Une équipe de l’Institut coréen de génie civil et de technologie du bâtiment a mis au point un nouveau dispositif permettant de transformer l’eau de mer en eau potable. Il s’agit d’une membrane en nanofibres électrofilées, qui dans le cadre d’une distillation membranaire, offre des performances stables et durables. Cette technologie ouvre potentiellement la voie à une solution de dessalage de l’eau de mer à grande échelle.
Notre planète est recouverte à 72% d’eau. Mais de ces centaines de millions de kilomètres cubes d’eau, l’eau douce ne représente que 2,5%. Aujourd’hui, selon l’Organisation mondiale de la Santé, 785 millions de personnes dans le monde ne disposent même pas d’un service de base d’alimentation en eau potable. Et d’ici 2025, plus de la moitié de la population mondiale vivra dans des régions soumises au stress hydrique. Il est donc urgent de développer des solutions permettant d’exploiter l’eau des océans pour couvrir les besoins de l’humanité.
Dans ce contexte, la distillation membranaire — un procédé thermique qui consiste à transporter de la vapeur d’eau à travers une membrane poreuse hydrophobe — connaît un intérêt croissant. Les membranes en nanofibres électrofilées habituellement utilisées affichent une surface spécifique, une hydrophobie et une porosité élevées. Toutefois, elles souffrent d’importants problèmes de mouillage, qui amenuisent leurs performances et restreignent largement leur temps d’utilisation. Des chercheurs proposent aujourd’hui une solution à ce problème.
Des performances accrues par l’électrofilage coaxial
Dans une distillation membranaire, le caractère hydrophobe de la membrane empêche le liquide de pénétrer dans les pores grâce à la tension de surface. Si une membrane présente un mouillage pendant l’opération de distillation — ce qui signifie que la phase liquide finit par pénétrer dans les pores malgré l’hydrophobie de la membrane — elle doit être remplacée. En effet, lorsqu’une membrane est complètement mouillée, elle devient inefficace et le perméat est de mauvaise qualité. Or, le mouillage progressif des membranes a été particulièrement observé lors d’opérations de distillation de longue durée.
Une équipe de l’Institut coréen de génie civil et de technologie du bâtiment, dirigée par le Dr Yun Chul Woo, a donc mis au point un nouveau type de membrane, plus résistant au mouillage. Cette membrane ont été fabriquée par électrofilage coaxial, une nanotechnologie qui permet d’obtenir des membranes en nanofibres non tissées en une seule étape. Les nanofibres adoptent une structure hiérarchique en 3D, qui augmente la rugosité de surface, offrant ainsi une meilleure hydrophobie. En limitant le mouillage, la distillation membranaire se fait plus stable sur le long terme.
Les chercheurs ont utilisé du poly(fluorure de vinylidène-co-hexafluoropropylène) comme noyau et un aérogel de silice comme gaine de ces nanofibres, afin de produire une membrane composite coaxiale dotée d’une surface superhydrophobe. Il se trouve que l’aérogel de silice présente une conductivité thermique beaucoup plus faible que celle des polymères conventionnels, ce qui a entraîné une augmentation du flux de vapeur d’eau pendant le processus de distillation (due à une réduction des pertes de chaleur conductrices).
Une membrane efficace pendant un mois
La plupart des études antérieures visant à tester des membranes en nanofibres électrofilées dans le cadre de distillations membranaires rapportent des durées de vie de moins de 50 heures. La membrane coaxiale développée par Woo et son équipe s’est montrée efficace pendant un mois ! Pendant tout ce laps de temps, elle a permis d’extraire 99,99% du sel présent dans une solution de chlorure de sodium à 3,5%.
Ces performances exceptionnelles sont dues d’une part à son faible angle de glissement et d’autre part, à sa faible conductivité thermique, qui permet de s’affranchir des problèmes de polarisation de température (les pertes de chaleur par conduction diminuent les performances du flux de vapeur d’eau pendant la distillation membranaire). Grâce à ses propriétés uniques, elle est restée efficace sur le long terme, sans présenter de problème de mouillage ou d’encrassement ; cette technologie pourrait ainsi bel et bien contribuer à résoudre la pénurie d’eau douce dans le monde.
Pour le Dr Woo, si l’on souhaite qu’un dispositif de distillation membranaire soit développé à l’échelle industrielle puis commercialisé, il est plus important de disposer d’un processus stable que d’une performance de flux de vapeur d’eau élevée. Sa membrane présente ces deux avantages. « La membrane coaxiale en nanofibres électrofilées a un fort potentiel pour le traitement des solutions d’eau de mer sans souffrir de problèmes de mouillage et peut être la membrane appropriée pour les applications de distillation membranaire à l’échelle réelle », conclut-il.