La greffe d’îlots pancréatiques apparaît aujourd’hui comme une thérapie prometteuse pour traiter le diabète de type 1. La technique reste toutefois à améliorer, car elle n’entraîne malheureusement pas toujours le résultat escompté chez les patients les plus sévèrement atteints. Une nouvelle méthode de greffe, développée par le Clinical Islet Transplantation Consortium, a fait ses preuves lors de deux essais cliniques de phase 3 : plus de la moitié des patients traités sont devenus indépendants à l’insuline pendant de nombreuses années.
Le diabète de type 1, appelé autrefois « diabète insulinodépendant », est une maladie auto-immune caractérisée par l’absence totale de production d’insuline. Les cellules bêta des îlots de Langerhans, situées dans le pancréas, qui sont normalement chargées de produire cette hormone, sont éliminées par le système immunitaire. Or, en l’absence d’insuline, le glucose s’accumule dans le sang, ce qui entraîne des effets délétères pour l’organisme. Par conséquent, les personnes atteintes de diabète de type 1 dépendent à vie d’injections quotidiennes d’insuline (ou d’une pompe à insuline).
La maladie concerne 10% des cas de diabète, mais son incidence ne cesse d’augmenter. Selon l’Inserm, depuis une vingtaine d’années, le nombre de personnes atteintes progresse au rythme de 3 à 4% par an. De plus, son apparition est de plus en plus précoce, en particulier chez les moins de cinq ans. La greffe d’îlots pancréatiques, visant à remplacer les cellules détruites, constitue une piste thérapeutique prometteuse : elle permet de se passer d’insuline pendant quelques années. Son efficacité demeure toutefois très variable et l’approche requiert plusieurs donneurs alors que les organes disponibles sont peu nombreux. Des chercheurs proposent aujourd’hui une nouvelle technique qui pourrait changer la donne.
Un protocole basé sur une immunosuppression et une insulinothérapie précoce
La transplantation de cellules d’îlots de Langerhans est pratiquée dans plusieurs pays (notamment en Australie, au Canada, au Royaume-Uni et dans de nombreuses régions d’Europe), mais est encore considérée comme expérimentale aux États-Unis. Elle consiste à prélever des cellules dans le pancréas de donneurs décédés et à les introduire via un petit cathéter chez des patients diabétiques dont les propres îlots ne fonctionnent plus. Cette transplantation est par conséquent beaucoup moins invasive qu’une greffe totale de pancréas.
Des chercheurs de Penn Medicine, en collaboration avec le Clinical Islet Transplantation Consortium, travaillent depuis 2004 à l’élaboration de méthodes optimisées et normalisées pour l’isolement et la transplantation des îlots de Langerhans. Leur approche comprend une déplétion des cellules T pour induire une immunosuppression, combinée à des traitements anti-inflammatoires, anticoagulants et à une insulinothérapie intensive précoce pour éviter que les îlots transplantés ne soient endommagés ou stressés avant qu’une nouvelle irrigation sanguine du foie ne soit établie. Cette approche améliore les taux de réussite de la greffe et de survie des îlots.
Cette nouvelle technique a été appliquée à 72 patients volontaires, parmi les plus gravement touchés par la maladie. Tous souffraient de diabète de type I à haut risque d’hypoglycémie sévère (pouvant entraîner une perte de conscience). Parmi eux, certains avaient également déjà subi une transplantation rénale en raison de leur diabète. En effet, outre des complications cardiovasculaires, le diabète augmente également le risque d’insuffisance rénale et de nombreux diabétiques de type 1 ont déjà subi une greffe de rein, ce qui complique le traitement.
Dans le cadre de leurs essais cliniques, les chercheurs ont donc étudié deux cohortes de patients : certains (n = 48) ont bénéficié uniquement d’une greffe d’îlots et d’autres (n = 24) ont reçu des îlots après une greffe de rein. Les deux groupes ont été suivis sur le long terme, pendant huit et sept ans respectivement.
Une indépendance durable à l’insuline
À l’issue de la période de suivi, plus de la moitié (56%) des patients ayant subi uniquement une greffe d’îlots et 49% des patients ayant subi une greffe de rein au préalable, avaient des greffons survivants. L’absence d’hypoglycémie sévère a été maintenue à plus de 90% dans les deux cohortes, ajoutent les chercheurs. De plus, la fonction rénale est restée stable pendant le suivi à long terme dans les deux groupes, et s’est même améliorée chez ceux qui avaient subi une greffe de rein.
En outre, sur les 75% qui ont pu initialement arrêter l’insulinothérapie, plus de la moitié ont conservé une indépendance totale vis-à-vis de l’insuline, ce qui signifie qu’ils n’ont pas eu besoin d’injections d’insuline supplémentaires pendant les années de suivi. « Ces données sont importantes car elles montrent qu’à long terme, la transplantation d’îlots de Langerhans est efficace, y compris chez les personnes ayant subi une greffe de rein », souligne le Dr Michael Rickels, qui a co-dirigé l’étude.
Non seulement cette approche entraîne une indépendance durable à l’insuline, mais elle nécessite moins de cellules que l’approche traditionnelle : alors que deux à trois pancréas de donneurs sont généralement nécessaires pour réaliser une transplantation d’îlots, ce nouveau procédé n’en nécessite qu’un, peut-être deux maximum. « C’est un protocole beaucoup plus efficace, qui donne accès à davantage de transplantations d’îlots comme alternative aux greffes de pancréas », a déclaré Rickels.
L’équipe a bien évidemment évalué l’innocuité du processus. « Des événements indésirables graves sont survenus à raison de 0,31 par année-patient pour la greffe d’îlots seule et de 0,43 par année-patient pour la greffe d’îlots après transplantation rénale », rapportent les auteurs de l’étude. Au total, les chercheurs ont enregistré 104 événements indésirables graves (c’est-à-dire nécessitant une hospitalisation) pour l’ensemble des participants à l’étude — un nombre bien inférieur à ce que l’on pourrait attendre chez une population traitée par immunosuppresseurs, note Rickels. Ces événements, allant de la déshydratation à l’infection, n’étaient par ailleurs pas liés aux îlots transplantés.
Rickels et ses collègues prévoient à présent de soumettre leurs données à la Food and Drug Administration (FDA), afin que leur technique de transplantation d’îlots de Langerhans devienne un traitement approuvé pour les patients diabétiques de type 1 sévèrement atteints.