Selon des chercheurs en psychologie et design de l’Université RMIT de Melbourne, cette nouvelle police d’écriture qu’ils ont mis au point – appelée Sans Forgetica – nous aiderait à mieux nous souvenir des informations que nous lisons grâce à la « science de l’effort ». En effet, cette police a été spécialement conçue pour améliorer la rétention d’informations des lecteurs.
Le principe de cette police se base sur une théorie appelée « difficulté souhaitable », qui suggère que les gens se souviennent mieux des choses lorsque leur cerveau doit surmonter des obstacles mineurs lors du traitement de l’information.
Selon Stephen Banham, concepteur et conférencier du RMIT, qui a contribué à la création de la police Sans Forgetica, cette dernière est une police élégante et inclinée avec des lacunes intermittentes dans chaque lettre, qui servent de « puzzle simple » pour le lecteur.
« La police doit être difficile à lire, mais pas trop », a déclaré Banham. « En exigeant cet acte supplémentaire, le processus de mémorisation est plus susceptible d’être déclenché », a-t-il ajouté. En concevant Sans Forgetica, Banham a déclaré qu’il devait passer outre son instinct, issu de 25 années d’études en typographie : la clarté, la facilité de traitement et la familiarité sont généralement des principes directeurs sur le terrain.
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L’inclinaison en arrière de Sans Forgetica serait étrangère à la plupart des lecteurs, étant donné que ce type d’inclinaison sur la gauche n’est généralement utilisé que par les cartographes pour indiquer les rivières. De plus, les ouvertures (éléments manquants) dans les lettres, font travailler le cerveau pour identifier les formes, et par conséquent, les lettres.
L’équipe de recherche a testé l’efficacité de cette police, ainsi que d’autres polices intentionnellement compliquées, sur 400 étudiants en laboratoire et grâce à des expériences en ligne. Les chercheurs ont ainsi découvert que : « Sans Forgetica brisait juste suffisamment les principes de base du design sans devenir trop illisible, afin de favoriser la conservation de l’information », explique l’équipe sur le site internet de l’Université.
D’une certaine manière, la police Sans Forgetica est une continuation du travail de Daniel Oppenheimer, professeur de psychologie à Carnegie Mellon, qui a présenté une idée similaire sur la « difficulté souhaitable », appelée « disfluency » (manque de fluidité) à l’Université de Princeton en 2011. Bien que les termes soient différents, le principe est le même : des exercices mentaux mineurs, aident les lecteurs à mieux se souvenir des différents éléments.
L’équipe d’Oppenheimer s’est appuyée sur le contraste et la taille de la police pour effectuer des épreuves mentales. Lors d’une expérience, l’équipe a demandé à 28 étudiants d’université de lire des informations qui étaient écrites dans deux styles différents, concernant deux animaux imaginaires créés pour l’occasion : le pangerish et le norgletti.
Les informations concernant le pangerish étaient imprimées en gris, de taille 12 avec la police Comic Sans ou Bodoni (impliquant un certain effort de lecture). Les informations du norgletti, quant à elles, étaient imprimées en taille 16 avec une police Arial, et en noir (pas ou peu d’effort de lecture). L’équipe de recherche a ensuite distrait les élèves 15 minutes après leur lecture au sujet des animaux, puis les a interrogés à leur sujet. Les étudiants se sont souvenus de 87% des caractéristiques du pangerish, dont les informations étaient plus difficiles à lire, et uniquement de 73% des faits concernant le norgletti.
Oppenheimer et son équipe ont étoffé leurs recherches d’un semestre dans une école secondaire de Chesterfield, dans l’Ohio (USA). Ils ont changé les polices d’écriture sur le matériel pédagogique (supports, diapositives PowerPoint, feuilles de calcul, etc.) dans plusieurs classes, et les ont remplacées par des polices moins habituelles, et considérées comme plus difficiles à lire. Après plusieurs semaines d’enseignement, les chercheurs ont constaté que dans toutes les matières, à l’exception de la chimie, les étudiants qui avaient lu les documents plus compliqués à lire, obtenaient de bien meilleurs résultats. « Cette recherche montre que les interventions comportementales peuvent être un élément important de la réforme de l’école », a déclaré Oppenheimer.
Les chercheurs du RMIT ont déclaré que Sans Forgetica est la toute première police créée dans le but de favoriser la rétention d’informations et stimuler la mémoire. Ils ont également souligné que cette dernière devait être utilisée avec parcimonie pour rester efficace. En effet, si le cerveau du lecteur s’habitue à la police, alors il la lira tout aussi facilement qu’une police standard de type Arial ou Times New Roman (des polices parmi les plus répandues au monde).
« Nous pensons qu’elle est utilisée de manière optimale lorsque des sections clés sont mises en avant avec cette police ; telles que des définitions dans les textes, plutôt que de convertir des textes ou des livres entiers avec cette police », ont déclaré les chercheurs.
Vous souhaitez tester cette police par vous-mêmes ? Sans Forgetica est disponible en téléchargement ou en tant qu’extension Google Chrome sur un site Web du RMIT.