée en graphène » explique le chimiste James Tour de l’Université Rice. Les procédés de production de graphène existants produisent soit du graphène de faible qualité, soit du graphène de haute qualité en faibles volumes. Ici, les scientifiques ont pu développer une technique qui permet d’obtenir une quantité décente et de bonne qualité, en un temps plus court et à moindre coût.
Graphène flash : le rôle clé de la température
Au centre de l’opération se trouve une méthode connue sous le nom de chauffage à effet Joule, où une décharge rapide d’électricité est utilisée pour générer une chaleur intense. C’est un processus qui a déjà été utilisé par les ingénieurs pour créer des nanoparticules métalliques.
La technique décrite pourrait aider à convertir des matériaux comme les déchets alimentaires, les déchets plastiques, le coke de pétrole, le charbon, les chutes de bois et le biochar en graphène précieux. Elle devrait également être relativement facile à étendre à plus grande échelle. C’est la température qui est la clé — elle accélère l’évolution du carbone dans son état fondamental de graphite, mais arrête également cette évolution exactement au bon moment pour récolter du graphène de haute qualité.
Une technique de recyclage rapide, peu coûteuse et respectueuse de l’environnement
Si le graphène peut être généré à moindre frais, cela signifie qu’il peut être utilisé pour plus d’applications — pour aider à la production de voitures ou de vêtements, par exemple, ou dans le ciment pour lier le béton (un processus responsable d’environ 8% du CO2 d’origine humain chaque année).
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« En renforçant le béton avec du graphène, nous pourrions utiliser moins de béton pour la construction, et cela coûterait moins cher à fabriquer et à transporter. Essentiellement, nous piégeons les gaz à effet de serre comme le dioxyde de carbone et le méthane que les déchets alimentaires auraient émis dans les décharges. Nous convertissons ces carbones en graphène et ajoutons ce graphène au béton, réduisant ainsi la quantité de dioxyde de carbone générée dans la fabrication du béton. C’est un scénario environnemental gagnant-gagnant utilisant du graphène ».
Aucun solvant ou additif chimique n’est requis pour le processus, et les éléments autres que le carbone sont libérés sous forme de gaz. De plus, le processus produit très peu de chaleur excédentaire et le dispositif de confinement est froid au toucher quelques secondes après. Le graphène a déjà fait ses preuves dans une multitude d’applications, couvrant l’électronique, la fabrication et le nettoyage des polluants. Désormais, les scientifiques peuvent le fabriquer à moindre coût, tout en réutilisant des matériaux qui autrement seraient gaspillés.